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Arsène Godin
«Né à L'Acadie, P.Q., en 1880, après de fortes études primaires, il songea à embrasser une carrière professionnelle. On le retrouve par conséquent à Montréal poursuivant des études d'humanités, de physique et de médecine. En 1905, ses confrères le portaient à la charge du Président des Étudiants de Médecine. Il venait justement de conquérir brillamment ses degrés, lorsque la maladie l'obligea à chercher du repos. Ses goûts le portèrent vers l'Ouest, et il arriva à Willow-Bunch à l'automne de 1907. Son intention n'était que d'y passer, mais la Providence en a jugé autrement. Homme d'étude et de conseil, esprit méthodique et organisateur de premier ordre, il a coopéré à tous les bons mouvements, il s'est appliqué à rendre ses concitoyens meilleurs, plus éclairés. «L'une des fondations qui honore le plus le Dr A. Godin, et qui a contribué grandement à entretenir la vie religieuse et nationale au sein de la population, a été la fondation de la Société St-Jean-Baptiste. Elle a pris naissance à la clôture d'une retraite prêchée par le Père Boutin en avril 1911. Le but que se proposait cette fondation est de garder à l'âme de la race sa mentalité catholique et française, s'intéresser à tout ce qui pouvait la rendre plus chrétienne, plus vaillante et plus forte, promouvoir dans ce but la culture intellectuelle et physique.»1 Le docteur Godin en fut le premier président et le principal promoteur; il s'occupa de la création et de la direction de plusieurs comités de la Société, dont le comité musical et le comité de l'A.C.F.C. «L'Association catholique Franco-canadienne de la Saskatchewan dont il fut l'un des membres zélés, lors de son Congrès à Lebret en 1915, l'a porté au poste élevé de Président-Général, qu'il a occupé avec distinction pendant plusieurs années,»2 jusqu'en 1921. Il avait été, l'année précédant son élection, le grand organisateur du congrès de l'A.C.F.C. à Willow-Bunch. À cette occasion, un autre des nombreux talents du Dr Godin s'était fait connaître. «La chorale de Willow-Bunch a vraiment émerveillé tous les congressistes. Sous l'habile direction de M. le Dr Godin, la chorale a chanté une messe en musique avec une perfection d'exécution que l'on trouve pas même toujours dans les plus grandes villes.»3 Il s'intéressait également à la peinture, à la gravure et à la sculpture; au cours de ses nombreux voyages dans l'Est et outre-Atlantique, il avait acquis bon nombre de peintures et de pièces précieuses. Son goût raffiné et ses moyens financiers appréciables lui avaient ainsi permis de monter une véritable galerie d'art au milieu de la solitude des plaines. Dès 1909, le Dr Godin fonde un modeste hôpital qui peut accueillir une dizaine de patients. Malgré l'exiguïté relative des locaux, l'ouverture de cet établissement marque un grand pas en avant, car l'hôpital Pasteur est à cette époque le seul de tout le sud-ouest de la province. Si l'hôpital rend de précieux services pendant de nombreuses années, notamment durant l'épidémie de grippe espagnole à la fin de la Première Guerre mondiale, la médecine continue de progresser et le Dr Godin sent qu'il pourrait faire encore mieux. Il prend la décision de se spécialiser en radiologie et en chirurgie, et il part «poursuivre des études chirurgicales à New-York et à Paris qui en firent un spécialiste distingué et recherché.»4 Dès son retour à Willow-Bunch, il se lance avec énergie dans la modernisation de son hôpital. «Lundi 1er février 1926, la population du district de Willow-Bunch était invitée à visiter l'hôpital agrandi ou plutôt reconstruit sur un plan plus vaste par le Dr A. Godin, de retour au milieu de nous après un voyage d'études de près de trois ans, de janvier 1923 à novembre 1925. Pour la construction et l'équipement, le Dr Godin s'est inspiré des idées que lui ont suggérées la visite des hôpitaux d'Europe. Le sous-sol renferme les appareils de chauffage à l'eau chaude et d'électricité. Au rez-de-chaussée se trouvent: la cuisine et ses dépendances, le bureau des consultations, la salle d'opérations, avec un outillage des plus complets venant directement de Paris, salle de stérilisation, rayons X, chambre noire pour le développement des plaques photographiques, etc. Au premier étage, de magnifiques et spacieuses chambres particulières, semi-particulières et publiques, prêtes à recevoir les malades. Dans chaque chambre, le téléphone, le radio, sonnerie électrique à la portée de la main, en un mot, tout ce qui peut contribuer au confort des patients. «Bien que la propriété du Dr Godin est sous son administration personnelle, l'hôpital jouit des privilèges accordés aux hôpitaux municipaux. De fait, c'est le premier et jusqu'à présent le seul du genre à l'ouest des Grands Lacs, et le gouvernement a les yeux sur cette entreprise constituant une expérience bonne à mettre à profit dans d'autres districts.»5 Le nouvel hôpital Pasteur, placé sous la direction des Soeurs de la Charité de St-Louis dès 1927, pouvait accueillir une trentaine de patients. «Le Dr Godin s'intéressa aussi beaucoup au développement paroissial et économique de Willow-Bunch. Il fut pendant plusieurs années marguillier de la paroisse et membre actif de la Chambre de Commerce. Il avait acquis de vastes terrains sur lesquels plusieurs fermiers se livraient, sous sa direction, à la culture intensive du blé. Lorsque la crise mondiale éclata en 1929, il vit son avoir diminuer considérablement. Il dut faire face aux années de disette qui suivirent et réduisirent presque à néant sa modeste fortune acquise au cours des bonnes années. «En avril 1934, il eut la grande angoisse de sa carrière médicale, celle de voir détruire en deux heures, par un incendie, l'hôpital Pasteur dont il était le propriétaire.»6 «Le feu origina près d'une cheminée. Un vent de 40 milles à l'heure et une tempête de poussière rendirent vains les efforts de trois cents hommes qui luttèrent pour éteindre le feu. Il n'y eut heureusement aucune perte de vie. Presque tout l'équipement de la salle d'opérations est perdu. Des peintures de prix, des souvenirs et autres articles irremplaçables ont été détruits. Au retour de son dernier voyage en Europe en 1931, le docteur Godin installa une clinique de chirurgie tout à fait moderne. Celle de la maternité était l'une des mieux équipées de la province.»7 «Les conditions financières ne lui permirent pas de reconstruire ce qu'il avait édifié au prix de grands sacrifices pour le bien de ses concitoyens. Il n'eut pas pour cette reconstruction tout l'appui moral et financier qu'il souhaitait. Cette épreuve, jointe à la faillite d'autres projets qu'il avait conçus, lui qui avait rêvé de faire de Willow-Bunch, le château-fort de la civilisation canadienne-française en Saskatchewan, assombrit beaucoup son caractère et le rendit un peu maussade, même taciturne à ses jours. Il n'en continua pas moins à se consacrer entièrement à son travail professionnel, employant ses loisirs au développement intellectuel de ses concitoyens. «Un moment le Dr Godin a semblé ressaisir son énergie nationale d'autrefois. Le 9 décembre 1936, il publiait dans Le Patriote de l'Ouest un article qui reçut de chaleureux commentaires.»8 Il y développait la pensée qui avait guidé la création de la Société St-Jean-Baptiste un quart de siècle plus tôt, rendre le peuple meilleur, et il affirmait qu'il était impératif pour la minorité de se tourner vers l'avenir plutôt que de vivre repliée sur elle-même. Il proposait de tout mettre en oeuvre, au cours des vingt-cinq années à venir, pour créer une élite bien instruite qui, «en s'augmentant elle-même, entraînerait la masse et notre peuple serait bientôt supérieur à l'élément majoritaire».9 «Quelques mois plus tard, il partait pour Rochester, Minnesota, se mettre sous les soins des savants Drs Mayo. Il était déjà trop tard; après plusieurs semaines de traitements, il revenait à Willow-Bunch dans les mêmes conditions qu'il en était parti. «Croyant qu'un repos prolongé dans sa province natale lui serait salutaire, il partit pour Montréal, emportant les nombreuses notes historiques qu'il avait recueillies au cours de sa carrière, voulant consacrer ses loisirs à une dernière correction de ses documents avant de les confier à un éditeur. Aucun de ceux qui assistèrent à son départ, en ce matin gris de novembre, ne soupçonna que c'était son dernier adieu: sa constitution si robuste permettant d'espérer au moins la prolongation d'une vie passé au service de ses concitoyens. Malgré les bons soins, son état ne fit qu'empirer et il s'éteignit le 27 août 1938; il était âgé de 58 ans.»10 (1 et 2 Clovis Rondeau, La Montagne de Bois, pp. 179-181; 3 Le Patriote de l'Ouest, 24 août 1914, p. 5; 4 Adrien Chabot, Willow-Bunch, 1920-1970, p. 263; 5 Patriote, 10 février 1926, p. 7; 6 Chabot op. cit., pp. 264-265; 7 Patriote, 25 avril 1934, p.8; 8 Chabot, op. cit., p.265; 9 Patriote, 9 décembre 1936, pp. 1 et 4; 10 Chabot, op. cit., pp. 265-266) |