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Louis-Émile et Adrien BelcourtAu tout début de la grande période de colonisation de la Saskatchewan entre 1903 et 1915, les nouveaux arrivants étaient pratiquement à la merci des épidémies qui ravageaient régulièrement la campagne. Ainsi, il y eut plusieurs épidémies de diphtérie entre 1908 et 1910, épidémies qui emportaient souvent trois ou quatre enfants d'une même famille à la fois, quand ce n'était pas le père et la mère. Le médecin le plus proche habitait bien des fois à 50 ou 100 kilomètres et il lui fallait toute une journée de voyage pour atteindre les régions menacées. Dans bien des cas aussi, le ministère de la Santé dépêchait un médecin depuis Régina, accompagné d'un agent de la Police à cheval du Nord-Ouest chargé de faire observer les dispositions sur l'hygiène et la salubrité publiques. Avec les années, de plus en plus de médecins et de pharmaciens vinrent s'installer en Saskatchewan, dont un bon nombre de Canadiens français. Le village franco-canadien de Laflèche eut la bonne fortune d'accueillir deux frères, l'un médecin, l'autre pharmacien, qui, ensemble, comptent près de 80 années de loyaux services à la population. Louis-Émile Belcourt, médecin, arrive à Laflèche en septembre 1916 et son frère Adrien, pharmacien, quelques semaines plus tard. Ils sont d'origine franco-américaine, comme le raconte Adrien: «Tous mes ancêtres étaient Canadiens... tous... excepté mon père, comme de raison, qui est venu pratiquer la médecine au Minnesota. Il y avait un groupe de Canadiens français là... un gros groupe de Canadiens français... dans un petit village; on est tous né là. Mais on est tous revenu au Canada. «J'ai perdu ma mère quand j'avais neuf jours. Mon père était très nationaliste, comme on dit. Alors il nous a tous envoyé... on était quatre chez nous... à Montréal pour faire des études. Moi, j'ai été au collège de Sherbrooke.» Louis-Émile étudie la médecine à l'Université Laval et au Collège Médical du Manitoba. Puis, avec son épouse, il part pour l'Angleterre – nous sommes en plein milieu de la Première Guerre mondiale – où il est rattaché à un régiment britannique pendant un an, avant de venir ouvrir un cabinet à Laflèche. Adrien suivra quelques semaines plus tard: «Mon frère était médecin ici, et puis, il m'a encouragé de venir... disant qu'il y avait une pharmacie à vendre. C'est pour ça que je suis venu. J'ai acheté la pharmacie. Quand les Américains ont déclaré la guerre, la Première Guerre en 1917, j'étais Américain encore. J'ai été chez nous, dans le Minnesota, je me suis enregistré et puis ils m'ont appelé. J'ai fait la guerre avec les Américains. J'ai été en Europe pendant deux ans. Et puis je suis revenu, j'ai été à l'Université de la Saskatchewan; j'ai obtenu mon diplôme en pharmacie et je suis revenu à Laflèche.» Pendant ce temps, son père, le Dr O.-E. Belcourt, vient du Minnesota pour s'occuper de la pharmacie. Au retour d'Adrien, Louis-Émile installe son cabinet au-dessus de la pharmacie. La vie du médecin en ces temps-là n'est pas de tout repos: «C'était un vrai médecin pionnier. Durant les premières années, quand on soignait les malades à la maison, il allait visiter ceux qui avaient besoin de ses services dans une vaste région autour de Laflèche. Il a mis au monde un grand nombre d'enfants et sauvé bien des vies de cette façon. Il passait de longues soirées à jouer aux cartes ou à jaser avec le père, en attendant que le bébé arrive. «Plusieurs hommes du village l'ont accompagné durant ses longues sorties. Ils menaient l'attelage jusqu'à cinquante milles et il arrivait souvent que le docteur reprenne les heures de sommeil perdues, pendant que son compagnon faisait face à la tempête et au froid. Il est arrivé de temps à autre qu'ils se sont perdus; une fois, ils ont mis le feu à une meule de foin pour attirer l'attention tout autant que pour se réchauffer un peu. «Durant les années 1930, le Dr Belcourt fit l'achat d'une machine des neiges, propulsée par un moteur et une hélice d'avion, et pouvant filer jusqu'à cinquante milles à l'heure, ce qui lui permettait de visiter ses malades plus rapidement. En été, il se servait d'une voiture sur des pistes de terre, souvent crevassées d'ornières et presque impassables. Durant sa carrière, il a mis au monde plus de 3000 nouveaux-nés et pris part à près de 1500 interventions chirurgicales.» De son côté, Adrien continue à s'occuper de sa pharmacie. Il contribue à la vie de la communauté en siégeant à la commission scolaire séparée pendant près de 20 ans, ainsi qu'au conseil du village. Louis-Émile quitte Laflèche pour Moose Jaw en 1948, après 32 ans de services à la population de toute la région. Adrien, lui, continue à diriger la pharmacie jusqu'en 1964, soit 45 années ininterrompues, alors qu'elle passe entre les mains d'un de ses fils. Louis-Émile décède en mars 1968 et son frère Adrien en septembre 1983. (citations: entrevue de M. Adrien Belcourt aux Archives provinciales; Golden Memories of the Wood River Pioneers, Wood River Historical Society, Laflèche 1980, p. 27) |