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Domina Pinsonneault


Les vastes terres à blé de la Saskatchewan ont été en très grande partie labourées pour la première fois – cassées, dit-on chez nous –, ameublies, ensemencées et hersées avec des outils traînés par des chevaux. Un bon attelage de chevaux – un «timme» ou «âtfitte» – valait son pesant d'or. Dans chaque village, on retrouvait invariablement plusieurs agriculteurs, grands amateurs de chevaux de labour, de promenade et de course, qui avaient acquis avec les années une connaissance quasi encyclopédique de l'élevage, du soin et de la reproduction des chevaux. À Gravelbourg, par exemple, Domina Pinsonneault était reconnu comme un amateur de bons «jouaux».

Domina Pinsonneault est né en 1892 dans la région de Napierville, à peu de distance au sud-est de Montréal. Après son mariage en 1912, il loue une ferme pendant quelque temps puis, comme bien d'autres, il part s'installer en ville. À Montréal, il est laitier dans le quartier populeux de Saint-Henri. C'est encore l'époque où la livraison porte-à-porte du lait se fait en voiture à cheval. Métier peu facile que celui-là, car il faut commencer sa ronde vers trois heures du matin, par tous les temps, et courir d'une maison à l'autre avec un lourd bidon de lait. Domina change souvent de cheval, car il trouve que l'un est trop lent à donner le coup de collier, que l'autre n'a pas bon souffle, que tel autre... Toutefois, il est «tanné de taper sur le fond de ses «canisses» de lait pour en faire sortir les coquerelles.» Après quelques mois comme vendeur d'huile à lampe puis journalier dans un atelier de fabrication mécanique, il se rend bien compte qu'il n'est pas fait pour la ville.

Son frère Hector habite en Saskatchewan depuis 1908, dans un petit village portant le nom de son fondateur, Gravelbourg. À l'automne de 1916, Domina monte dans un train de moissonneurs et va faire les battages chez son frère. Celui-ci possède déjà 15 chevaux, lourds, musclés, endurants: c'est qu'on peut en abattre du travail avec ces chevaux-là! Pour Domina, c'est le paradis, ou tout comme. Au printemps suivant, il part avec sa femme Hortense et ses trois enfants.

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Alfred Rauleau et Domina Pinsonneault transportant du grain, devant le Palais de Justice de Gravelbourg vers 1917 (Archives de la Saskatchewan) 16.3 Kb

La famille vit à Gravelbourg pendant deux ans, puis part pour Mazenod, à une vingtaine de kilomètres à l'est, où Domina prend du service chez Zotique Chevrier. Il y restera près de cinq ans, avant de venir se louer des terres aux environs de Gravelbourg en 1924. C'est d'ailleurs le début des belles années de l'agriculture dans l'Ouest et la famille prospère rapidement. Et toujours la passion pour les chevaux: «C't'un homme qui voyait dans ses chevaux les plus belles créatures que Dieu mit sur terre, au point qu'il en oubliait les femmes. Y trouvait toujours moyen de leur dire merci parce qu'ils lui donnaient la joie de vivre. C't'un homme qui conduisait son attelage comme un maître à 45° en bas de zéro avec rien que des p'tits gants de kid aux mains pendant que son fils avait les doigts gelés ben dur dans ses grosses mitaines. Pis pour le taquiner encore un peu, les enlevait pour se rouler une cigarette.»

Un sens de l'humour aussi, qui ne se dément jamais, ainsi qu'un parler franc, direct: «C't'un homme qui a buché, qui a sué et qui tout le temps avait le sourire aux lèvres. C't'un homme qui a fait dresser à maintes reprises les cheveux sur la tête des curés d'paroisse. C't'un homme qui s'amusait à faire rougir sa «bonne femme» en révélant à l'assistance générale leurs petits moments doux mais qui d'un regard lui témoignait amour et fidélité jusqu'à la fin des temps. C't'un homme dont l'humour n'a jamais mais jamais cessé de pétiller en lui.»

Il s'occupe de sa ferme jusque vers 1957, alors qu'il prend sa retraite et se consacre à sa passion, les chevaux de course. Il entraîne plusieurs trotteurs qui remportent plus que leur part de succès sur les pistes de la Saskatchewan et même du Québec et de l'Ontario.

Lorsque le couple Pinsonneault fête ses noces d'or à la fin de 1962, les invités honorent Domina en lui chantant, sur l'air de «En roulant ma boule»:

Celui qu'aujourd'hui nous fêtons,
Canadien pur'laine
Domina, homme incomparable
Fin et suave, du vrai sucre d'érable

Refrain:
Canadien au coeur vaillant
En v'là un assurément!

Bon citoyen, bon travaillant,
Canadien pur'laine
Il fait sa vie en cultivant
Et en menant coursiers très fringants

Refrain

Homme à chevaux, fermier galant
Canadien pur'laine
Et puis dans bien des mouvements
Son gros bon sens le rend influent

Refrain

Comme raconteur, il est charmant
Canadien pur'laine
Il a l'esprit tout pétillant
Ravigotant, franch'ment épatant

Refrain

Domina Pinsonneault est décédé le 10 janvier 1975, à l'âge de 82 ans.

(citations: fonds Pinsonneault aux Archives provinciales, passim; éloge funèbre, Rolland Pinsonneault et paroles de la chanson, M. l'abbé Roger Ducharme)

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