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Abraham-Louis LeBelCe sont le plus souvent des prêtres, séculiers et religieux, qui ont jeté les bases des districts de langue française en Saskatchewan et qui en ont ensuite encouragé le peuplement, en effectuant des tournées de recrutement en France, au Québec et en Nouvelle-Angleterre. L'abbé Abraham-Louis LeBel a ainsi fondé la paroisse Saint-Jacques d'Albertville, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Prince-Albert, et a contribué à l'établissement de bon nombre de familles pionnières. À l'opposé de bien des prêtres dont la vie au séminaire les avait bien mal préparés au service dans un milieu agricole, l'abbé LeBel connaissait fort bien l'agriculture et il comprit vite la nécessité de mettre sur pied une institution d'épargne et de crédit adaptée aux besoins des agriculteurs. Il fonda alors en 1916 la toute première caisse populaire de la Saskatchewan. L'abbé LeBel est né à Saint-Louis du Ha! Ha!, dans le comté de Témiscouata, à mi-chemin entre Rivière-du-Loup et la frontière du Nouveau-Brunswick, en juillet 1877. Ordonné prêtre à Montréal à la Noël 1912, à l'âge tardif de 35 ans et demi, il arrive dans le diocèse de Prince-Albert en mars 1913. Il est évident qu'il adhère de tout coeur à l'agriculturisme, une école de pensée qui fait de la culture du sol la seule véritable vocation de la nation canadienne française. Il est tout aussi certain qu'il connaît déjà le succès des caisses populaires Desjardins au Québec et c'est sur ce modèle qu'il établit la caisse populaire de la paroisse de Saint-Jacques d'Albertville, comme le rapporte La Liberté et le Patriote: «Prêtre-pionnier à une époque où s'édifiait le diocèse de Prince Albert, il se constitua à la demande de son évêque, fondateur de paroisse et bâtisseur d'église. C'est lui en effet qui groupa les catholiques de la région d'Albertville en paroisse, c'est lui qui fit construire la magnifique église de cette chrétienté. Mais en homme pratique qu'il était, il comprit que pour garder autour du clocher ses chers Canadiens français, il fallait assurer leur sécurité matérielle. Très versé lui-même dans la science agricole, il se fit le guide de tous ceux qu'il avait réussi à attirer sur des terres – homesteads à cette époque – convaincu que la terre est la plus sûre garantie de stabilité économique. Son désir a toujours été de faire de ses paroissiens des terriens rivés à la glèbe. Il s'est toujours élevé avec indignation contre la désertion des campagnes; il a toujours prêché l'amour du sol et les beautés de l'agriculture qui fait communier l'homme à la nature et le préserve contre les dangers des villes. «L'une des vertus qu'il recommanda fortement aux cultivateurs est l'épargne, l'économie, parce qu'il savait que la prodigalité est l'une des causes principales de la désertion des campagnes et de la mort des terres. Afin de développer chez ses paroissiens le sens de l'épargne, il institua à Albertville une caisse populaire, initiative nouvelle à cette époque dans cette partie de l'Ouest. La caisse populaire avait pour but de ramasser les petits profits, afin de constituer un fonds d'entraide aux heures difficiles, et de faire l'éducation des gens, et de les mettre en état de mieux gérer leurs affaires financières.» C'est le 9 juillet 1916 que quatorze sociétaires, dont l'abbé LeBel, se réunissent au presbytère après les vêpres et achètent pour cent dollars de parts sociales. À la fin de cette année-là, le montant de parts a plus que doublé, les sommes en dépôt s'élèvent à 1300 $ et les prêts à 700 $. L'abbé LeBel occupe le poste de gérant. La caisse ne consent que de petits prêts, rarement plus de 150 $, et d'une durée maximum de 90 jours, afin d'encourager les emprunteurs à rembourser les sommes avancées dès que possible et ainsi éviter l'endettement excessif. Quatre ans plus tard, la caisse a déjà fait pour plus de 85 000 $ d'affaires. Malgré l'utilité évidente de la caisse populaire, elle est négligée après le départ de l'abbé LeBel en 1924, bien que l'on continue à tenir une assemblée générale annuelle jusqu'à la dissolution de la caisse à la fin de septembre 1936. L'abbé LeBel est nommé missionnaire-colonisateur en janvier 1924, comme l'indique La Liberté et le Patriote: «L'autorité diocésaine, comprenant la nécessité d'assurer la croissance des paroisses et sachant à cet effet que des terres étaient disponibles dans les centres ruraux, jeta les yeux sur M. l'abbé LeBel comme agent recruteur de colons. Le poste de missionnaire colonisateur n'en est pas un de tout repos. Il exige des voyages fréquents, des causeries publiques et à domicile, des négociations avec les particuliers et les gouvernements, des pourparlers avec les familles, les compagnies de chemin de fer, etc... M. LeBel ne recula pas devant la tâche. Il se donna tout entier à ce genre particulier de travail, convaincu qu'il rendait service à l'église de Prince-Albert et à la survivance du groupe français de l'Ouest.» Il remet sa démission au printemps de 1926, et après une période de repos, il est nommé curé de Marcelin à l'été de l'année suivante. Il y est surtout connu pour son rigorisme et sa piété. Puis, à l'été de 1938, il prend la direction de la paroisse de Saint-Isidore-de-Bellevue et y laisse son empreinte: «M. LeBel était un homme sévère pour lui-même, d'une grande fidélité à ses obligations sacerdotales, une sainteté personnelle sans doute. Bon prédicateur, il prenait régulièrement tous les dimanches une demi-heure pour faire les annonces et trois-quarts d'heure pour son sermon. Très intéressant à entendre pour une fois. Hélas, il se répétait car il était devenu vieux et malade. Ses thèmes favoris: âme et conscience, pères et mères de famille, la danse. Ses Heures Saintes étaient fameuses. Le Père F.-X. Bellavance, recteur du collège des Jésuites d'Edmonton, après l'avoir entendu, rendit ce témoignage: «Jamais je n'ai entendu une aussi belle Heure Sainte.» De la bouche d'un tel homme, ce n'est pas peu dire. «Sans être grand financier, il réussit à mettre les choses en ordre. Il fonda les Dames de Ste-Anne, un mouvement qui s'est continué. Déjà malade, l'évêque lui avait demandé de se ménager, de prêcher moins longtemps, mais sa conscience ne le lui permettait pas. Il s'en retourne dans l'Est en août 1946, sans toutefois avoir résigné sa cure: il espère recouvrer la santé et revenir à son poste. Cela n'arrivera pas: sa santé ira chancelante et il mourra sans jamais revenir.» L'abbé Abraham-Louis LeBel est décédé à la résidence des prêtres de la Pointe-du-Lac, au Québec, à l'été de 1949. (citations: La Liberté et le Patriote, 22 juillet 1949, p. 3; Roland Gaudet (?), St. Isidore de Bellevue, 1907-1977, s.l.n.d., p. 21; renseignements: From Bush to Grain, Albertville, pp. 9-10; History of Marcelin and District, Marcelin Historical Society, Marcelin, 1980, p. 16) |