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Gribouille


Il m'arrive assez souvent de prendre plusieurs mois avant de traiter d'une lettre d'un lecteur et je m'excuse de ces retards. En septembre dernier, un ancien résident de Debden, monsieur Wilfrid Fortier, m'envoyait une liste de mots qui étaient utilisés couramment dans cette région.

Monsieur Fortier écrit: «Je suis presque certain que beaucoup de ces mots ont peut-être déjà paru dans ton courrier, mais je les envoie quand même. À toi de choisir ceux qui sont nouveaux pour toi.» Les lecteurs ne se souviennent pas toujours si un certain mot a déjà paru dans la Parlure fransaskoise. Permettez-moi de vous suggérer de me les faire parvenir tout de même. Parfois, certaines personnes auront une définition différente de celle que j'ai trouvé, ou encore plus souvent, ce sera un nouveau terme.

Dans le cas de monsieur Fortier, il propose le nom barda et le verbe bardasser qui ont déjà figuré dans une autre chronique. Toutefois, plusieurs des autres termes dans sa lettre sont nouveaux.

Commençons avec le terme gribouille qu'on utilisait dans la région de Debden, et ailleurs en province, pour parler d'un mal entendu entre deux personnes. Selon monsieur Fortier, «on disait – ces deux voisins-là ne se parlent plus, ils sont en gribouille depuis quelques temps.»

Le terme n'est pas unique à la Saskatchewan française. On le retrouve dans plusieurs dictionnaires, généralement avec le même sens, soit d'un malentendu. Dans le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron, «gribouille n.m. – chicane. Ex. Y a d'la gribouille dans la famille c'temps-citte. Être en gribouille avec quelqu'un – être en chicane avec quelqu'un.»

Pour gribouille, l'abbé Étienne Blanchard nous suggère de voir le mot scrape où l'on peut lire «Être en scrape – en chicane, en désaccord, en querelle, ou avoir un scrape – en venir aux mains.»

Dans son Dictionnaire correctif du français au Canada, Gaston Dulong soulève l'expression suivante – être en gribouille avec – et suggère de le corriger avec «être à couteaux tirés avec quelqu'un ou semer la dissension.»

Le terme figure même dans la littérature québécoise. David Rogers a relevé l'exemple suivant dans le roman - Marie-Calumet, de Rodolphe Girard, page 72: «Mais toé qui te fâches jamais, qu'est-ce qui t'avait dit, le bédeau, pour te met' en gribouille

Dans le Dictionnaire général de la langue française de Hatzfeld et Darmesteter, édition 1924, on trouve la définition suivante: «Gribouille nom propre qui paraît tirer plaisamment de gribouiller. Familier – type de naïveté. Fin comme Gribouille qui se jette à l'eau crainte de pluie.»

Le Petit Robert reprend cette définition: «gribouille: n.m. (1548, nom d'un personnage naïf et sot) Personne naïve et mal avisé qui se jette stupidement dans les ennuis, les maux mêmes qu'elle voulait éviter.»

Aucun de ces deux dictionnaires, ni les autres, expliquent comment le nom d'un personnage du XVIe siècle a été tourné pour vouloir dire une chicane en 1990. En ce début de nouvelle année, je vais essayer de vous raconter l'histoire, puisque personne d'autre ne l'a jamais racontée.

«Gribouille, personnage naif, était tellement écoeuré de se faire dire par son voisin, Chicane, qu'il était sans-dessein, qu'il commença une longue dispute avec ce même voisin. Ses autres voisins décidèrent que dorénavant on parlerait de gribouille et de chicane dans le même souffle. Une centaine d'années plus tard, un dénommé Jean-Baptiste Poquelin découvre cette histoire, mais décide de ne pas l'utiliser, puisque Gribouille était un ancêtre de son patron, le roi de France.»

Et voilà, en ce début de la nouvelle année, vous connaissez maintenant l'histoire de Gribouille.

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