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Guédille


Noël s'en vient! Les «partys» de Noël des bureaux se suivent l'un après l'autre et les gens commencent à fréquenter les centres d'achats plus que leurs humbles foyers. Toutefois, cette année, il semble être plus difficile de se mettre dans l'esprit de Noël.

Jésus, le Sauveur, naîtra dans une dizaine de jours pour la mille neuf cent quatre-vingt-onzième fois (les experts ne sont pas tous d'accord quant à l'année de la naissance du petit Jésus). Mais, les gens hésitent cette année; nous sommes dans une fichue de récession. Pouvons-nous nous permettre de dépenser des sous précieux pour acheter des bébelles de Noël? Les prix sont tellement élevés; la qualité n'est même plus là.

Et, pour empirer la chose, les gens du Sud de la province n'avaient même pas de neige avant les derniers jours. Comment pouvons-nous penser à Noël lorsqu'on peut encore voir la pelouse presque verte devant la maison?

La semaine dernière, les choses semblaient changer un peu. Une belle petite neige fondante est tombée sur Regina. L'homme à tout faire, Alfred Champagne, passait par chez-nous et il pouvait m'annoncer avec fierté que pour la première fois de l'hiver, il avait eu de la guédille au nez en nettoyant son trottoir.

Ma réponse fut: «de la quoi au nez?» Comprenez que c'était une expression qui ne figure pas dans la liste de M. Wilfrid Fortier. M. Champagne m'explique que dans son bout de pays, anciennement le Manitoba français, l'expression était très commune. Elle veut dire: «avoir de la morve au nez.»

Pierre DesRuisseaux, dans son Livre des expressions québécoises, nous propose la définition suivante: «Guédille: déformation de godille, aviron; autrement dit, avoir la morve qui coule du nez et qui ressemble à une godille

Dans le Dictionnaire du français québécois, les trésors de la langue française au Québec, on retrouve les origines du mot guédille: «Guédille (morve) depuis 1876 est un apport des parlers de l'Anjou et de Poitou où le mot est attesté sous les formes gadille, guedille et guédille; il s'agit d'un mot d'origine incertaine. Au Québec, guédilleux (celui qui a la morve au nez) correspond en Anjou à l'adjectif gadilloux. On trouve gadzigne (roupie) dans le parler franco-américain du Missouri.»

M. Champagne serait peut-être intéressé à savoir que le terme guédille a un autre sens au Québec: «mets composé d'un pain à hot-dog fourré d'une salade (au poulet, aux oeufs, etc.) et de mayonnaise.»

L'auteur-compositeur-interprète québécois, Robert Charlebois nous laisse avec la petite toune suivante: «Je suis un Hell's Angel à pied... J'mange des hot-dogs pis j'bois du thé... Je suis un bum de bonne famille. Quand j'vas su' a Main j'mange des guedilles Extrait de la chanson de R. Charlebois Les ailes d'un ange, 1969 disque Québec Love, Gamma S-136.

Mais, revenons au terme guédille pour parler de la morve au nez. Plus haut, j'ai donné la définition de Pierre DesRuisseaux. Ce chercheur maintient que le terme est une déformation de godille.

Dans son Glossaire du vieux parler acadien, Éphrem Boudreau suggère la définition suivante pour godille: «Aviron qui, placé dans une entaille arrondie sur la derrière d'une embarcation, sert à la faire avancer et à la diriger.» Puis, Boudreau ajoute: «On dit ironiquement, d'une femme qu'elle marche à la godille lorsqu'elle marche en se tortillant le croupion.» Ces définitions n'ont rien à voir avec la morve au nez.

Dans la littérature québécoise on trouve plusieurs références au mot guédille. Dans le roman, «Scènes de chaque jour», 1942, A. Laberge écrit: «Le vieux avançait lentement... Une goutte d'eau, une guédille, lui pendait constamment au bout du nez. Elle se détachait et tombait de suite sur son pardessus..., mais il s'en formait de suite une autre qui glissait à son tour et allait rejoindre la première. Son nez était comme ces glaçons qui pendent aux toits et fondent lentement au soleil.»

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