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BâdrerIl arrive parfois qu'on me soumet des mots que je considère tellement régionaux que je doute pouvoir en trouver l'origine. C'est le cas cette semaine. Ma soeur de Saskatoon, Adrienne Gareau-Sawchuk, suggère le mot aria, comme dans le sens de «c'est un aria de faire cela.» Ce mot était utilisé couramment chez nous lorsque j'étais jeune. Plusieurs travaux de la ferme nous semblaient être un véritable aria. Je n'avais jamais songé à l'orthographe de ce mot. Lorsque je l'ai vu écrit noir sur blanc, je doutais pouvoir trouver des origines à l'extérieur de la Saskatchewan. Croyez-le, le mot est dans le Petit Robert. Le Robert a deux définitions pour aria et nous ne parlons pas de la deuxième puisque chez nous on était plus à l'aise en théâtre qu'en musique. Aria est un air ou une mélodie accompagnée d'un instrument ou d'un petit nombre d'instruments. Par exemple, nous avons un aria de Bach. Mais, nous n'étions pas musiciens et donc nous utilisions le mot aria dans l'autre sens donné dans le Petit Robert, soit «d'embarras, d'ennui, de tracas ou de souci.» Quelle est l'origine de ce mot? Selon le Petit Robert, le mot vient du latin, «haria caria, tumulte» ou de l'ancien français, «harier, tourmenter ou harceler». On retrouve aussi le mot arias dans le Dictionnaire du bon langage de l'abbé Étienne Blanchard. Dans ce texte, on peut lire: «arias: Ces enfants font du chahut, du potin, du tapage, et non du arias; emporte ton attirail, et non tes arias avec toi; mon automobile me cause bien du tracas, des ennuis, des contrariétés, et non des arias.» Ma soeur me suggère un autre mot, un qui est plus commun en Saskatchewan et même au Québec. Il s'agit du verbe bâdrer, comme dans le sens de «je ne veux pas être bâdré avec ça.» Dans son dictionnaire, l'abbé Blanchard explore tous les sens dérivés de ce verbe – «bâdrage ennui, tracas, souci; bâdrant personne embêtante, agaçante, désagréable; bâdrer ennuyer, peser sur les épaules, agacer; et bâdreux un écornifleur, importun, rabatjoie ou taquin.» Ce terme, bâdrer, vient du mot anglais «to bother». Les francophones ayant de la difficulté à prononcer les «th», le «bother» anglais est devenu bâdrer dans la langue canadienne-française. Dans le Dictionnaire du français québécois on nous dit que le verbe bâdrer a été utilisé dans une déposition légale au Québec en 1854: «Le prisonnier ajoute quelques paroles à la suite desquelles son beau-père lui dit: Tiens, laisse-moi tranquille, je suis trop vieux pour me laisser badrer.» Le terme figure aussi dans la littérature québécoise. Félix Leclerc, dans Adagio en 1943 écrit: «Je sais que personne m'entend, qu'on n'est pas badrés d'écornifleux qui riraient de moi.» Il y a vingt ans, on employait communément l'expression: «Bâdre-moi pas!» Aujourd'hui, on aurait tendance à dire: «Fiche-moi la paix!» |