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Flâner


Le temps des fêtes est passé pour une autre année et nous avons tous repris le travail. Certains d'entre nous avons été plus chanceux que d'autres puisque que nous avons pu prendre deux semaines de congé. Pour les autres, il y avait seulement quelques jours de congé pour flâner et pour placoter avec parents et amis.

Flâner est un verbe intransitif qui nous vient de la Normandie. Noël est un temps superbe pour mettre en action ce verbe qui veut dire «se complaire dans une douce inaction». Le verbe flâner nous a donné le nom flânerie, «action ou l'habitude de flâner» et l'adjectif flâneur, «une personne qui flâne».

Dans le Petit Robert on peut lire que le verbe flâner est d'origine normande, mais dans le Dictionnaire général de la langue française (1924), on affirme être moins certain des racines du verbe. «Origine incertaine. Les dérivés flânier (V. flâneur) et flânerie employés au XVIIe siècle, attestent que flâner est antérieur, bien qu'aucun dictionnaire ne l'enregistre avant le XIXe siècle, mais ce n'est que de nos jours qu'il a pénétré dans l'usage général.»

Le terme placoter est courant partout au Canada français. Un verbe intransitif, placoter veut dire «parler beaucoup, de choses et d'autres, hors de propos ou sans autre but que celui d'être en situation d'échange.» En autres mots, placoter veut dire parler pour ne rien dire.

Au Canada français, plusieurs autres termes sont utilisés au lieu de placoter (bavasser, chouenner, jaser, piquer une jase) tandis qu'en France on entendra (bavarder, commérer, jacasser, jaspiner, parler). Trois autres termes sont également dans l'usage quoique plutôt rares: causer, papoter et potiner.

Le mot placoter a une belle histoire littéraire au Canada français. En 1945, Gabrielle Roy écrivait dans Bonheur d'occasion: «Il va la perdre, sa job, s'il continue à placoter au restaurant d'en face plutôt que de se tenir prêt à servir le monde.»

Trois ans plus tard, Roger Lemelin parlait du placotage dans son roman Les Plouffe: «Mais tu sais que c'est silence quand on joue. Des femmes, ça parle. Si elle se met à placoter, je t'avertis, les gars vont la sortir.»

Plus récemment, le terme figurait dans le roman de J.-P. Filion, Les murs de Montréal, 1977: «il faut absolument que j'appelle la jeune chanteuse... avec qui j'avais jasé longuement, longuement... Je la rencontre, nous faisons ensemble un tour de l'île d'Orléan, nous placotons de poésie et de chansons, elle me parle de ses spectacles...»

Au Canada, placoter a deux autres sens. Dans le sens vieilli et rarement utilisé, placoter veut dire «s'agiter, remuer ou marcher dans une matière liquide (eau, boue, etc.)» Toujours dans un sens vieilli, placoter veut dire «s'occuper à des menues besognes, passer son temps à des riens.»

Donc, si vous avez passé votre congé de Noël à placoter, il faut croire que vous jasiez à rien dire car il faisait trop froid en Saskatchewan pendant les fêtes pour aller jouer dans l'eau ou dans la boue et avec la récession, il n'y avait pas grand monde dans les magasins à s'occuper des petites besognes.

La nouvelle année est commencée; ma seule et unique résolution est de continuer la Parlure fransaskoise tant et aussi longtemps que les gens continueront à m'envoyer de nouveaux mots et de nouvelles expressions.

Je tiens à souhaiter à tous les Fransaskois et à toutes les Fransaskoises une bonne et heureuse année et, comme le disait l'abbé Marchildon lors de la messe du Jour de l'An à Bellevue, le Paradis à la fin de vos jours. Hélas, cette année le paradis ne sera pas sur une île chaude dans le sud du Pacifique mais plutôt dans le frigidaire de Regina.

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