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Écrapoutiller


Parfois, on se sent écrasé, réduit en bouillie, par des événements sur lesquels nous n'avons aucun contrôle. C'est sans doute la façon que les Québécois se sont sentis le 23 juin dernier lorsque l'accord du Lac Meech a été défait. Et, pour se sortir de leur état d'écrasement, ils ont fait le gros party lors de leur fête nationale.

Parfois, on peut penser que notre langage a aussi été réduit en bouillie. Parlons-nous mal, ou est-ce que des changements à la langue surviennent plus vite que nous pouvons s'y adapter. Dans un récent numéro de l'Eau Vive, nous pouvions lire que l'orthographe française sera revue et corrigée. Entre autres, les experts de la langue proposent des changements dans cinq domaines: le trait d'union, le pluriel des mots composés, l'accent circonflexe, le participe passé et les anomalies. Dorénavant, nous n'aurons plus besoin de mettre l'accent circonflexe sur le mot août. Toutefois, pour nous les plus vieux, si nous continuons de le mettre, il ne s'agira pas d'une faute de français. Il y a au moins cela!

Toute langue évolue! C'est une réalité de la vie. L'usage populaire va généralement dicter quand un changement deviendra acceptable pour la majorité.

Tout en lisant au sujet de ces plus récents changements, en l'entendant à la radio, je reçois un mot qui illustre bien le dilemme dans lequel nous, francophones de l'Ouest, nous retrouvons souvent.

Chantal Brasseur, stagiaire à l'Eau Vive, me demandait si je pourrais parler du terme écrapoutiller, c'est-à-dire écraser. J'ai trouvé ce mot dans un seul dictionnaire, celui de Léandre Bergeron. Dans cette oeuvre, on trouve la définition suivante: «Écrapoutiller, écrapoutiner, écrapoutir. v.tr. écrabouiller, écraser.»

Le verbe écrabouiller que l'on peut retrouver dans le Petit Robert est entré dans le vocabulaire en 1478. Dans certaines régions, il est possible que ce terme ait été changé à écrapoutiller. Au Canada français, le terme est demeuré dans le vocabulaire de certains, mais pour une plus grande majorité le terme a été raccourci à écrapoutir. C'est le mot qu'on retrouve dans le Dictionnaire du bon langage de l'abbé Étienne Blanchard (1915). Le bon abbé exhortait les siens de rayer ce terme de leur vocabulaire et de le remplacer par éclabouiller, écraser, aplatir ou même mettre en marmelade.

Dans le langage populaire, écrabouiller et écrapoutiller ont pris un sens plus fort que le simple mot écraser. Selon le Dictionnaire général de la langue française (1924), écrabouiller voulait dire «écraser en faisant jaillir de tous côtés.» Comme l'écrit Chantal Brasseur, le terme se traduit très bien en anglais par le mot «splat!!!!».

En y pensant, c'est un peu la façon que se sont sentis les Québécois le 23 juin dernier. «Splat!!!!»

Dans le roman québécois, David Rogers a trouvé un exemple du terme écrapoutir, soit dans le roman À la hache, page 126: «Moé, j'ai ma couvarte au bord de la rivière, toute parée...J'vas m'écrapoutir dans l'courant...» Le terme écrapoutiller reste encore à faire son apparition dans la littérature canadienne-française. Peut-être s'agira-t-il d'un roman fransaskois?

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