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Julien Moulin, o.m.i.


Le premier Oblat de l'Ouest canadien, le père Pierre Aubert, arriva à la Rivière-Rouge en août 1845. C'était l'ouverture d'un nouveau chapitre dans l'histoire de la congrégation oblate car c'est de ce moment «que date ce merveilleux développement de la congrégation des Oblats, qui était alors à peine connue, même en France, en-dehors de la région qui avait vu son berceau. La pensée des incroyables difficultés, des sacrifices énormes, qui attendaient les hérauts de la Croix dans les steppes glacées de l'Extrême-Nord américain enflamma d'une sainte ardeur le coeur d'une multitude de jeunes clercs et de prêtres plus ou moins expérimentés qui, disant un éternel adieu au «doux païs de France», s'embarquèrent chaque année à la recherche des brebis d'Israël perdues dans les neiges de l'Athabasca et du Mackenzie, sans laisser échapper un mot de regret pour les amis et les parents qu'ils laissaient au pays natal.»

Un grand nombre de ces missionnaires venus de France à la suite du père Aubert et qui avaient oeuvré pendant 40 ou 50 ans dans les plaines de l'Ouest ou dans les zones boisées qui les bordent au nord, avaient pris leur retraite entre 1910 et 1920, usés par l'âge et les privations. Le Patriote de l'Ouest signalait leur décès par un article généralement bref, résumant les points saillants de leur vie d'apostolat. Ce qui étonne le plus le lecteur d'aujourd'hui est sans nul doute le nombre et la longueur des voyages accomplis dans les pires conditions, souvent à pied. Ainsi, Le Patriote du 3 mars 1920 résume en une seule phrase, presque inaperçue au milieu de la notice nécrologique, les voyages du père Julien Moulin, o.m.i.. Les Indiens l'appelaient le «père Caribou», par allusion à ses longs voyages, semblables aux grandes errances saisonnières de ces animaux de la toundra.

«Le R.P. julien Moulin, o.m.i., est décédé à Saint-Albert jeudi dernier, 25 février, à l'âge de 90 ans. Soixante ans de sa vie ont été consacrés aux missions.

«Né en 1830 près de Saint-Malo, en Bretagne, il fit sa profession religieuse en 1855 et fut ordonné prêtre par le Fondateur même de la Congrégation des Oblats, Mgr de Mazenod, en 1857. Il aimait souvent à évoquer ce souvenir et aussi celui d'avoir assisté aux funérailles de Chateaubriand, son illustre compatriote.

«Après avoir passé une année en Angleterre, il était envoyé à la Rivière Rouge en 1858. L'année suivante, au mois de juin, il se rendait à l'Île-à-la-Crosse. De 1865 à 1880, il séjourna alternativement au Lac Caribou*, à l'Île-à-la-Crosse, au Lac Vert et au Lac Muskeg, et enfin à Batoche où il est demeuré trente-cinq ans, jusqu'à ces dernières années, avant de se retirer à Saint-Albert. C'est là que Dieu est venu l'appeler à lui, récompense après une longue vie de dévouement et de précieux mérites.

«Le P. Moulin a été un des plus vaillants missionnaires de l'Ouest. Ce ne sont pas seulement des centaines mais des milliers de milles qu'il a parcourus à toutes les saisons de l'année, souvent par les froids les plus rigoureux, soit à pied, à la raquette ou en traîne à chiens. Se représente-t-on seulement aujourd'hui la possibilité de pareils voyages!

«Toujours au service des pauvres sauvages et des Métis, il s'est dépensé sans compter pour les âmes les plus abandonnées, réalisant bien la devise du missionnaire oblat: «évangéliser les pauvres», et toujours aussi il a été un religieux modèle.

«Au moment de la rébellion de 1885, à Batoche, il voulut rester à son poste au milieu de ses ouailles, et il fut blessé d'une balle le 11 mai. On sait que dans cet engagement, les Métis tinrent en échec durant quatre jours les troupes canadiennes du général Middleton et eurent onze personnes tuées et trente blessées. Le P. Moulin aimait profondément ses bons Métis de Batoche et il était aimé d'eux et vénéré de tous.

«Soixante années de rude apostolat, de travail, de pauvreté, de privations, de service inlassable: quelle belle couronne dans le ciel!

«Le P. Moulin repose dans le cimetière de Saint-Albert, à côté de plusieurs de ses confrères. Un service a été chanté hier à la cathédrale de Prince-Albert pour le repos de son âme.»

* Le lac Caribou en question n'est pas le grand Reindeer Lake situé tout à fait au nord-est de la province, mais un petit lac situé à peu de distance au nord du lac La Ronge; le lac Vert dont il est question est le Green Lake d'aujourd'hui, dans la région de Meadow Lake; quant au lac Muskeg (ou Maskeg), il est situé près de Marcelin, là où se trouvait la mission de Notre-Dame-de-Pontmain.

(citations: Adrien-Gabriel Morice, Histoire de l'église catholique dans l'Ouest canadien, chez l'auteur, 1912, vol. 1, p. 279; Le Patriote de l'Ouest, 3 mars 1920, p. 1)

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