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ÉcopeauxTrès souvent, nous n'avons aucune idée d'où viennent certains mots et nous n'avons aucun moyen de vérifier leurs origines. C'est le cas avec un mot que vient de me soumettre une lectrice de la Villa Bonheur à Saskatoon, madame Yvette Gaudet. Elle écrit: «Je trouve tes écrits sur la Parlure fransaskoise intéressants. Je t'envoie quelques mots que nous avons toujours employés chez nous mais qui ne sont pas dans mon dictionnaire. Pourrais-tu me dire d'où ils viennent?» Madame Gaudet commence avec un mot que ses amis de Villa Bonheur n'ont jamais entendu, clifon, c'est-à-dire une petite barrière. Je n'ai jamais entendu ce mot auparavant, malgré le fait que madame Gaudet est originaire de Bellevue et que je croyais connaître la plupart des expressions et des mots de la région. J'ai fouillé dans tous mes dictionnaires mais je n'ai pas pu répérer le mot. Cependant, en fouillant dans le Dictionnaire Larousse de l'ancien français, j'ai trouvé un mot qui ressemble un peu à clifon et qui pourrait expliquer l'origine du mot. Dans le Larousse j'ai trouvé le mot «clier n.m. voir cloier, claie, clôture.» Dans l'Ouest canadien, il est possible que ce mot, issu du vieux français, ait été retenu et si clier était utilisé pour parler de la clôture, il est possible que clifon soit passé dans le vocabulaire pour décrire la petite barrière dans la clôture. Madame Gaudet suggère un autre mot qui m'est inconnu. Il s'agit de sarfe qui, selon elle, veut dire gourmand. Comme dans le cas de clifon je n'ai retrouvé aucune mention de ce mot dans mes dictionnaires, ni aucun mot qui s'y rapproche. Par contre, madame Gaudet suggère deux autres mots que nous connaissons bien en Saskatchewan. Premièrement, il y a le mot malle qui signifie le courrier qui, malgré des moyens de transport plus rapides, semble être acheminé plus lentement de nos jours qu'au début du siècle. Gérard Dagenais, dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, donne l'historique suivant du mot malle: «Poste – Du XIIe siècle jusqu'au XVIIe siècle, le mot malle a eu le sens de «sac» et de «petit coffre» qu'on faisait porter par les chevaux pour le transport de marchandises, d'objets personnels, et de «panier de mercier». Quand le Cardinal Richelieu organisa la poste aux lettres en France en 1622, les voitures du service royal des dépêches, qui étaient transportées dans de petits coffres, prirent le nom de malle-poste et l'on disait simplement les malles. De là le nom de malle des Indes donné par extension, au XIXe siècle, au service de transport des dépêches et missives entre l'Angleterre et les Indes à travers le territoire français, mais, sauf ce cas particulier, le mot malle n'a jamais désigné un service de poste aux lettres. Le mot anglais mail vient du français malle, dont il a retenu l'ancien sens de «sac», et, à partir de l'idée du sac dans lequel on transporte du courrier, il a fini par désigner le courrier lui-même.» Au Canada, selon Dagenais, le mot malle employé au lieu de courrier n'est pas un archaïsme, mais plutôt un anglicisme. Dans son Dictionnaire de la langue québécoise rurale, David Rogers cite l'extrait suivant du livre Vézine de Marcel Trudel (Fides, Montréal, 1946): «Le même client demandait la malle de deux ou trois voisins et même de toute la parenté: le courrier était classé non par ordre alphabétique, mais par groupes de voisins, d'amis ou de parents.» Enfin, madame Gaudet suggère un autre mot bien connu en Saskatchewan, écopeaux, qui signifie des écorces ou petits morceaux de bois servant à allumer le feu. On devrait plutôt dire copeau, mais dans le Nord-Ouest on disait plus souvent écopeau. On retrouve le mot écopeau dans le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron ainsi que dans le Dictionnaire du français québécois préparé par une équipe sous la direction de Claude Poirier. Dans ce dernier bouquin, on peut trouver les mots copeau et écopeau sous le mot gossures. «Gossures n. f. pl. 1. Vieilli. Copeaux obtenus en gossant du bois. Synonymie. Québec écopeaux, français copeaux.» |