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Marabout


Par un beau matin d'été, le petit dictateur se lève de mauvaise humeur et demande à tous ses généraux rassemblés de trouver une façon d'améliorer son humeur. Sinon, ils seront tous victimes d'un «crash» d'hélicoptère dans le milieu du désert. Ayant peur pour leur peau, les généraux commencent à lui suggérer toutes sortes d'idées.

– Construisons un «bunker» sous le palais présidentiel, suggère le Général Ketchup.

– Non, non, non! exclame le Général Pichou. Allons mélanger une bonne «batch» de produits chimiques.

– Vous êtes fous, prononce le Général Tanquette. Le dictateur est marabout. Seule une bombe atomique fera l'affaire.

Ainsi commence notre histoire. On connaît la suite. En 1915, en plein milieu de la première guerre mondiale, l'abbé Étienne Blanchard, dans son Dictionnaire du bon parler, exhortait tous les Canadiens-français d'arrêter de dire marabout, lorsqu'ils voulaient parler d'un individu au caractère irascible, grincheux et peu endurant.

Selon le bon curé, il y avait une quantité inépuisable de termes pour décrire une telle personne sans avoir recours au mot marabout. Entre autres, il proposait «un quinteux, un acariâtre, un fagot d'épines, un atrabilaire, un grincheux, un ronchonneur, un hargneux, etc., etc.»

Dans le sens de mauvaise humeur, marabout semble venir de deux mots de l'ancien français, mar «adv. 1080, malheureusement, pour son malheur», et boter «verbe 1080, frapper, renverser.»

Toutefois, dans le Dictionnaire général de la langue française (1924), Hatzfeld, Darmesteter et Thomas offrent une autre définition de marabout: «Emprunté du portugais, marabuto, d'origine arabe: Musulman consacré à la pratique et à l'enseignement de la religion.»

À toute fin pratique, on pourrait dire que notre petit dictateur figure bien dans les deux sens du mot marabout.

Le terme figure bien dans la littérature canadienne-française. Dans le roman, À la hache, David Rogers, dans son Dictionnaire de la langue québécoise rurale, a relevé le paragraphe suivant à la page 220: «Le nouveau venu tire ses mitaines sous la «truie» rageusement. Il secoue son mackina, l'étend sur la perche après avoir jeté par terre la chemise d'un compagnon et court à la cuisine. Boucher me sourit et affirme: – Not' Bougon est marabout, à soir.»

Le terme truie utilisé dans cette citation signifie «un fourneau de camp fait d'un bidon d'acier monté horizontalement sur quatre pieds.» En Saskatchewan, on utilisait plutôt le terme tortue pour décrire ces petits poêles. (Voir Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, de Richard Lapointe et Lucille Tessier. p. 159.)

Revenons à l'oeuvre de David Rogers où on trouve le paragraphe suivant tiré du roman Les Jours sont longs, p. 101. «Dans les camps éclairés de lampes fumeuses, une lourde odeur de sueur, de laine et de cuir mouillés, de linge séchant près des truies chauffées à blanc, remplies à craquer de merisier ou de bouleau.»

Enfin, pour terminer notre histoire du petit dictateur, on peut dire que le président de la grande république, en beau torrieu contre la mauvaise humeur du petit dictateur, décide d'envoyer son armée dans le désert pour combattre le grand marabout.

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