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Joseph-Arthur Marcotte


La nomination d'un avocat conservateur de Ponteix, Joseph-Arthur Marcotte, au Sénat canadien en juillet 1931 fut reçue avec la plus grande joie par la population de langue française de la Saskatchewan. Elle redonnait à la minorité la représentation sénatoriale qu'elle avait perdue avec le décès du sénateur Benjamin Prince dix ans plus tôt, représentation à laquelle elle avait toujours estimé avoir droit. Elle constituait aussi à ses yeux une nette répudiation, par le gouvernement central, de la politique anti-française et anti-catholique de l'administration Anderson.

Arthur Marcotte est né au Sault-au-Récollet, près de Montréal, le 8 mars 1873. Son père s'était établi hôtelier à Sainte-Thérèse-de-Blainville et y poursuivait ses activités d'organisateur politique pour le parti conservateur. Tout enfant encore, Arthur Marcotte avait rencontré deux personnalités appelées à devenir des ennemis mortels. Sir John A. Macdonald se joignait souvent à des réunions régionales de stratèges à l'hôtel des Marcotte et il a «plus d'une fois fait sauter le futur sénateur sur ses genoux. Un jour que sir John lui avait demandé dans un français hésitant s'il était «bon conservateur», le premier ministre lui avait fait don d'une pièce de 25 cents – cadeau princier vers 1880! – pièce que le sénateur a toujours conservée précieusement dans un coffret.»Il avait aussi parlé au «célèbre rebelle Louis Riel. Celui-ci s'était réfugié à l'hôtel de Ste-Thérèse alors qu'il était poursuivi et le père du sénateur lui avait fourni une voiture pour faire incognito le voyage de Ste-Thérèse à Montréal.»

Le jeune homme avait fait ses études au Séminaire de Ste-Thérèse et à l'Université Laval de Montréal. «Il avait hésité quelque temps entre la politique et le sport. Car il avait été un athlète accompli et avait remporté de nombreux championnats à la course, au tennis et dans divers autres sports. Il avait surtout brillé au baseball. Mais ce dont il avait été le plus fier toute sa vie, c'était d'avoir été le champion amateur du Canada au billard en 1901 et d'avoir abandonné son titre plusieurs années plus tard sans avoir subi de défaite.

«Il avait représenté le Canada à l'étranger dans des tournois internationaux de billard et avait pris part au tournoi mondial de 1904 à New York. La même année, il avait fondé une académie de billard à Montréal où les plus grands champions du monde étaient venus comme invités et s'étaient mesurés contre lui. La politique l'avait éloigné des sports, mais il n'avait jamais complètement renoncé au billard».

En 1896, il devient secrétaire privé de l'honorable G.A. Nantel, ministre des Terres de la Couronne au Parlement de Québec. Puis, un moment tenté par le journalisme à Montréal, il décide en 1910 d'aller s'établir dans l'Ouest et il achète une terre à Vallée Sainte-Claire, à environ 25 kilomètres à l'ouest de Ponteix. On ne se tromperait probablement pas en supposant que le citadin transplanté ne prévoit pas faire de l'agriculture sa principale occupation; sa terre est plutôt un bon placement. Il accumulera d'ailleurs d'autres lots, de telle sorte qu'il possédera au moins une section et demie de terres agricoles une dizaine d'années plus tard. J.-A. Marcotte approche la quarantaine lorsqu'il se tourne vers le droit et est admis au barreau de la Saskatchewan. Il ouvre une étude d'avocat à Ponteix en 1913. Dès l'année précédente, il s'était présenté aux élections provinciales dans le comté de Pinto Creek, mais le candidat libéral l'avait facilement défait. Le résultat fut le même aux élections provinciales de 1917 dans le comté de Notukeu et au scrutin fédéral de 1926 à Willow-Bunch.

Comme le rapportera La Presse lors de son décès, il participe activement à la vie de la communauté française. «Dans sa province d'adoption, il avait brillé comme avocat et certaines des causes qu'il avait plaidées avaient eu du retentissement. Mais il s'était aussi dévoué sans relâche à la cause des Canadiens français et avait pris part à de nombreuses luttes scolaires. Il avait été président du Barreau du district judiciaire de Gravelbourg de 1925 à 1935, vice-président de l'Association Catholique Franco-Canadienne de 1925 à 1929, président de l'Association des hommes de profession canadiens-français de la Saskatchewan de 1925 à 1931, député de district des Chevaliers de Colomb».

L'avocat Arthur Marcotte se trouve dans une position intenable lors des élections provinciales de 1929. Il a toujours milité pour le parti conservateur, même si la grande majorité de ses compatriotes et coreligionnaires sont libéraux. Le chef conservateur, J.T.M. Anderson, exploite adroitement le malaise créé par les signes avant-coureurs de la crise économique et il s'en prend aux diverses minorités, qu'il accuse plus ou moins directement d'être responsables des difficultés actuelles de la province. Il n'hésite pas – il faut le dire crûment – à soulever et exploiter le fanatisme parmi certains segments de la population. Marcotte, pour bien marquer sa désapprobation, s'absente durant la campagne électorale, ce qui lui vaut l'antipathie manifeste de J.T.M. Anderson. Il s'occupe aussi à préparer les élections fédérales prévues pour 1930 et que les Conservateurs remportent avec R.B. Bennett à leur tête.

Le décès du sénateur J.G. Turriff, d'Assiniboia, en novembre 1930 crée une vacance à la Chambre Haute. Étant donné la situation politique à Ottawa, les chefs de la minorité franco-catholique décident d'appuyer la candidature de J.-A. Marcotte. Dans une requête présentée au nouveau premier ministre du pays, l'A.C.F.C. le prie de réaffirmer à la minorité, par le choix d'un sénateur de sa race, que le gouvernement fédéral tient à protéger ses droits. «Au moment où le premier ministre de la province se livre contre nous à des attaques qui ont soulevé de très fortes protestations parmi toute la presse française du Dominion sans distinction de parti, il n'y a pas l'ombre d'un doute que cette nomination sera accueillie comme un indice des sentiments du gouvernement fédéral à notre égard. Une nomination sénatoriale non-canadienne-française sera interprétée dans tous les milieux comme une approbation tacite de l'attitude d'Anderson à notre égard. Une nomination canadienne-française nous apparaîtra comme un louable désir du gouvernement fédéral de sauvegarder les droits de la minorité canadienne-française et de promouvoir, dans la mesure de son pouvoir, une meilleure entente entre les deux races qui cohabitent ce pays.»

La nomination officielle est rendue publique le 6 juillet 1931. Le nouveau sénateur établit une résidence permanente à Montréal, sans toutefois abandonner son domicile et son étude d'avocat à Ponteix; il revient d'ailleurs assidûment s'occuper de ses affaires entre les sessions du Sénat, jusqu'à ce que l'âge et la maladie l'en empêchent au début des années 1950.

«Au Sénat, M. Marcotte s'était tout de suite imposé par son jugement, ses connaissances, son habileté dans les débats, son esprit de travail et son assiduité. Il était aussi très actif dans les comités, en particulier au comité chargé d'étudier les affaires du service civil dont il avait été plusieurs années président, élu par une majorité libérale.

«Lorsque la maladie l'avait atteint pour la première fois de sa vie, il y a quelque six ans – il avait alors près de 80 ans – l'un de ses principaux regrets avait été le fait que cela interrompait son record d'assiduité aux séances du Sénat. Il devait redevenir presque aussi assidu qu'auparavant et le rester jusqu'à la fin, puisqu'il assistait à la séance de vendredi dernier. C'est samedi qu'il s'était senti assez mal pour demander un médecin qui l'avait fait transporter à l'hôpital où il est décédé presque soudainement.» C'était le 18 août 1958 et Joseph-Arthur Marcotte avait plus de 85 ans.

(citations: La Liberté et le Patriote, 22 août 1958, pp. 1 et 9, sauf avant-dernière, Le Patriote de l'Ouest, 22 juillet 1931, p. 4)

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