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Zigonner


Lorsqu'une personne, intéressée à se lancer dans la création littéraire, me demande de lui donner des trucs d'écriture, un conseil que j'offre invariablement c'est celui d'écrire des notes sur des bouts de papiers, des notes qui seront tôt ou tard utiles dans la rédaction d'un texte (une nouvelle, une pièce de théâtre ou un roman).

Pour ma part, je suis un des grands pécheurs lorsque vient le temps de suivre ce conseil. Je prends bien des notes sur des bouts de papiers, lorsque j'ai plume et papier à ma disposition, mais hélas, j'ai la manie de laisser ces papiers traîner ici et là. C'est en partie la raison pour laquelle, très souvent, des termes qui me sont suggérés ne figurent pas dans cette chronique avant que plusieurs semaines se soient écoulées.

Récemment, j'ai ramassé tous mes petits bouts de papier qui traînaient ici et là dans la maison et au cours des prochaines semaines je promets de parler des mots que j'avais griffonné il y a un mois... deux mois.

Il y a deux semaines, lors de l'ouverture officielle de Bonjour Chez Vous sur le patio de Radio-Canada, certaines personnes sont venues me suggérer des mots et je les remercie.

Albert Dubé, nouveau représentant du bureau du Commissaire aux langues officielles à Regina et auteur-recherchiste à temps perdu, m'a proposé deux mots – zigonner et zigouiller. Le premier m'est familier, le deuxième complètement étranger.

En ce qui concerne zigonner, Léandre Bergeron nous suggère de voir le verbe zigâiller «v. tr. – Couper en déchiquetant, avec un mauvais outil. Essayer de couper, de scier sans succès. Rudoyer en tirant sur le mors du cheval. Tirailler.»

Chez nous, le terme avait changé au cours des années. En partant de cette première définition de Bergeron – couper avec un mauvais outil – le mot zigonner avait évolué pour vouloir dire «une personne qui travaille lentement et mal». L'expression «vas-tu bien arrêter de zigonner après ça!» voulait dire qu'une personne avait assez perdu de temps à mal faire ce qu'elle faisait.

Zigonner était aussi couramment utilisé en Saskatchewan pour parler d'un violonneux qui jouait mal son instrument. «Il zigonne sur son violon» était souvent déclamé lorsqu'un joueur de violon faisait monter la chair de poule dans le dos de son auditoire, non pas à cause de sa finesse, mais plutôt parce qu'il faisait grincer les cordes. Ce violonneux on l'appelait le zigonneux.

Léandre Bergeron nous rappelle d'autres termes issus de zigonner: zigoune, une cigarette roulée à la main et zigonnage, l'action de zigonner.

En ce qui concerne l'autre terme proposé par M. Dubé, zigouiller, j'ai trouvé la définition suivante dans le Dictionnaire nord-américain de la langue française (Bélisle): «Zigouiller: Tuer, égorger avec un couteau.»

Une autre personne présente à ce spécial de Bonjour Chez Vous, Réjeanne Geoffrion-Flichel, me rappelait que je n'avais pas encore utilisé une expression qu'elle m'avait suggérée plusieurs mois auparavant, soit de lâcher un cri.

Comme moi, Réjeanne fut élevée sur une ferme et dans cet environnement il était commun pour nos mères de sortir sur le perron à l'heure des repas et de lâcher un cri pour avoir notre attention. Et, que nous soyons à quelques pieds de la maison ou chez le voisin à un quart de mille, nous pouvions entendre ce cri de notre mère.

L'expression semble venir de l'anglais «let loose a yell» et le terme lâcher était aussi utilisé couramment dans l'Ouest canadien pour signifier «laisser en liberté». Par exemple, on allait lâcher les vaches après qu'elles avaient été traites.

Pour tous les Canadiens français catholiques du début du siècle, il ne faut pas oublier de parler du crieur public qui allait crier des annonces à la fin de la messe. Je ne sais pas si cette tradition était commune, mais ma recherche indique qu'elle était populaire à Ponteix en Saskatchewan.

David Rogers, dans le Dictionnaire de la langue québécoise rurale a relevé l'exemple suivant dans Marie-Didace de Germaine Guèvremont, page 71: «À la criée du dimanche, on donna un dernier avertissement d'aller ramasser les animaux sur la commune.» Et toujours dans le même roman, à la page 153, on lit: «Tellement, interrompit la grande Laure, que son vieux père parlait de la faire crier, à la sortie de la messe, sur le perron de l'église, avec la grosse citrouille pour les âmes, les pommes de chou et les animaux de race.»

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