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Mélanie Noury (soeur Saint Jean Berchmans, F.d.l.P.)


C'est dans le bourg de Pleudihen, sur les bords de la Rance en Bretagne, que Mélanie Noury vient au monde en 1867, à peu près au même moment ou «naît» le Canada. Dixième d'une famille de douze enfants, elle est bientôt orpheline de père et de mère. Elle grandit, avec la benjamine de la famille, dans un pensionnat à Saint-Brieuc, où résident quatre de ses tantes et une soeur aînée. Sérieuse et appliquée à l'étude, elle décide très jeune d'entrer en communauté et elle prononce ses voeux perpétuels en août 1885. Elle a choisi le nom de soeur Saint Jean Berchmans. Après plusieurs années d'enseignement dans un pensionnat de Rennes, elle s'offre pour la mission canadienne que la congrégation des Filles de la Providence songe à établir dans les plaines de l'Ouest.

Avec cinq compagnes, soeur Saint Jean Berchmans s'embarque à Boulogne en avril 1897: déjà supérieure et fondatrice d'une mission, elle n'a pas encore atteint la trentaine. Après une traversée pénible de douze jours, les voyageuses débarquent à New York et entreprennent le long trajet vers Prince-Albert où elles parviennent finalement à la mi-mai. Trois des religieuses doivent rester à l'évêché selon les voeux de l'évêque, Mgr Pascal, tandis que les trois autres, dont soeur Saint Jean Berchmans, se rendent à Saint-Louis où les accueille l'abbé Barbier, d'origine bretonne comme elles.

Le couvent qui leur est destiné n'est pas encore prêt et la supérieure revient à Prince-Albert. Elle désire se perfectionner en anglais afin de pouvoir se conformer au programme d'études du ministère de l'Instruction publique; elle connaît cette langue déjà passablement bien pour l'avoir étudiée pendant plusieurs années en France. L'école est finalement prête à la fin d'août.

Les conditions matérielles de l'existence dans les Prairies à cette époque sont infiniment plus rudes qu'en France. Le premier couvent est construit de rondins grossièrement bousillés et l'étanchéité du toit est plus que relative. L'ameublement demeure primitif: point de matelas pour les lits, par exemple, mais une simple paillasse vitement tirée du tas de paille qui reste après les battages. Les religieuses doivent assurer en partie leur subsistance en cultivant un grand jardin. Elles doivent aussi faire les foins, stouquer le blé, tondre les moutons et filer la laine, dépecer les bêtes à cornes, les «habillés de soie» et les moutons, en plus de recueillir la graisse pour la fabrication du savon.

La région continue de se peupler et le nombre de pensionnaires d'augmenter. Afin d'assurer une éducation française et catholique au plus grand nombre possible, il devient urgent d'ériger un couvent plus spacieux. C'est soeur Saint Jean Berchmans qui a la responsabilité des travaux de construction. Il faut voir à tout: la correspondance avec le gouvernement, l'approbation des plans, l'achat de l'équipement, les rapports avec l'entrepreneur, la surveillance des travaux et des milliers d'autres détails à régler.

L'édifice n'est pas même achevé lorsque ses supérieures prennent la décision d'envoyer soeur Saint Jean Berchmans à Howell, nommé plus tard Prud'homme. Là aussi le nombre de pensionnaires exige la construction d'un couvent beaucoup plus vaste. Il faut dire que la religieuse a la fermeté requise pour tenir son bout avec les entrepreneurs et c'est pour cela qu'on lui confie coup sur coup la responsabilité de deux gros couvents à construire. Elle est, disons-le carrément, dure avec elle-même et souvent inflexible envers les autres. Elle porte la plupart du temps, affirme-t-on, des vêtements rapiécés et de vieilles chaussures, se contente de mets très simples quoique abondants, et est de toutes les corvées, même les plus rebutantes et par tous les temps, des grands froids aux chaleurs de juillet. D'aucuns pourraient lui reprocher d'être un peu vive avec ses compagnes et les élèves, mais comme elle le dit elle-même: «Si parfois l'écorce est rude, le fond est bon.» Elle ne tolère, par exemple, aucun bruit en dehors des périodes prévues pour la récréation. Et gare à celles qui osent enfreindre la consigne! Cette rigueur est exacerbée par des déceptions subies lors de la construction du couvent de Prud'homme. L'appui promis par les bienfaiteurs, avant la mise en train des travaux, se fait moins généreux qu'anticipé et fini par se tarir dans plusieurs cas, ce qui n'est pas sans causer des ennuis financiers.

En 1927, soeur Saint Jean Berchmans est rappelée à Saint-Louis; un commencement de diabète affecte sa vue dès 1932 et elle devient presque complètement aveugle en quelques mois. Heureusement, une délicate intervention chirurgicale lui rend la vue le printemps suivant. Deux ans plus tard, la religieuse repart pour Prud'homme, site du noviciat de la congrégation, car elle a été nommée Mère Vicaire. C'est là qu'elle est victime d'une embolie le 31 décembre 1936. On rapporte qu'elle a eu le pressentiment de sa mort et a brûlé tous ses écrits quelques jours à peine avant d'être foudroyée.

(renseignements: Le Patriote de l'Ouest, 27 janvier 1937, p. 7; fonds de la congrégation des Filles de la Providence aux Archives provinciales, passim)

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