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Albert ChampagneIl a toujours existé des liens étroits entre la Chambre des Communes à Ottawa et l'Assemblée législative de Régina. En effet, six premiers ministres de notre province – Walter Scott, William Martin, Charles Dunning, J.C. Gardiner, T.C. Douglas et Ross Thatcher – ont aussi été députés à Ottawa. En tout, pas moins de 20 p. 100 des députés saskatchewanais aux Communes entre 1905 et 1966 ont aussi siégé à l'Assemblée de Régina à un moment ou à un autre de leur carrière. De ce nombre, quelques-uns ont été ministres dans les deux parlements, comme W.R. Motherwell, ministre de l'Agriculture à Ottawa et à Régina. Une femme, Gladys Strum, a aussi la distinction d'avoir servi à Ottawa et à Régina, pour le parti C.C.F. Quant à Albert Champagne, il est le seul représentant de langue française à avoir été élu député aux deux parlements. La carrière politique d'Albert Champagne aurait bien pu se terminer avant même de commencer. En effet, lors des premières élections à l'automne de 1905, quelques mois après la création de la province, on s'attend d'abord à ce que l'adversaire de M. Champagne soit Frederick Haultain, qui a été «premier ministre» des Territoires du Nord-Ouest. Comme le rapporte le journal de Battleford, «M. Champagne va selon toute probabilité perdre son dépôt.» Mais Haultain choisit de briguer les suffrages dans un autre comté et Champagne est facilement élu sous la bannière libérale. On sait relativement peu de choses à propos d'Albert Champagne. Né à Ottawa le 23 juin 1867, fils de Séraphin Champagne et de Mélina Ducharme, il fait ses études chez les Frères des écoles chrétiennes de la capitale. Elles sont tôt interrompues, car il est apprenti-tailleur à Ottawa dès 1883. Albert Champagne indique dans un document qu'il aurait été employé chez un épicier pendant cinq ans et même mineur, mais il y a lieu de douter de l'exactitude de ces renseignements. Le 6 juillet 1885, il s'enrôle dans la Police à cheval du Nord-Ouest, pour la période réglementaire de cinq ans. Le salaire de la première année est de 50 sous par jour; l'année suivante, il aura droit à une prime de 5 sous par «journée de bonne conduite». Son dossier médical indique qu'il mesure 6 pieds 2 pouces (1,88 m), pèse 160 livres (73 kg) et qu'il a un tour de poitrine de 36 pouces (92 cm). Le matricule 1488 est affecté au poste de Battleford, où il devient constable et tailleur. Il se rengage pour trois ans une première fois en 1890, puis encore en 1893. En 1895, Albert Champagne achète sa libération de la Police à cheval pour la somme de 50 $. Il explique qu'il a «une somme considérable d'argent sous la main», qu'il a fait arpenter un vaste ranch – le ranch Redberry – dans la région de Battleford et qu'il y a fait ériger des bâtiments. Ce n'est pas, on s'en doute un peu, à partir de son maigre salaire de constable qu'il a réussi à accumuler ce pécule. Peut-être a-t-il intéressé à son projet des personnalités de la région? Peut-être aussi l'argent vient-il de son frère aîné qui semblait avoir une certaine influence dans la politique municipale à Ottawa? Quelque temps plus tard, il vend le ranch et achète l'hôtel Queen's à Battleford. En société avec un autre homme d'affaires, il se porte ensuite acquéreur de l'hôtel Albion dans cette même ville, en plus d'exploiter une importante compagnie de vente immobilière. Il est aussi permis de croire qu'il continue à détenir des parts dans un ou plusieurs ranchs des environs. Pourtant, il est un épisode de la vie d'Albert Champagne qui ne laisse pas d'étonner: le 13 avril 1899, il signe une demande de rengagement dans la Police à cheval du Nord-Ouest. Comment peut-on expliquer le fait qu'il est prêt à tout abandonner et à se contenter d'un salaire de constable? Revers de fortune? Autres difficultés temporaires? Quoiqu'il en soit, il n'est pas accepté dans le corps de police car il s'est entre temps marié. Lorsque le village de Battleford est légalement constitué en 1904, «Cham» Champagne devient le premier maire. Dès le lendemain de son élection, il part pour Winnipeg afin d'intervenir auprès du ministre de l'Intérieur et du député fédéral pour que le chemin de fer du Canadian Northern passe par Battleford. Mais la compagnie a d'autres plans et elle évite Battleford, préférant construire un pont plus en amont: la rivière y est moins large et elle pourra réaliser un beau profit en vendant les lots qu'elle possède à North Battleford. C'est à partir de ce moment que Battleford connaît un déclin. Après avoir été député de Battleford à Régina de 1905 à 1908, il est élu député fédéral pour le même comté lors des élections générales d'octobre 1908, puis réélu aux élections de septembre 1911, toujours sous la bannière libérale. À cause de la guerre, le Parlement siège jusqu'en octobre 1917. Albert Champagne est alors le seul député canadien français de tout l'Ouest canadien. Il semble qu'il ne se soit pas présenté lors des élections de 1917, et il est facilement défait par son adversaire conservateur aux élections de l'automne 1921. C'est la fin de sa carrière politique. Albert Champagne continue à s'occuper du commerce des chevaux. Pendant de nombreuses années, ses coursiers raflent les prix sur toutes les pistes de l'Ouest, depuis Winnipeg jusqu'à Calgary. À l'automne de 1930, il négocie avec le gouvernement soviétique la vente de 2000 chevaux de l'Ouest canadien qui doivent être expédiés le plus rapidement possible. Il déclare à cette occasion que «non seulement les représentants du gouvernement soviétique mais aussi la population en général entretiennent des sentiments amicaux envers le Canada». Il escompte pouvoir faire «d'encore meilleures affaires avec ce pays» au cours des années à venir. On ignore si les plans d'Albert Champagne se sont réalisés, mais il s'établit à Ottawa quelque temps avant son décès le 12 octobre 1937. S'il a été le seul député de langue française à servir à Régina et à Ottawa, un autre famille franco-canadienne a fourni des représentants aux deux parlements. Benjamin Prince, de North Battleford, a été sénateur de 1909 à 1920 et son fils Paul, député provincial de 1940 à 1944 et de 1948 à 1949. (citations et renseignements: dossier 1488, N.W.M.P., Archives publiques du Canada, section des Archives militaires et d'État) |