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Maganer


Comme bien d'autres, je me suis rendu à Saskatoon la fin de semaine du 23 pour participer au 1er Festival des troupes communautaires. Maintenant, la tâche n'est pas aussi facile pour les comédiens, metteurs en scène et techniciens qu'elle l'est pour les spectateurs. Pendant toute la fin de semaine, ceux qui doivent monter sur la scène et ceux qui seront occupés dans les coulisses vivent avec leur nervosité. Vais-je avoir un blanc de mémoire? se demande le comédien. Vont-ils complètement gâcher mon travail? se dire le metteur en scène. C'est quoi toutes ces pitons-là? affirme le technicien.

Enfin, il y a l'énervement qui suit la représentation. Les juges ont-ils aimé mon interprétation, ma mise en scène? Vais-je avoir un trophée? Aille! Si je gagne, qu'est-ce que j'vais dire une fois rendu devant le public?

La réalité, c'est qu'au lendemain du festival, tous les participants actifs retournent chez-eux pas mal maganés. C'est ce qui m'est arrivé à la suite du festival communautaire. Je suis revenu à Regina un peu grippé, mal de tête, un peu de fièvre, peu d'énergie pour reprendre le travail.

Le verbe maganer a deux sens: celui de maltraiter (il a magané son cheval) et celui de fatiguer (ce rhume me magane).

Dans son Dictionnaire nord-américain de la langue française, Louis-Alexandre Bélisle maintient que le verbe maganer vient de l'ancien français mahaner. Le dictionnaire Larousse de l'ancien français n'a pas le terme mahaner, mais mahaignier qui voulait dire autrefois «mutiler, blesser, torturer.»

Gérard Dagenais, dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, nous donne l'origine du mot maganer: «À force de parler du latin, et des langues issues du latin et du grec, on oublie que les anciens dialectes germaniques ont été des facteurs du français dans une mesure qui n'est pas négligeable. Le canadianisme maganer a été apporté par des ancêtres venus de régions de la France où le verbe d'ancien français mehaignier (qui s'écrivait aussi mahaignier et se prononçait à peu près comme maganer était encore d'usage courant aux XVIe et XVIIe siècles. Ce verbe, qui était utilisé en France dès le XIIe siècle, a toujours signifié au cours de ses quatre cents ans d'existence «mutiler, blesser, maltraiter, tourmenter» et le substantif d'ancien français mehaing, dérivé de mehaignier, voulait dire «blessure, maladie, souffrance, chagrin et malheur». Le verbe mehaignier était d'origine germanique, comme le verbe anglais to maim, de même source, qui signifie «estropier, mutiler». Maganer est un vieux mot dialectal. Il faut se servir en français de nos jours des verbes maltraiter, malmener, fatiguer, épuiser en parlant des personnes et endommager, détériorer et salir en parlant des choses.»

Dagenais soulève un autre point. Aujourd'hui, nous avons tendance à utiliser le verbe maganer pour parler des choses: «j'ai magané mes souliers en marchant dans l'eau». Selon lui, «quand on l'applique aux choses, le verbe n'est plus un vieux mot mais plutôt une faute.»

Dans son Dictionnaire de la langue québécoise rurale, David Rogers a relevé un exemple du verbe maganer dans la littérature québécoise. C'est dans le roman Marie-Didace de Germaine Guèvremont, p. 142, qu'on peut lire: «Même si tu restais quelques jours à rien faire ça voudrait mieux que d'être icite à te laisser maganner Remarquez que dans cette citation le verbe est écrit avec deux «n».

Si vous voulez en connaître davantage au sujet du verbe maganer et son application au Canada français, consultez les Trésors de la langue française au Québec, Dictionnaire du français québécois, Volume de présentation, publié par Les Presses de l'Université Laval, Québec, 1985. pp. 95-101.

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