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Emma Henry (soeur Saint Victor, F.d.l.P.)


La congrégation des Filles de la Providence de Saint-Brieuc, fondée par Jean-Marie de La Mennais en 1818, a établi plusieurs maisons en Saskatchewan à partir de 1897, notamment dans les centres français de Prince-Albert, Saint-Louis, Domrémy, Prud'homme, Saint-Front, Saint-Brieux, Périgord, Vonda, Léoville et Victoire. Les religieuses de ces maisons se sont consacrées principalement à l'enseignement et à la garde des élèves-pensionnaires. Elles ont oeuvré dans l'ombre et plusieurs ont eu une très longue carrière dans notre province. Ainsi, soeur Saint Victor a donné 65 ans de sa vie à l'éducation franco-catholique et à l'administration de sa congrégation, la plus grande partie du temps en Saskatchewan.

C'est dans un petit village de la côte bretonne que naît Emma Henry le 11 février 1881. Elle manifeste des dons évidents à l'école du village, surtout en mathématiques, mais puisque ses parents sont de condition plutôt modeste, elle est forcée d'interrompre ses études après l'école primaire. Elle s'occupe un temps à de légers travaux sur la ferme familiale avant de prendre le voile. Attirée par la vie religieuse contemplative, elle prend néanmoins la décision d'entrer au noviciat des Filles de la Providence de Saint-Brieuc, une congrégation enseignante, à l'âge de 17 ans.

Sa santé, ébranlée par les années de noviciat, se rétablit suffisamment pour entreprendre le long voyage vers l'Ouest canadien en 1903. Elle passe ensuite deux années à Prince-Albert et à Régina afin d'y apprendre l'anglais et de se préparer aux examens de l'École Normale. Elle fait d'ailleurs partie du premier groupe de religieuses à parfaire leur éducation dans une école normale de la province, montrant ainsi la voie à toutes les autres religieuses qui suivront.

L'abbé Constant Bourdel, curé de Howell, tente depuis plusieurs mois de créer un arrondissement scolaire catholique public dans son village, mais sans succès. Il voudrait en confier la direction aux Filles de la Providence, qu'il a connues dans sa Bretagne natale. Deux religieuses arrivent en octobre 1905, mais comme les démarches du curé n'ont pas encore abouties, elles mettent sur pied une modeste école paroissiale et accueillent bientôt quelques pensionnaires. L'arrondissement est créé officiellement en août 1906 et soeur Saint Victor peut commencer les classes au début de septembre.

Au début, rien ne vient troubler l'harmonie de la paroisse. Mais soeur Saint Victor s'attire l'antipathie d'un des commissaires pour un motif tout à fait mesquin. Ce commissaire réussit à grouper autour de lui tous ceux qui se sont opposés à la présence des religieuses à l'école. Il fait ensuite élire un de ses acolytes au poste de président de la commission scolaire. La religieuse estime donc préférable de présenter sa démission à la fin de l'année scolaire. Les comploteurs sont bien avancés: l'école doit être fermée un temps, faute d'enseignant!

Soeur Saint Victor part pour Saint-Louis, où la congrégation se prépare à construire un grand couvent. Elle y passera 10 ans. En 1919, un séjour de six mois en France lui permet de se reposer et de refaire ses forces. À son retour, elle est envoyée à Végreville, en Alberta, mais elle revient à Prud'homme en 1929, alors qu'elle est nommée Maîtresse des Novices. Elle devient ensuite Vicaire Provinciale des Filles de la Providence en 1941. «Elle dirigea la communauté, dit-on, avec une sagesse expérimentée jusqu'à ce que la maladie la forçât enfin à une vie moins active en 1955. Elle fut quelque temps encore Supérieure à Saint-Brieux, mais bientôt elle dut prendre sa retraite.»

«Mère Saint Victor était une personne de grande valeur intellectuelle, morale et spirituelle. Ses anciens élèves se rappellent avec émotion sa fermeté alliée à une grande douceur, et surtout sa capacité extraordinaire d'enseignante. C'était une fête que d'assister à ses leçons de littérature. Ses soeurs religieuses lui gardent une reconnaissance filiale et entière pour sa bonté à toute épreuve. La communauté de l'Ouest canadien a bénéficié pleinement de ses talents qu'elle mettait tout simplement au service du bien. Tous ceux qui l'ont connue se souviendront toujours de cette âme aimable et ardente, enthousiaste pour toutes les nobles causes.»

Elle passe les dernières années de sa vie à Saint-Louis, au couvent de la communauté. C'est là qu'elle meurt le 1er mars 1968, à l'âge avancé de 87 ans.

(citations: Nécrologies, Filles de la Providence, Canada-Ouest, vol. n° 3, 1951-1970, s.l.n.d., sans pagination, aux Archives provinciales; La Liberté et le Patriote, 28 mars 1963, p. 13; renseignements: Life As It Was, Prudhomme History Committee, Prudhomme, 1981, pp. 65-86)

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