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Joseph Hugonard, o.m.i.


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Dernière photo prise de Mgr Hugonard (mort en 1917) (Archives de la Saskatchewan) 15.6 Kb

Au début des années 1880, la question de l'éducation des Indiens se posait avec une nouvelle urgence. Le clergé catholique était intervenu à maintes reprises auprès des autorités fédérales pour qu'elles mettent sur pied un système d'écoles primaires, d'internats et d'instituts d'arts et métiers, appelées «écoles industrielles», à l'intention de la population autochtone. La première école industrielle fut érigée à Lebret, dans la vallée Qu'Appelle, et le père Joseph Hugonard, o.m.i., en fut le premier directeur.

C'est dans la région de Grenoble que naît Joseph Hugonard le 19 mars 1848. «Entré de bonne heure dans l'Ordre des Oblats de Marie Immaculée et se sentant attiré vers l'oeuvre des missions, il fut envoyé au Canada en 1872. Il se rendit la même année à Winnipeg et de là à Qu'Appelle. La mission de Lebret était alors desservie par le R.P. Decorby; le jeune père fut chargé de le seconder. Son ministère consistait à instruire les enfants indiens de la région. Il construisit en 1874 une cabane qui servit tout à la fois de salle de classe, de réfectoire, de dortoir et de chapelle.» La mission, il faut le noter, porte encore à cette époque le nom de Saint-Florent; ce n'est que plus tard qu'elle reçoit le nom de Lebret. Durant ces deux premières années, l'Oblat travaille avec acharnement dans le but de maîtriser le cri. Il le parle bientôt mieux, dit-on, que tout autre Blanc et que la plupart des Métis. Il est donc capable d'enseigner l'Évangile dans un idiome et avec des images verbales qui sont familiers à ses ouailles. Pendant les quelques années qui suivent, l'Oblat hiverne avec les chasseurs de bisons sur les grandes plaines du sud, toujours en courses entre la Montagne de Bois, la Montagne des Cyprès et la colonie de la rivière au Lait, de l'autre côté de la frontière.

En 1882, c'est lui qui célèbre le premier service religieux sur le site actuel de Régina, quand Pascal Bonneau, entrepreneur des chemins de fer, le prie de venir dire la messe pour les nombreux manoeuvres catholiques à son emploi. La même année, suite à un rapport officiel de Nicholas Flood Davin sur l'éducation des Indiens, le gouvernement l'autorise à fonder un établissement à Lebret. Les travaux de construction et les autres préparatifs durent jusqu'en 1884, alors que s'ouvre la première école industrielle des Territoires du Nord-Ouest.

La renommée de «la robe noire qui parle à Dieu dans un livre» – c'est le nom que Sitting Bull lui a donné en le voyant lire son bréviaire – est grande parmi les bandes indiennes installées tout le long de la rivière Qu'Appelle. L'Oblat n'a au départ aucune difficulté à convaincre les Indiens, les chefs en premier, de lui confier la garde de leurs enfants. Mais parce que la science médicale ignore encore à cette époque la cause et le traitement de la tuberculose, l'infection fait des ravages dans les dortoirs, touchant à un certain moment un élève sur trois. Très rapidement, la résistance se fait plus tenace, plus sourde, parmi les familles indiennes. Elles chérissent tendrement leurs enfants et refusent de les condamner à une mort quasi certaine en les laissant partir pour l'école des Blancs. On raconte même qu'une Indienne attaque une fois le père Hugonard avec un grand couteau de boucher pendant que les deux petits enfants qu'il était venu chercher sur une réserve s'échappent par la fenêtre. Après le soulèvement de Batoche en 1885, les Indiens craignent aussi que l'on cherche à transformer leurs enfants en soldats, comme les tuniques rouges venues de l'Est pour exterminer leurs cousins Métis, à cause de l'habitude de se déplacer d'une classe à l'autre en rangs, deux par deux. Au surplus, les campagnes d'éradication des croyances et des rituels indiens ne font que renforcer l'opposition.

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Le Père Hugonard, à gauche, avec des èleves de la Qu'Appelle Industrial School (Lebret) qu'il fonda; on aperçoit l'école au loin (Archives de la Saskatchewan) 13.7 Kb

Néanmoins, avec l'amélioration des conditions sanitaires et l'isolation des élèves tuberculeux dans un sanatorium, le nombre de décès connaît une baisse considérable et l'influence du père Hugonard fait le reste. En 1890, il devient nécessaire d'ériger un couvent séparé pour les jeunes filles et ce sont les Soeurs Grises qui en prennent la direction. En plus d'apprendre à lire et à écrire, les jeunes garçons font l'apprentissage de la menuiserie, de la charpenterie, du travail de la forge, de l'imprimerie et de la fabrication du feutre, qui sert surtout à la confection des chaussures d'hiver. Les fillettes, elles, se familiarisent avec les principes de la nutrition, la couture, le tissage et les autres sciences ménagères.

«En janvier 1904, pendant un voyage du R.P. Hugonard à Chicago, l'école fut rasée par l'incendie. Il se mit aussitôt à l'oeuvre pour la faire revivre de ses cendres et réussit à ériger la magnifique école industrielle indienne que l'on admire aujourd'hui.»

En 1913, les effets des privations, de la vie dans les cabanes enfumées et des longues courses par tous les temps ont raison de sa forte constitution; il est forcé de passer quelques mois dans un sanatorium de l'État de Washington, aux États-Unis. Une nouvelle attaque deux ans plus tard l'oblige à un nouveau repos dans l'établissement oblat de San Antonio, au Texas. La guérison n'est que partielle et l'apôtre des Indiens s'éteint le 11 février 1917, à Lebret.

Le 9 juillet 1927, dix ans après son décès, une foule nombreuse honore la mémoire de Joseph Hugonard, o.m.i., en se rassemblant face à l'école industrielle pour le dévoilement de sa statue de bronze, érigée sur un piédestal en pierres des champs.

Plusieurs documents parlent du père «Hugonnard» et on se demande quelquefois s'il s'agit d'une erreur d'orthographe ou même d'un autre religieux. En fait, cette confusion s'explique facilement. Jusqu'en 1898, il signe Hugonnard, mais après le chapitre général de sa congrégation à Paris du 15 au 28 mai de cette année-là, il visite sa famille, qui a retranché pour une raison encore obscure un des deux n. C'est alors qu'il prend la décision de se conformer à ce nouvel usage.

(citations: Le Patriote de l'Ouest, 15 février 1917, p. 1)

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