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Zénon Parc et son moulin à scie


Les pionniers de Zénon Parc sont venus pour la plupart de la région de Providence, au Rhode-Island. Un important contingent de Franco-Américains prêts à tenter l'aventure dans l'Ouest canadien s'y était formé au printemps de 1910, sous la direction d'un missionnaire-colonisateur, M. l'abbé Philippe-Antoine Bérubé. Arrivée à Prince-Albert au milieu d'avril, une colonne de plus de 300 rapatriés canadiens français partit explorer les terres que le gouvernement leur avait réservé dans les environs de Shellbrook. Mais le terrain n'était guère propice à l'agriculture et après une quasi-mutinerie contre l'abbé Bérubé, une trentaine à peine des nouveaux arrivants prirent le parti de s'y établir. Les autres revinrent à Prince-Albert; plusieurs de ceux-là se lancèrent en direction de Hudson Bay et trouvèrent des terres plus à leur goût dans le district de Zénon Parc.

L'une des premières tâches du colon était de se construire une maison pour affronter les rigueurs de l'hiver. Bon nombre érigèrent des shacks de rondins, mais plusieurs préféraient construire avec de la planche. C'est pourquoi l'un des pionniers de la première heure, M. Médéric Foucher, fit l'achat d'une petite scierie pour produire le bois de construction nécessaire; la matière première ne manquait pas, la région étant fortement boisée. Voici comment le Dr Aimé Arès raconte, à partir des souvenirs de pionniers recueillis durant les années 1940, le transport du «moulin à scie», une machine extrêmement lourde pour les chemins rudimentaires et boueux de l'époque:

«Au printemps de 1912, M. Médéric Foucher acheta un moulin à scie de la compagnie Watrous. Pour pouvoir acheter il se fit signer des notes par ceux qui plus tard devaient faire scier à son moulin. Ce moulin arriva à Tisdale sur le train, avec comme pouvoir un gros engin à vapeur. M. Foucher partit donc de Zénon Parc, avec cinq paires de boeufs et quelques colons pour aller chercher ce moulin à scie. Tout alla bien tant qu'on fut sur le beau chemin mais rendus sur la «trail» ce fut toute une autre histoire. On avait mis quatre paires de boeufs sur l'engin et une sur le moulin. À plusieurs endroits il fallut abattre les arbres pour ponter le chemin. Hommes et bêtes marchaient souvent dans l'eau jusqu'aux genoux.

«Après un acre ou deux, voilà le «boiler» qui s'enlisait dans un marais et le père Foucher découragé, de s'asseoir sur un tronc d'arbre en se prenant la tête à deux mains: «Blé d'Inde, Marie me l'avait ben dit de ne plus m'badrer de moulin à scie». Toujours est-il que le fameux moulin, à quatre milles de chez lui, s'enlisa tant et si bien qu'on dut l'abandonner là pour un mois, afin de laisser au soleil le temps d'essorer l'eau. Quand M. Foucher crut le terrain assez sec, il retourna avec de l'aide pour amener ce moulin chez lui. Ce ne fut pas encore tâche facile, à deux milles de chez lui on dut rouler cet engin à bras pour une distance de 300 pieds, Impossible de se servir des boeufs, ils s'enlisaient et menaçaient de disparaître dans la mousse. Il fallut ponter le chemin un bon bout et enfin avec l'aide de la moitié de la colonie on finit par rendre moulin et engin sur place. Ce moulin, par la suite, scia le bois qui servit à bâtir la grande majorité des maisons des colons. Avec ce moulin, M. Foucher allait s'enrichir, pensait-il, jusqu'au matin où il décida de faire sa collection. Il marcha toute la journée, il vit presque tous ses débiteurs. Tout ce qu'il avait collecté était là devant lui sur sa table – 50c. M. Foucher ne se découragea pas; si les gens ne le payaient pas cette année, ils le paieraient l'an prochain. Et tourne la scie, les colons ont besoin de bois pour bâtir. Quand la courroie cassera, il la réparera avec de la «twine», si les boulons manquent, on y mettra de la broche à foin. Pendant ce temps-là, les maisons se bâtissaient, les colons sortaient tour à tour de dessous leurs tentes pour entrer dans une demeure confortable. Ce qu'on pourrait en écrire sur ce moulin et les «Blé d'Inde» et les «Morsac» ne lui furent pas ménagés. C'est à ce moulin qu'on fera scier le bois qui servira à la construction de la première église et du presbytère.»

(tiré de Zenon Park 1910-1983, Hier, Aujourd'hui, Zenon Park History Book Committee, Humboldt, pp. 283-284)

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