Drapeau fransaskois le Musée Virtuel Francophone de la Saskatchewan
Accueil Musées Pionniers Récits Anecdotals Archives et Folklore Parlure Fransaskoise
Accueil Musées Pionniers Récits Archives Parlure
 
 

Shop


J'ai souvent parlé dans cette chronique de l'influence de l'anglais sur la parlure fransaskoise. Étant entouré de milliers d'anglophones, étant assujetti tous les jours à des émissions télévisées nous provenant des États-Unis (ne parlons pas de la traduction française de l'émission Dallas sur les ondes de Radio-Canada), il n'est alors pas surprenant que nous utilisions souvent des anglicismes.

Un ancien Fransaskois, maintenant résident de Drummondville au Québec, me signalait dans une récente lettre que l'origine de plusieurs mots que nous employons n'est pas nécessairement l'anglais, mais bel et bien l'allemand. André Lafrenière rappelle que la Saskatchewan fut aussi peuplée d'immigrants venant de pays slaves et dont la langue maternelle était l'allemand.

M. Lafrenière écrit: «J'aimerais apporter une précision au sujet du mot crank dont nous a parlé avec justesse le Dr. Rosario Morin. Il est vrai que le mot crank nous vient de l'anglais lorsqu'il signifie une manivelle. Cependant, et c'est là ma précision, originalement ce mot crank ou krank nous vient de l'allemand et c'est de l'allemand que nous vient son deuxième sens. Le dictionnaire Rotteck et Kister nous dit que krank désigne un malade; kranker verbe, être malade; krankheit, n.f. maladie; et krankenhaus, n.m. hôpital. Nous en français on utilise ce mot dans un sens abstrait lorsqu'on veut désigner une personne écervelée, un détraqué, un paumé, un malade quoi.»

Dans une autre chronique, j'ai parlé du mot shop pour désigner l'atelier de travail du fermier. Ici dans l'Ouest canadien, nous sommes tellement aux prises contre l'assimilation que nous sursautons s'il y a une trop grande utilisation de termes anglais. C'est une des raisons pour laquelle nous nous tirons les cheveux chaque fois qu'on entend un français de France parler du shopping ou de la petite shoppe (boutique) où il a été faire son magasinage.

M. Lafrenière apporte une précision quant à l'origine du mot shop. «Il est vrai que ce mot nous vient de l'anglais contemporain lorsqu'il désigne un atelier soit de mécanique ou de menuiserie, et dans le sens tel qu'employé dans l'ouest. Cependant, ce mot originalement nous vient de l'allemand schopf et qui a donné naissance au mot français échoppe qui désigne selon Larousse une petite boutique. Et aussi de l'ancien néerlandais nous vient le mot schoppe qui a été adopté tel quel en anglais du XVe siècle et aujourd'hui plus rarement pour désigner un magasin. Donc nous retrouvons dans l'ouest le dérivé shop pour atelier. Mais c'est de l'ancien néerlandais et anglais moyen schoppe que nous vient le mot shopping pour magasinage. Shop moderne signifie atelier et The Olde Schoppe pour magasin (XVe et XVIe siècle.)»

Bien sûr, ce n'est pas seulement dans l'Ouest qu'on utilise le mot shop pour désigner un atelier. Même à la fin du XIXe siècle, au Québec, ce terme était utilisé couramment et des linguistes comme l'abbé Blanchard s'humiliaient à l'utilisation d'un mot qu'il considérait bien anglais.

Le terme fit même son apparition dans la littérature québécoise comme nous le souligne David Rogers dans son Dictionnaire de la langue québécoise rurale. «Tu finis ben de bonne heure, aujourd'hui. I's ont pas l'air de trop vous forcer à la shop Trente arpents de Philippe Ringuet, page 307.

Même le verbe shopper s'était glissé dans le vocabulaire québécois à la fin du dernier siècle. On allait shopper plutôt que d'aller courir les magasins ou faire des emplettes. Mais à cette époque, ils n'auraient jamais vanté l'utilisation d'un terme anglais comme le font les français d'aujourd'hui avec leur shopping et leur parking. Ils parlaient peut-être mal, nos ancêtres, mais ils ne le faisaient pas avec arrogance. Quand ils utilisaient un terme dérivé de l'anglais, c'était souvent parce qu'ils ne connaissaient pas le bon terme en français.

Retour