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Willow-Bunch, le village errantTout à fait au sud de la province, presque sur la frontière américaine, le petit village de Willow-Bunch se niche dans une vallée peu profonde, au pied d'une vaste région montueuse qui entoure des hauteurs connues depuis longtemps sous le nom de la Montagne de Bois. Ce qui lui donne un caractère unique, c'est qu'il a grandi à partir d'un campement se déplaçant ici et là, au gré des errances d'un groupe de Métis.
Son histoire débute avec l'entrée du Manitoba dans la Confédération en 1870. Un grand nombre de Métis – ils prononcent Michif – de langue française établis à la Rivière Rouge se sentent enserrés au milieu des colons anglo-ontariens qui affluent dans la région. Ils ne peuvent non plus se trouver un emploi en accord avec leur tempérament nomade, insouciant et – disons le crûment mais sans intention péjorative – inconstant. Ils sont résolus aussi à se rapprocher des derniers troupeaux de bisons s'éloignant vers l'ouest et le sud-ouest. Ils forment alors le projet de s'installer dans les régions de Batoche et de la Montagne de Bois. Un important contingent de Bois-Brûlés empile ses maigres possessions sur des charrettes et se met en route vers la Coulée-Chapelle, à peu de distance à l'est du site actuel de Saint-Victor. Les nouveaux arrivants se construisent des maisonnettes avec les matériaux du pays, bousillant l'intérieur à la terre glaise, remarquable par sa finesse et sa dureté dans cette région. Cette année-là, deux Blancs arrivent parmi eux: Jean-Joseph-Marie Lestanc, un Oblat, pour voir à leurs besoins spirituels, et Jean-Louis Légaré, un traiteur de naissance québécoise, pour s'occuper de leurs besoins matériels. Le père Lestanc s'installe pour l'hiver à la Coulée-Chapelle; il repartira pour la mission principale de Qu'Appelle le printemps suivant. Les Métis lui érigent une modeste chapelle, faite de perches de tremble. Des peaux de cabris, soigneusement rasées et amincies au grattoir, laissent filtrer la lumière. L'hiver de 1870-1871 est extrêmement rude et une tragédie vient assombrir les célébrations de la Nativité du Christ: quatre enfants d'une même famille périssent de froid dans une terrible bourrasque la veille de Noël. La vie est rude sur les plaines et la mort fauche impitoyablement, sans égard à l'âge: les Métis en ont à la longue acquis un profond fatalisme qui domine leur esprit.
Jean-Louis Légaré hiverne à la Petite Montagne de Bois, située à l'extrémité du bras nord du lac Fife, à une vingtaine de kilomètres franc sud de la Coulée-Chapelle. Parti à Pembina au printemps de 1871 pour y livrer les robes de bison et le pemmican échangés durant l'hiver, il est de retour à la fin novembre. Mais il trouve le campement déserté. Les Métis sont depuis longtemps partis pour la chasse et ils ont trouvé des pâturages à leur goût plus à l'ouest; c'est là qu'ils ont décidé d'hiverner. Légaré les retrouve après trois jours de marche, à peu de distance du site actuel du village de Wood Mountain. Le père Lestanc les accompagne et quelque cent familles y préparent leurs quartiers d'hiver. On érige une nouvelle chapelle, plus grande que la première et mieux ornée. Le campement vit bien, car la chasse rapporte gros. Légaré fait de belles affaires durant l'hiver 1871-1872. Selon leur coutume, les Métis se lancent dans la prairie au printemps. Ils prennent la direction de la rivière La Vieille (c'est la Wood River d'aujourd'hui), puis la remontent jusqu'à la Butte du Cheval Caille (Pinto Butte), avant de revenir sans se presser aux quartiers d'hiver qui comptent maintenant au-delà de 175 feux. Plusieurs autres familles métisses sont en effet accourues à la Montagne de Bois à la nouvelle de la présence d'un grand troupeau de bisons. À l'automne de 1872, il faut ériger une rallonge à la chapelle, trop exiguë pour la foule des fidèles. L'hiver de 1872-1873 est doux, les provisions suffisantes et on n'a qu'à se laisser vivre. Les jours chauds revenus, on retrouve la piste des bisons, toujours plus loin vers le sud-ouest. L'été s'écoule agréablement, car la chasse est bonne. Personne ne peut savoir qu'une violente tempête de neige va s'abattre sur la région des Buttes du foin de senteur (les Sweetgrass Hills), au-delà des lignes américaines, le 1er septembre. Surpris en terrain découvert, trois chasseurs périssent de froid et plusieurs autres meurent des suites de leur épuisante fuite vers une coulée protectrice. On abandonne de suite la chasse et on se réfugie dans des quartiers d'hiver. La plus grande partie de la troupe préfère demeurer aux abords de la Rivière-au-Lait, le reste revient à la Montagne de Bois. Le père Lestanc partage son temps entre les deux campements. Au printemps de 1874, l'Oblat est nommé à Saint-Albert et ses ouailles, désespérées, font tenir une lettre touchante de naïveté à Mgr Taché, l'archevêque de Saint-Boniface, le suppliant de leur laisser un si bon pasteur qui sait «confesser les Femmes ent Langue Sauvage». Les Métis, on le voit dans cette lettre, forment déjà une collectivité malgré leurs errances saisonnières et les fluctuations de leurs effectifs, car ils signent fièrement «Le Peuple de la Montagne de Bois». Le père Jules Decorby, natif de France comme son prédécesseur, arrive à la Montagne de Bois en décembre 1874 et continue vers le campement principal de la Rivière-au-Lait. L'hiver est très doux et le gibier abondant; mais l'année suivante, les hivernements de la Montagne de Bois et de la Rivière-au-Lait sont abandonnés et les Métis se rassemblent à la Montagne aux Cyprès. C'est qu'ils suivent toujours les derniers troupeaux de bisons qui s'y sont réfugiés en quête de pâtures. Le père Decorby fait bâtir trois chapelles dont la plus grande, sur le versant nord des hautes terres, sert pour les trois hivernements de 1874 à 1877. Pendant ce temps, Jean-Louis Légaré a installé son magasin à Wood Mountain, à cinq kilomètres à l'est de la caserne de la Police à cheval. C'est vers ce point que le gros des Métis se transporte à l'automne de 1877. Le père Decorby les y rejoint. L'Oblat visite aussi les autres campements métis à cent kilomètres à la ronde. Comme il est de très petite taille et léger comme une plume, même le broncho le moins vaillant lui suffit pour faire une belle course et couvrir de longues distances. Entre-temps, une forte bande siouse des États-Unis, avec le Boeuf-Assis à sa tête, fuyait d'inévitables représailles après l'anéantissement d'une colonne de Longs-Couteaux commandée par le colonel Custer. Elle passe la frontière canadienne et s'installe aux alentours du magasin de Légaré. Près de 4000 Indiens y montent leurs loges. Leur présence constitue une véritable menace, d'autant plus que le torchon brûle depuis longtemps entre les Métis et les Sioux Titons. Pour désamorcer une situation explosive, le gouvernement renforce le détachement de la Montagne de Bois et tente aussi de convaincre les Indiens de s'en retourner de l'autre côté des lignes. Il n'hésite pas à soudoyer quelques chefs Titons jaloux du prestige du Boeuf-Assis qui, lui, n'est pas chef mais simple lieutenant de guerre. En 1878, le petit père Decorby est appelé par ses supérieurs vers les missions du Manitoba. Le père Joseph Hugonard, qui a déjà rencontré le Boeuf-Assis à Qu'Appelle, arrive en octobre de la même année. La population lui érige sur-le-champ une chapelle rudimentaire. À l'automne de 1879, un feu de prairie particulièrement violent détruit tout le fourrage aux environs du poste de la Montagne de Bois. Le camp métis se disloque, certains cherchant vers la Montagne aux Cyprès et d'autres vers la Coulée-Chapelle de quoi nourrir leurs chevaux. Les derniers bisons sont déjà partis vers le sud, en quête d'herbages. Jean-Louis Légaré soutiendra d'ailleurs jusqu'à son dernier souffle que c'est la cavalerie américaine qui empêchera par la suite le mouvement saisonnier des bisons vers le nord, privant ainsi les Sioux de la Montagne de Bois de leur principale source d'alimentation. La tactique porte fruit, car ceux-ci rentrent dans leur pays quelques années plus tard, en grande partie grâce aux efforts de Légaré.
En 1879 donc, le bison a disparu des territoires qui vont bientôt former le district de l'Assiniboia. Les feux de prairie de l'automne réduisent en cendres les derniers espoirs de voir les troupeaux se reconstituer. Mais un important troupeau erre encore au-delà de la Rivière-au-Lait, aux États-Unis. Près de 500 familles de Batoche, de la Montagne aux Cyprès, de la Montagne de Bois et d'ailleurs partent à sa poursuite. Mal leur en prend, car ils sont arrêtés par les soldats américains: l'ère des traversées de frontières sans formalités est bel et bien révolue. Un général leur intime l'ordre de s'installer aux États-Unis et seule l'intervention opportune du major Walsh de la Police à cheval les tire de ce mauvais pas. Les Métis se divisent alors en trois camps dont deux, tout bien considéré, choisissent de s'établir au sud de la frontière alors que le troisième revient à la Montagne de Bois. Le campement s'en trouve considérablement affaibli et les esprits sont à leur plus bas durant l'hivernement de 1879-1880. Le temps de Noël est malgré tout, comme à l'accoutumée, l'occasion de visites et de joyeux banquets. Dans la joie des retrouvailles, on se prend à rêver: plutôt que de continuer à courir de plus en plus loin des troupeaux de plus en plus maigres, ne pourrait-on pas se livrer à l'élevage dans un coin propice? Un Métis de nom de Gaudry, orateur admiré, vante la richesse des pâturages dans les bas-fonds situés à l'est de l'ancienne Coulée-Chapelle. Jean-Louis Légaré va se rendre compte par lui-même des conditions au début de l'été et, convaincu, il y construit immédiatement un magasin-résidence temporaire. Au moins une trentaine de familles y déménagent dans les mois qui suivent. En décembre de cette année-là, c'est-à-dire en 1880, le père Pierre St-Germain, natif du Québec, vient prendre la charge de la mission de la Montagne de Bois. Il visite pour la première fois le nouveau site que les Métis ont baptisé Talle de Saules ou la Hart-Rouge, à cause des cornouilliers qui poussent là en abondance. Ils les «plument» et en arrachent la partie tendre pour bourrer leur pipe. Au cours de l'été 1881, les Métis affluent dans la vallée et, à l'automne, André Gaudry y transporte à grand peine la misérable chapelle construite trois ans plus tôt à la Montagne de Bois. L'été suivant, la chapelle est érigée en face du magasin de Légaré et à l'automne de 1882, le père St-Germain revient à la Talle de Saules annoncer qu'il s'installe de façon permanente. Légaré, fait construire un magasin-résidence au coût astronomique, pour l'époque, de 6000 $. Sa construction marque bien le caractère permanent du nouveau village. Il faut maintenant voir à la maison du culte. On traîne des grumes depuis les bords du lac Montague, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest, et on les débite en planches à la scie de long: c'est qu'on a plus de temps et de bonne volonté que d'argent. Sur un site réservé par le père St-Germain à trois kilomètres à l'est du magasin de Légaré et qu'on appelle bientôt Bonneauville, on érige une belle chapelle à deux étages. Elle est prête en 1884. Jean-Louis Légaré n'est plus le seul Canadien français de la région. Gaspard Beaupré en 1876, Zotique Désautels et Joseph Lapointe en 1878, puis Pascal Bonneau fils en 1882, sont venus se joindre à lui. Comme le bison a disparu, les Métis apprennent à gagner leur vie. Ils travaillent d'abord au nivellement des rues de la nouvelle capitale, Regina. Ils s'égaillent ensuite dans la prairie pour recueillir les os de bison qui, moulus aux États-Unis, servent d'engrais. Ce travail les occupe une bonne dizaine d'années tellement les troupeaux ont été nombreux. Ils gardent aussi des chevaux, pour lesquels ils conservent une grande passion. Durant le soulèvement de 1885, plusieurs Métis de la Hart-Rouge sont enrôlés comme patrouilleurs par la Police à cheval. On les charge d'empêcher des renforts éventuels venus du sud de rejoindre le camp de Batoche. En fait, il n'y a aucun danger de ce côté et les Métis passent leur temps à chasser et à fumer, grassement payés à ne rien faire par le gouvernement. Le caractère cocasse de la situation n'est pas sans les amuser, quoi qu'il est certain que sans la présence du père St-Germain et de Jean-Louis Légaré, plusieurs d'entre eux s'en seraient allés faire le coup de feu, coude à coude avec leurs cousins de Batoche. Entre-temps, à l'été de 1883, un autre Blanc est venu tenter fortune. Prudent Lapointe, frère de Joseph, prend du service chez Jean-Louis Légaré. Il va plus tard devenir notaire et agent des terres. À la fin des hostilités, dans le but de calmer les rumeurs de mécontentement, le gouvernement a soin de distribuer les scrips en argent ou en terres (soit 160 ou 240 acres) auxquels les Métis nés depuis 1870 ont droit. En 1886, il fait arpenter huit cantons aux alentours de la Hart-Rouge, afin que les Métis puissent échanger leurs scrips contre des terres. Mais peu prévoyants et surtout peu familiers avec cette étrange notion des Blancs qui s'imaginent détenir la propriété exclusive de la terre et qui prétendent l'utiliser à leur seul profit, bon nombre de Métis vendent leur scrip à vil prix.
Cette année-là, un ancien entrepreneur du chemin de fer transcanadien, Pascal Bonneau père, vient lancer un ranch auprès de celui de son fils. Les débuts sont difficiles, car les feux de prairie achèvent de détruire ce qu'une terrible sécheresse et les nuées de sauterelles ont par miracle épargné. Deux ans plus tôt, Jean-Louis Légaré a lui aussi installé une cinquantaine de bêtes à cornes sur un terrain vraisemblablement obtenu des Métis. Mais les bêtes sont trop sensibles au froid et la neige les empêche de brouter à leur aise. On se rabat alors sur l'élevage des chevaux. Des ranches de 2000 coursiers et plus se forment ici et là. Beaucoup plus tard, en 1894, on se lance dans l'élevage des moutons. Les Métis, anciens chasseurs, se transforment en éleveurs avant de devenir cultivateurs. Toujours en 1886, la Police à cheval ouvre un poste à Bonneauville, ne laissant qu'un petit détachement à la Montagne de Bois. En octobre, Mgr Taché vient visiter les gens de la région et Joseph Lapointe commence à enseigner dans la petite école qu'on vient de construire. En 1889, le père St-Germain choisit Saint-Ignace de Loyola comme patron de la paroisse. Mais l'Oblat se fait vieux et les longues courses à cheval par monts et par vaux – car c'est bien la topographie de la région – l'ont épuisé. Un séculier français, l'abbé Albert Leuret le remplace à la Noël 1893. Lorsqu'on obtient un bureau de poste deux ans plus tard, c'est lui qui est nommé premier maître de poste. Le Grand Archevêque de l'Ouest, Alexandre-Antonin Taché, s'éteint en juin 1894 et son coadjuteur, Adélard Langevin, lui succède. Il entreprend la visite de tous les coins, même les plus reculés, de son immense archidiocèse. Dans le compte rendu de sa visite pastorale, Mgr Langevin désigne la petite bourgade métisse sous le nom de «Saint-Ignace-des-Saules»; il a l'échine raide et son sang ne fait qu'un tour à l'idée d'angliciser le nom de Talle de Saules en un Willow-Bunch peu musical pour l'oreille française. Au printemps de 1896, l'abbé Leuret part et le père St-Germain se fait une joie de venir assurer le ministère chez ses chers Métis deux fois par année. Puis, à l'automne de 1898, un autre séculier, l'abbé Emmanuel Garon, accepte la charge de la paroisse. Tout est à refaire: l'école est fermée et l'église a bien besoin d'être rebâtie. À cette époque, tous les bâtiments du village, y compris les magasins, le restaurant, le bureau de l'agent des terres et la caserne de la Police à cheval – tout en fait, sauf le magasin de Légaré – sont situés à Bonneauville. L'abbé Garon obtient de Légaré un terrain de 80 acres situé près de son magasin et dans un lieu plus propice à l'expansion prévue du village. Les Métis font le charroi de pierres calcaires et montent un four à chaux sur le nouveau site. Les choses vont bon train, quand l'abbé Garon est soudainement muté à la paroisse Sainte-Anne-du-Loup, à Wolseley. Encore une fois, le père St-Germain revient à Saint-Ignace-des-Saules. Mais il s'oppose à l'idée de déménager le village et il tient à ce que l'église soit construite à Bonneauville, sur un terrain dont il ne recevra pourtant les lettres patentes qu'en septembre 1902. Monseigneur Langevin, sans doute pour ne pas brusquer l'honorable vieillard, qui est devenu infirme par surcroît, s'incline. Il a bien d'autres chats à fouetter mais, néanmoins, trois fois en l'espace de trois ans, il accomplit le long trajet vers Saint-Ignace pour encourager les habitants à construire une nouvelle église et un couvent. Les délais, des querelles intestines et l'incertitude sur le site de la construction ont toutefois aigri la population et rien ne se fait, pas même lorsqu'un autre séculier, l'abbé Claude Passaplan, est nommé curé en 1902. Les choses ne peuvent plus durer ainsi. L'archevêque nomme l'abbé Alphonse Lemieux, de souche québécoise, curé de Saint-Ignace en avril 1905. Ce dernier a de l'expérience, de la poigne et de la volonté. Il fait démanteler la chapelle et avec le bois, il ordonne l'érection cet automne-là d'un presbytère sur le terrain donné par Jean-Louis Légaré. Le printemps suivant, on commence les travaux de construction d'une église de 26 mètres sur 12, à laquelle est accolée une sacristie de belles dimensions. Une grande vague d'immigration commence à déferler sur l'Ouest en 1903. Au début, elle épargne Saint-Ignace-des-Saules, car l'endroit est trop loin du chemin de fer et il reste de meilleures terres plus à l'est. Les ouvriers qui travaillent à la construction de l'église sont parmi les premiers à se prendre des homesteads dans la région. À partir de ce moment, le mouvement s'accélère et la région se peuple en quelques années. Grâce à l'action efficace du curé, de l'agent des terres et d'autres habitants, l'immense majorité des concessions reviennent à des nouveaux arrivants de langue française.
Une ère nouvelle s'ouvre. Finies les grandes chevauchées à bride abattue à la poursuite du bison, finies les années d'insouciance à errer d'un campement à l'autre. Il faut maintenant s'atteler à la besogne de donner un cadre à chacun des domaines de l'activité humaine. Les Métis s'adaptent mal à ce nouvel ordre. Quelques-uns s'adonnent à l'agriculture, mais la majorité d'entre eux se contentent de s'engager pour de courtes périodes comme hommes et femmes à gages chez les fermiers de la région. Plusieurs se réfugient au «hameau des Métis», une agglomération de cabanes située au sud du village. Vers 1900, on compte à peu près 300 Michifs aux Saules, mais leur nombre décline petit à petit: il en reste 225 en 1927, et moins de 200 en 1947. Willow-Bunch n'est plus un campement métis, mais un village de Blancs. Un dernier épisode de l'histoire des Bois-Brulés vaut la peine d'être esquissé. En 1949, le vicaire de Saint-Ignace-des-Saules, l'abbé François Blanchard, veut contribuer au relèvement de la population métisse. Il établit une Caisse de dépôts et un jardin coopératif qui se transforme bientôt en ferme coopérative avec l'aide du gouvernement. La Ferme Coopérative Lacerte continue à opérer pendant une bonne décennie mais, par suite du départ de quelques-unes des principales familles, le projet piétine un moment avant d'être liquidé à regret vers le milieu des années 1960. Il ne reste plus aujourd'hui qu'une petite poignée de Métis à Willow-Bunch. Willow-Bunch, le village errant, aurait pu tout aussi bien grandir à une dizaine de kilomètres plus à l'ouest, à la Coulée-Chapelle, ou encore à une cinquantaine de kilomètres dans la meme direction, à la Montagne de Bois, ou encore à plus de 300 kilomètres, à la Montagne aux Cyprès, à moins que ce ne soit à trois kilomètres dans la direction opposée, sur le site de Bonneauville. C'est en fin de compte le don de 80 acres de terre par Jean-Louis Légaré qui détermina son site définitif. |