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BâleurDans la dernière chronique, j'ai commencé à vous parler d'une lettre que je venais de recevoir de madame Berthe Lalonde d'Assiniboia. Dans sa lettre, madame Lalonde parle des batteux, ces hommes venus de l'Est au début du siècle pour aider avec les battages. À la fin de cette dernière chronique, je vous ai parlé de la comédie musicale, Les batteux de Marcien Ferland, montée il y a quelques années par le Cercle Molière à Saint-Boniface. J'ai réussi à mettre la main sur une copie du programme souvenir de cette production. Voici l'historique des batteux qu'on retrouve dans ce programme: «1928. Edmunston. Un certain Beaulieu se trouve parmi quelque quatre cents hommes qui s'embarquent pour les prairies un beau matin de fin d'été. Pour un voyage de neuf jours en train en passant par les États-Unis. Cinq jours sans manger... Deux jours sans même boire. On joue aux cartes, on bavarde. "On s'en allait dans l'Ouest pis ça finissait là!" C'était pour les battages... Il a fini par se marier avec la fille de l'employeur-habitant et cultiver la terre à Saint-Joseph, dans la Province du Manitoba. Voilà l'histoire de Willie Beaulieu, batteux. Ils venaient par milliers, surtout du Québec, pour suer avec les batteuses à chaque année. On en avait besoin d'une bonne centaine par village. La plupart sont retournés dans l'Est. Mais nombreux sont les batteux qui sont restés et qui ont pris racine... La moisson: une des activités les plus universelles, autour de laquelle, chez nous au Manitoba, ont mûri toute une culture, tout un langage. Les battages, c'est le train rempli de batteux fatigués qui arrive en sifflant, c'est la cacophonie des attelages de chevaux et des grincements de batteuses; ce sont les champs d'avoine à perte de vue, les journées interminables au soleil, la grande fourche à la main et au bout de la fourche, une bottine, la sueur et la poussière qui pique le nez. C'est aussi tout à coup une tasse d'eau glaciale du puit, l'odeur du pain d'habitant et de la soupe fumante; le temps de doubler le nombre de places autour des tables, les chansons à répondre, les veillées dans les maisons; le temps de dire: "Le ciel est rouge, il fera beau", et le sommeil profond.» Ça c'était la vie du batteux, et je tiens à remercier Marcien Ferland, manitobain, pour son excellente comédie-musicale qui nous rappelle cette époque. Et, je tiens aussi à remercier madame Berthe Lalonde pour nous avoir rappelé le rôle joué par les femmes à cette époque; les femmes qui devaient nourrir ces hommes. Bien sûr, la femme n'avait pas tout l'équipement ménager que nos fermières possèdent de nos jours. Il y a quelques semaines, j'ai parlé du bâleur «boiler» attaché au poèle de cuisine pour faire chauffer l'eau. Madame Lalonde nous rappelle qu'il «y avait aussi le bâleur – un grand récipient servant à chauffer l'eau sur le dessus du poèle pour faire le lavage (lessive) et qui servait aussi – après être bien lavé – à faire le café après les parties de cartes, vente de paniers, etc. à la salle paroissiale.» Eh oui! Madame Lalonde ne le mentionne pas, mais ce bâleur, ou grand récipient, servait sûrement pour préparer le café pour les batteux, puisque ces hommes devaient consommer des gallons de café chaud. Marcien Ferland nous parle des tasses «d'eau glaciale du puit», mais nous connaissons tous le temps qu'il peut faire à l'automne en Saskatchewan, et le café chaud est généralement plus en demande que l'eau glaciale. Madame Lalonde termine sa lettre en nous suggèrant deux autres mots: barlander, c'est-à-dire flâner en faisant semblant de travailler et raboudiner qui veut dire réparer quelque chose tant bien que mal. Je reviens la semaine prochaine pour vous parler davantage de ces deux mots. |