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Bizaine


De temps à autre, certains lecteurs de la parlure fransaskoise écrivent pour suggérer des mots ou des expressions qui sont typiquement fransaskois. Par exemple, Marie-Louise Perron, archiviste francophone aux Archives de la Saskatchewan, m'a fait parvenir une page photocopiée du Rapport annuel de 1916 du Ministère de l'agriculture de la Saskatchewan qu'un collègue de travail venait de lui remettre. Au bas de la page, on pouvait trouver la définition suivante du mot gopher :

«Gopher is simply the way English people spell the French word gaufre. Gaufre means honeycomb and early French explorers of this country named these animals that honeycomb the earth by burrowing "gaufres" and the English settlers adopted the word but not the spelling.»

Cette définition est intéressante, puisque les francophones de l'Ouest cherchent toujours à trouver le mot juste pour décrire cette petite créature qui cause tellement de dégâts dans les champs. Qui aurait cru que le mot gopher venait originellement du français.

Le mot zoologique pour ces petites bêtes est le spermophile. Dans le Petit Robert, on peut lire: «Spermophile: n.m. Zoologique. Petit rongeur voisin de la marmotte, à abajoues volumineuses, qui vit dans des terriers où il entasse des graines.»

Comme je viens de le mentionner, les francophones de l'Ouest ne savent pas trop quel nom donner à ce petit rongeur et il est fort probable qu'on le nommait différemment dans différentes régions de la province.

Par chez-nous, dans la région de Bellevue, un gopher était appelé une bizaine. Je n'ai aucune idée d'où vient ce terme. Je n'ai pu le trouver dans aucun dictionnaire français. Bizaine pourrait être un ancien mot français, car dans le Dictionnaire Larousse de l'ancien français on trouve le mot: «bisse, n.f. (début du XIIIe siècle) Bête non domestique.» Mais il est également possible que les anciens pionniers de Bellevue, ne voulant pas appeler ces bêtes par leur nom commun anglais «gopher», aient inventé le mot.

Chez-nous, comme ailleurs en province, la bizaine, ou le gopher, était une petite créature qui causait énormément de dégâts et, donc, la bête avait une prime sur la tête. Pendant les années de la dépression, le gouvernement provincial payait un cent pour chaque queue de gopher. Plusieurs années plus tard, durant ma jeunesse, la prime était toujours d'un cent la queue.

Chaque printemps, à la fonte des neiges et lorsque les petites bêtes apparaissaient de leurs hibernations, nous partions à la chasse aux bizaines. Nous attelions le team sur le stone-boat et nous nous rendions au Marais de roches (un étang à un demi-mille à l'ouest de la maison) pour remplir d'eau notre gros baril de cinquante gallons. Puis, nous nous rendions dans le pacage pour faire la chasse aux bizaines. Nous nous promenions dans le pacage jusqu'à temps de voir une de ces vilaines petites rongeuses. Puis, nous la poursuivions jusqu'à son trou où la guerre commençait. Nous, les enfants, nous étions munis de bâtons de baseball, ou de bouts de madrier, tandis que mon père maniait les seaux d'eau. La tactique était bien simple. Mon père vidait seau d'eau après seau d'eau dans le trou et lorsque la bizaine osait se montrer le nez, nous l'assommions avec nos armes. Hélas, nous étions rarement aussi rapide que la petite bête et il arrivait neuf fois sur dix qu'elle réussissait à s'échapper entre nos jambes. Nous ne réussissions pas à en tuer tellement, mais nous avions beaucoup de plaisir à essayer.

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