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Manoon


C'est dans la recherche historique qu'on va souvent trouver des termes et des expressions utilisés jadis par nos ancêtres. L'idée de la Parlure fransaskoise m'était venue en lisant «Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan», le volume de Lucille Tessier et Richard Lapointe qui trace l'évolution de la communauté fransaskoise.

Tout en lisant ce livre, je me suis mis à souligner des termes comme chippelappe, shack et homesteads; des mots que j'avais bien connus au cours de ma jeunesse sur la ferme. Depuis plus de deux ans, nombreux furent les Fransaskois qui m'ont suggéré des mots et des expressions pour la chronique. Mais, assez souvent, je dois me fier à des entrevues ou des textes d'archives pour trouver des termes pour la Parlure fransaskoise.

Je tiens alors à remercier Marie-Louise Perron, archiviste francophone aux Archives de la Saskatchewan, qui me fournit régulièrement des listes de mots. Dans sa plus récente liste, madame Perron me propose le mot manoon. Combien d'entre vous connaissez la définition de ce terme?

Il s'agit d'un mot très régional. Ce terme, on ne le trouvera pas dans aucun dictionnaire. Pour expliquer le sens de manoon, retournons dans l'histoire.

Au début du XXe siècle, des milliers et des milliers de colons envahissent la prairie canadienne de l'Ouest, s'établissant sur des homesteads de 160 acres qu'ils peuvent avoir pour la somme de 10,00$ du gouvernement fédéral. Ceux qui s'établissent dans le Nord de la Saskatchewan, dans le parkland, ont accès à des arbres pour la construction et le chauffage de leurs maisons.

Dans le Sud de la province, la situation est différente; l'absence d'arbres oblige les colons à importer de la planche pour se bâtir un foyer, ou ils bâtissent des sodhouses avec des mottes de tourbe.

Dans Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, à la page 159, on peut lire: «La question du chauffage revêt une importance qu'il serait difficile de surestimer dans un pays où des températures de moins 40 degrés ne sont pas rares. Dans la prairie, au tout début de la période de colonisation, les nouveaux arrivants peuvent toujours faire provision de bouses de bison séchées, de buffalo chips comme on les appelle ici.»

Maintenant, ce n'est pas tous les francophones qui désirent utiliser ce terme anglais pour décrire le combustible utilisé; le mot manoon remplace «buffalo chips» dans certaines régions.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, je n'ai pu trouver aucune définition pour ce terme dans aucun dictionnaire. Le mot qui se rapproche le plus de manoon est manne que les dictionnaires décrivent comme étant «la nourriture tombée du ciel pour nourrir les Hébreux dans le désert.»

Nous avons tous lu ou entendu cette histoire. Les Hébreux creuvent de faim dans le désert. La manne tombe du ciel et ils la ramassent pour se nourrir. Serait-ce que quelqu'un dans la prairie canadienne aurait voulu en conter une bonne à son chum de l'Est et inventa le mot manoon? Un bon jour, aurait-il décidé de lui écrire la lettre suivante.

«Mon cher Jacques. Comme tu le sais, dans cette vaste prairie de l'Ouest, il n'y a aucun arbre. Nos maisons sont construites de mottes de tourbe que nos charrues ont renversées. Puisqu'il n'y a pas d'arbres dans la région, nous devons nous servir de notre cocotte pour nous garder au chaud pendant les longs mois de l'hiver. Eh bien, Jacques, tu ne le croiras jamais, mais nous sommes comme les Hébreux dans le désert. Eux, ils couraient ici et là pour ramasser la manne de Dieu pour se nourrir. Comme eux, nous parcourons la prairie pour ramasser la manoon des vaches pour se chauffer. Eh oui, mon Jacques, nous nous chauffons avec de la bousse de vache séchée; c'est la bonne vieille manoon qui brûle dans mon poêle.»

Et ainsi est né le mot manoon. En terminant, saviez-vous que dans le coin de Ponteix on ne disait pas manoon, ni «buffalo chips» pour décrire ces bousses de vache ou de bison séchées. Eh non! Le terme utilisé par les colons de Ponteix était le charbon de prairie.

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