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Jarnigouine


Il y a deux semaines, je vous proposais un terme suggéré par mon bon ami, le docteur Rosario Morin. Hélas, je n'avais pas réussi à trouver de référence dans mes dictionnaires pour ce mot.

Le docteur Morin avait écrit pour suggérer le terme garnigouaine. Selon lui, «quand on disait – ce jeune garçon a du garnigouaine – on voulait dire qu'il était énergique et entreprenant.» Bien sûr, le docteur Morin m'avait indiqué qu'il n'était pas sûr de l'orthographe.

Après avoir lu cette chronique, Paul Couture de Saskatoon m'a appelé pour me dire qu'au Québec le terme en question était utilisé. Monsieur Couture n'était pas certain non plus de l'orthographe, mais selon lui la prononciation était plutôt georni et non pas garni.

Le travail du détective commence. D'abord je cherche dans plusieurs dictionnaires les mots qui commencent avec geor, ensuite ceux avec ger et jer pour enfin chercher les mots commençants avec jar. Finalement, le succès!

Léandre Bergeron, dans son Dictionnaire de la langue québécoise, nous propose la définition suivante: «Jarnigouine: n.m. ou f. Initiative. Talent. Intelligence. Amabilité. Audace. Ex.: Pour réussir un coup d'même, y en fallait d'la jarnigouine

Le Petit Robert n'a rien à offrir pour le terme jarnigouine, tandis que Bélisle dans le Dictionnaire nord-américain de la langue française nous offre la même définition que Bergeron.

D'où vient ce terme? Hatzfeld et Darmesteter dans leur Dictionnaire général de la langue française (1924) nous offrent la réponse. Selon eux, «Jarni, ou jarnidieu, est une altération ou une abréviation par euphémisme de je renie Dieu.» Les termes jarnibleu, jarnigué et jarniguienne ont tous été utilisés à un moment ou un autre.

Puis, Hatzfeld et Darmesteter ajoutent: «Jarni – sorte de jurement mis dans la bouche des personnages de comédie, spécialement des paysans.» Les deux messieurs relèvent la citation suivante du Dom Juan de Molière: «Jarni! v'la ou l'on voit les gens qui aiment.»

Maurice Rat, dans son Dictionnaire Larousse des locutions françaises, accorde l'expression jarnicoton à Henri IV, Roi de France 1589-1610. Selon lui, «ce juron plaisamment forgé par Henri IV, qui substitua à Dieu, dans jarnidieu (je renie Dieu), le nom de son propre confesseur, le père Coton ou Cotton.» Le père Pierre Coton était jésuite français et après l'assassinat d'Henri IV il fut appelé à se porter à la défense des jésuites.

Comme vous pouvez remarquer, le terme a beaucoup évolué depuis 1610. D'un juron (je renie), le mot est maintenant utilisé pour décrire une personne avec de l'intelligence. La définition que nous a donnée le docteur Morin (une personne énergique et entreprenante) concorde bien avec celle de Bergeron (amable, intelligent, audacieux, etc.).

Comme au Québec, le terme en Saskatchewan veut dire une personne qui a de la tête, de l'ambition.

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