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Beef ringAyant été élevé sur une ferme, j'ai beaucoup de bons souvenirs de ma jeunesse. Aujourd'hui, quand je retourne chez-moi, il me semble que la vie à la ferme n'est plus comme elle était durant ma jeunesse, époque où j'ai appris plusieurs mots et expressions qui figurent toujours dans mon vocabulaire. J'ai toujours cru employer les bons termes, mais en feuilletant le Dictionnaire du Bon Langage de l'abbé Étienne Blanchard, j'ai dû remettre en question certains de ces mots. Par exemple, je me suis arrêté sur le mot boucane dans le dictionnaire. Ce mot était souvent utilisé dans le Bas Canada à la fin du siècle dernier et selon l'abbé Blanchard, il a la même définition qu'on connaît tous, soit «de fumée ou de vapeur.» Combien d'entre nous avons connu le terme – viande boucanée ou viande fumée? Combien d'entre nous avons entendu nos parents dire «la cheminée boucane» au lieu de fume; ou encore «le temps est boucaneux» au lieu de brumeux? C'est en voyant l'expression, viande boucanée, que je me suis souvenu de ma jeunesse sur la ferme. Une des choses que j'aimais le plus était d'assister à la boucherie, d'aider à abattre les animaux. Toutefois, en feuilletant le Petit Robert, je m'aperçois que la boucherie ne veut plus dire «l'action d'abattre un animal», mais plutôt le lieu où l'on abat les animaux destinés à l'alimentation. On peut dire abattre un animal, ou encore dépecer un animal, c'est-à-dire le mettre en pièces ou en morceaux. Si on se réfère au lieu où les animaux sont abattus, on parle d'un abattoir. Robert Papen, anciennement de Hoey en Saskatchewan, a passé de nombreuses années à étudier le langage des Métis. C'est ainsi qu'il a découvert que dans ce langage on disait aratoire au lieu d'abattoir: «mener les animaux à l'aratoire» (Revue québécoise de linguistique). Qu'advient-il donc du boucher? Est-il toujours celui qui abat l'animal? Et oui, mais on peut aussi le nommé un chevillard. Selon le Petit Robert, un chevillard est une personne qui vend la viande en gros ou en demi-gros, qui la vend en cheville (gros morceaux qu'on peut accrocher par la cheville). Boucher était aussi utilisé comme verbe, dans le sens de faire taire, mais l'abbé Blanchard suggère une série d'expressions plus justes pour le remplacer. Selon l'abbé, on peut «lui river son clou», «lui clore le bec», «lui couper le sifflet» ou encore «lui rabattre le caquet». Enfin, j'en arrive à mon titre de chronique, le beef ring. Le beef ring a existé à Bellevue durant la dépression, mais il est probable que cette formule existait ailleurs en province à cette époque. Laissons l'abbé Roland Gaudet, auteur de l'histoire de St-Isidore de Bellevue, nous raconter l'histoire du beef ring. «Il (l'abbé Beaulac) avait organisé un 'beef ring': un bienfait pour ces années-là. Le club fonctionnait comme ceci: trente à quarante fermiers s'étaient entendus pour fournir chacun un boeuf qui dresserait environ 300 livres. (Le boeuf ne valait rien, alors pourquoi ne pas le manger? Aucun frigidaire, la viande ne se conservait pas à moins de la mettre en conserve.) Pour que chacun ait de la viande fraîche le dimanche, on conduisait le jeudi soir son animal à l'abattoir de Armand Gareau. L'animal avait 24 heures pour se reposer, sa viande n'en serait que meilleure. Le vendredi soir, Armand faisait boucherie et le samedi matin chacun allait chercher son morceau de viande. À chaque samedi, on recevait un différent morceau de l'animal (pas toujours au même d'avoir le steak.) On payait Armand un dollar pour son trouble et il gardait la peau, la tête, le coeur et certains autres morceaux. L'abbé Beaulac prenait grand plaisir d'aller 'aider'. Il s'y connaissait: son père était boucher de métier.» Dans la Saskatchewan française, on faisait la boucherie même à l'époque de la dépression. |