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Adélard BéchardOn a souvent parlé du rôle central joué par les missionnaires-colonisateurs dans le regroupement des immigrants de langue française dans des districts où ceux-ci formaient la majorité. Les liens familiaux constituent un autre facteur de regroupement, si évident qu'on néglige régulièrement de le mentionner. Nombreuses en effet ont été les familles au départ dispersées dans des régions éloignées les unes des autres et qui se sont réunies lorsque l'un des membres a choisi un district plus propice au lancement de grandes fermes prospères, appuyant plus tard de façon concrète l'établissement de frères, de neveux, de cousins. Il en a été ainsi dans le hameau de Béchard, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Régina. Adélard Béchard est né à Saint-Jacques-le-Mineur, à peu de distance de Montréal le 30 juin 1870. Après son mariage à l'été de 1902, il s'installe en compagnie de son épouse sur la terre de ses parents, dans la région de Saint-Jérome. Mais la terre est trop pauvre pour faire vivre deux familles et comme les perspectives d'emploi sont bien meilleures dans l'Ouest canadien, Adélard et son épouse partent pour Edmonton durant l'hiver de 1903. Le jeune homme manie adroitement l'égoïne et le marteau, et il gagne bien sa vie comme charpentier-menuisier car le boom de la construction fait sentir ses effets dans la ville qui deviendra sous peu la capitale de la nouvelle province de l'Alberta. Mais ce ne peut être qu'une occupation temporaire, car Adélard tient à s'établir sur sa terre à lui. À cette époque, le clergé catholique pousse les nouveaux arrivants de langue française vers le nord-est de la zone agricole de l'Alberta, dans le but de créer une série de villages français entre Edmonton et la région qui porte aujourd'hui le nom de Bonnyville. Le jeune Québécois répond à l'appel et se choisit un homestead dans le district de Brosseau sur la rive droite d'un grand coude de la rivière Saskatchewan-Nord, près du lieu connu aujourd'hui sous le nom de Two Hills. Avec sa femme et un bébé de quelques mois, il s'embarque en compagnie d'un groupe de colons sur un grand radeau, que pousse doucement le courant de la rivière. Le voyage dure plusieurs jours, même si à vol d'oiseau la distance ne dépasse guère 125 kilomètres; avec les méandres de la rivière, il faut compter 250 bons kilomètres. À cause du froid et de l'humidité, le bébé succombe à une pneumonie. Malgré cette tragédie, le couple se met à l'oeuvre et la prospérité – ainsi que les enfants – viennent avec les années. Les Béchard font alors l'achat d'une terre située plus près du village. Durant l'hiver, Adélard peut ainsi plus facilement s'occuper à son métier de menuisier aux villages voisins de Brosseau et de Duvernay, qui grandissent à vue d'oeil. Entre temps, ses frères Abraham et Ubald se sont réservés des terres dans un district situé au sud-est de Régina, entre deux lignes de chemin de fer du Canadien Pacifique, l'une qui mène vers Moose Jaw et l'autre vers Régina. La famille a bien réussi et lorsque le Canadian Northern construit un embranchement entre les deux lignes du Canadien Pacifique, passant en plein centre des terres qu'elle détient, Adélard estime que le moment est venu de s'associer à d'autres membres de sa famille, aux environs du nouveau village qu'on baptisera Béchard. Il arrive en 1914, loue trois carreaux et repart chercher sa famille, l'équipement agricole et les chevaux de trait laissés en Alberta. Les débuts sont plutôt difficiles. Une cabane de deux pièces sert de résidence pour la famille. Les enfants dorment, quatre dans un lit, couchés côte-à-côte sur le sens de la largeur. Ce n'est qu'après la Première Guerre mondiale qu'Adélard peut entreprendre la construction d'une maison plus spacieuse et confortable. Après plusieurs années, il achète les trois carreaux loués ainsi qu'un quatrième, qui complète la section, ayant appartenu à son frère aîné Abraham. D'autres terres s'ajouteront ensuite, de telle sorte qu'il faut faire appel à plusieurs hommes à gages, venus pour une bonne part de l'ancien district en Alberta. Plusieurs de ceux-là s'installeront aussi de façon permanente aux alentours de Béchard. La question de l'instruction des enfants pose certains problèmes. Comme ils ne parlent que le français, ils ont quelque difficulté à s'adapter à l'enseignement offert dans les petites écoles rurales des environs. On enverra une des filles vivre chez des cousins de Montréal, afin qu'elle puisse aller à l'école française. D'autres iront au couvent de Forget. Adélard Béchard continue à exploiter sa ferme jusqu'en 1941, alors qu'il la cède à un de ses fils et prend sa retraite à Régina. C'est là qu'il meurt le 10 octobre 1956, à l'âge de 86 ans. (renseignements: The Ties That Bind, Béchard, Riceton, Gray & Estlin History, 1984, pp. 782-788) |