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Clairer


C'est dans la recherche historique qu'on va souvent trouver des mots et des expressions qu'utilisaient couramment nos ancêtres, termes qu'ils avaient soit apporté avec eux du Québec ou des vieux pays, ou termes qu'ils ont adoptés une fois arrivé en Saskatchewan.

Des mots comme combine, binder et truck ont été empruntés de l'anglais et ne sont pas entrés dans le vocabulaire des Fransaskois avant leur arrivée dans l'Ouest. C'est donc en lisant des lettres, des mémoires et des journaux de pionniers ou en écoutant des enregistrements sonores qu'on va trouver plusieurs expressions de la Parlure fransaskoise.

Un texte sur lequel je travaille présentement est partiellement basé sur une entrevue réalisée en 1981 par Claudette Gendron pour la Société historique de la Saskatchewan. Le sujet de l'entrevue était Mme Irène Coupal-Trudeau, anciennement de Sedley et ensuite de Sturgeon Valley.

Dans cette entrevue, Mme Trudeau utilise plusieurs termes qui ont déjà figuré dans la Parlure fransaskoise (combine, truck, etc.). J'ai toutefois relevé deux termes nouveaux dans les transcriptions de cette entrevue – virguinne et clairer.

Virguinne est un petit juron inoffensif que je n'ai pu trouver dans aucun dictionnaire. Le terme qui se rapproche le plus est suggéré par Léandre Bergeron dans son Dictionnaire de la langue québécoise. Bergeron propose le mot vergine, terme utilisé au Canada français pour parler du tabac sauvage. Quelqu'un qui était un «fumeux de vergine» était une personne très pauvre.

En ce qui concerne le verbe clairer, nous nous retrouvons sur un territoire plus familier. Mme Trudeau utilise le verbe en parlant de la dépression des années trente. Selon elle, à cette époque, le gouvernement et les banques étaient souvent appelés à «clairer les dettes des fermiers qui ne pouvaient plus se permettre de faire des paiements sur leurs terres.»

Au Canada français, le verbe clairer est souvent utilisé dans le sens anglais de «to clear». Par exemple, combien de pionniers disaient: «j'ai clairé un autre vingt acres cet été et je devrais pouvoir avoir ma lettre patente pour mon homestead l'an prochain.» Ce qu'il disait en réalité c'est qu'il avait défriché vingt acres.

Quand j'étais jeune, la municipalité envoyait la gratte clairer les routes après une grosse tempête en hiver. Nous allons encore clairer les trottoirs et les perrons en hiver.

Dans la littérature québécoise, on peut lire: «Les maringouins sont-ils bien tannants de ces temps-ci par chez vous? Non, pas autant que l'année dernière. C'est parce que vous avez clairé le bois.» (Tiré du roman «La Forêt», page 172)

Chez les Canadiens français, on entend souvent dire: «je vais clairer la table», alors qu'on veut dire «vider les plats». On va dire «le temps va se clairer», au lieu de dire «le temps va s'éclaircir.»

Et combien de fois avons-nous entendu: «j'ai un bon avocat, il devrait pouvoir me clairer de ces accusations.» Dans ce sens on devrait dire qu'il va «pouvoir m'acquitter.»

Enfin, puisque je parlais de la dépression plus tôt dans cette chronique et puisque nous vivons dans une autre récession, un des grands malheurs qui se produit de nos jours, comme durant les années trente, c'est qu'un grand nombre de personnes se font clairer de leur job.

Dans ce dernier sens, le verbe n'a pas été emprunté à l'anglais «to clear». En anglais, se faire clairer c'est d'être «fired». En passant, si vous perdez votre emploi, vous n'avez pas été clairé, mais bel et bien congédié.

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