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Guetter les sauvagesJe vous ai quittés la semaine dernière en promettant de vous raconter l'histoire de l'expression guetter les sauvages. Puisque, comme on l'a vu la semaine dernière, c'est commettre un anglicisme de dire «l'histoire a originé...», je vais dire que mon histoire provient de la Nouvelle France. Je consulte ma collection d'encyclopédies et je trouve: Desdouits, Anne-Marie, Mom's Fighting the Indians, Collection: Horizon Canada, Centre for the Teaching of Canada Inc. 1985. Volume 6, Numéro 72. pp. 1724-1728. Mme Desdouits nous raconte l'histoire des femmes, des grossesses et des enfants au temps de la Nouvelle France. À cette époque, c'est une sage-femme qui assistait à la naissance d'un enfant et non pas un médecin. On ne savait pas trop comment expliquer le phénomène de la naissance aux autres enfants de la famille. Donc, lorsque le moment arrivait, on envoyait les petits morveux chez un voisin. Lorsqu'ils revenaient, il y avait un nouveau petit frère ou une nouvelle petite soeur dans la maison. Puisque les enfants ne savaient pas d'où venait ce bébé, on leur racontait des histoires comme «c'est le docteur qui a laissé le bébé, ou on l'a trouvé sur le perron ou dans le jardin, ou encore des corneilles l'ont laissé tombé du ciel.» Mais, très souvent, puisque la mère devait rester au lit pendant plusieurs jours après la naissance, on disait aux enfants que les Indiens avaient attaqué la maison pendant leur absence, qu'ils avaient battu leur mère et qu'ils avaient laissé un petit frère ou une petite soeur. Ainsi est née l'expression, guetter les sauvages. Ayant commencé comme expression adressée aux jeunes, elle entre bientôt dans le langage des tavernes. Dans le roman Marie-Didace, on lisait à la page 73: «Un jeune marié, faut qu'il guette les Sauvages.» Imaginez-vous dans une taverne dans les Laurentides, vers 1890. Jos Labonté, Tharcis Sansregret pis Jacob Taillefer sont en train d'en caler une couple. Entre deux gorgées, Jacob se tourne vers son chum Tharcis et dit: – Pis, mon Tharcis, l'mariage t'adonne. T'as engraissé depuis l'mois passé. Jos Labonté s'éclate de rire. – Ouais! Pis sa nouvelle femme aussi. Un mois d'mariage, pis dans huit autres y vont guetter les sauvages. Ainsi prend fin notre histoire. Récemment, un groupe d'auteurs fransaskois s'est réuni pour un stage d'une fin de semaine à Regina. Lors de la session, le langage populaire a fait état de discussion. Comment écrire tel ou tel mot en joual ou en fransaskois. On les trouve certainement pas dans le Petit Robert ou le Larousse. Une des participantes avait même un exemple concret: «Comment écrit-on le verbe greyer à l'impératif présent?» C'est la beauté des ordinateurs. Je suis propriétaire d'un petit logiciel fascinant: SM-Verbes. Ce logiciel fonctionne sur machine IBM et est structuré comme le Bescherelle ou le Larousse de la conjugaison. Toutefois, ce logiciel a une autre fonction, celui de vous permettre d'inventer vos propres verbes. Poussez un piton, et voilà le verbe greyer: «Impératif présent: greye, greyons, greyez. On le veut au Conditionnel présent: je greyerais, tu greyerais, il greyerait... Au Subjonctif plus-que-parfait: que j'eusse greyé.» Fascinant, n'est-ce pas? |