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BagosseRécemment en lisant un texte, signé par l'ami Rosario Morin, j'y ai découvert un terme que j'avais oublié, il y a plus d'un an, lorsque j'avais consacré une chronique au langage des fabricants d'alcool-maison. Dans cet article, j'avais parlé du péquat, du gin blanc (québécois) et du homebrew. Toutefois, j'avais oublié le terme bagosse que j'avais le plaisir de lire dans ce texte du docteur Morin. C'est dans le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron qu'on peut trouver la définition suivante: «Bagosse n.f. Whiskey de fabrication clandestine. Petit-lait qu'on rapporte des fromageries. Marchandise de qualité inférieure, camelote. Étoffe de coton blanc. Étoffe du pays.» Louis-Alexandre Bélisle, dans son Dictionnaire nord-américain de la langue française, est le seul autre qui donne une définition de bagosse, et Bélisle s'en limite au whiskey de fabrication illégale. Comme monsieur Bélisle, je n'ai jamais entendu le terme bagosse utilisé pour parler du petit-lait ou de marchandise inférieure ou d'étoffe. Lorsqu'on parlait de bagosse, c'était pour parler de «booze»! Toutefois, Bélisle fait un lien entre son whiskey illégal et la marchandise de qualité inférieure, car il ajoute que la bagosse est «le plus souvent de qualité inférieure». Durant la Prohibition au Canada (1917-1920) et plus longtemps dans certaines provinces, la bagosse a à nouveau fait son apparition en Saskatchewan; le whiskey illégal ayant été presque éliminé après l'arrivée de la Police montée en 1873. Ensuite, grâce à l'Acte Volstead aux États-Unis (1920-1933) qui interdisait la production et la vente d'alcool, cette fermentation maison qu'on appelait bagosse a maintenu sa popularité chez nous. Puisque les américains ne pouvaient obtenir de «booze» légal chez-eux, des «gangsters» comme Al Capone ont établi une série de réseaux pour s'approvisionner de bagosse en Saskatchewan et au Canada. Je me demande combien de nos bons Franco-canadiens étaient fournisseurs pour M. Capone (les Bronfman ne doivent pas prendre tout le crédit). C'est complètement par hasard que j'ai trouvé l'origine de bagosse. Comme bien d'autres termes couramment utilisés par les Fransaskois, bagosse est une déformation d'un terme français bagasse qui veut dire «1. Canne à sucre dont on a extrait le suc en la faisant passer au moulin. 2. Tige de la plante à indigo, retirée de la cuve après la fermentation.» Bagasse aurait été emprunté de l'espagnol bagazo. Dans la production de bagosse on suit plusieurs des mêmes étapes que dans la fabrication de sucre ou de indigo, donc l'adoption de bagosse qui serait une déviation de bagasse. Il est intéressant à noter, dans le Dictionnaire général de la langue française (1924), un deuxième sens pour bagasse «Femme de mauvaise vie. Chienne, louve.» Dans l'esprit de tous ceux qui prônaient la prohibition à la fin du 19e siècle et au début du 20e, la bagosse menait bien des femmes à devenir des bagasses, ayant été abandonnées par des hommes qui aimaient plus leur petit flacon que l'amour d'une femme honnête. Notons en terminant que la bagosse n'a pas complètement disparu en Saskatchewan, qu'il y a encore plusieurs vieux qui font leur moonshine en utilisant des vieux radiateurs de bazou. Ces fabriquants de bagosse pourraient devenir de plus en plus populaire alors que les gouvernements sont en train de taxer l'alcool à mort et, comme au temps de la prohibition, plusieurs se tourneront vers cet alcool de qualité inférieure. |