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À l'école en «cabouze»
La question de l'instruction publique en Saskatchewan se posait d'une façon fondamentalement différente que dans les autres provinces: à part le fait que la rapidité du peuplement nécessita la mise sur pied de plusieurs milliers de districts scolaires en quelques années à peine et que la rareté des enseignants bien formés ralentissait considérablement les progrès, l'éparpillement de la population et les rigueurs du climat n'étaient pas sans rendre plus ardus et même dangereux les déplacements quotidiens des élèves. Durant les premières années de la colonisation, on fréquentait donc l'école depuis la fonte des neiges au printemps jusqu'aux grands froids de novembre, avec quelques semaines de congé ici et là, surtout au temps des semailles et des moissons.
Avec 100 ou 110 jours de classe par année, les progrès des élèves étaient par trop lents. En faisant jouer le système d'octrois aux écoles, le gouvernement provincial amena petit à petit les arrondissements scolaires à se conformer au même calendrier, c'est-à-dire à ouvrir l'école au moins 200 jours par année et à accorder de grandes vacances en juillet et août. Les classes se poursuivaient donc tout l'hiver et il fallait assurer le transport des élèves même par temps très froid ou lorsque les chemins étaient bloqués par la neige pendant de longs mois. C'est face à de telles conditions que l'ingéniosité des agriculteurs se manifestait de la façon la plus brillante.
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Les Courteau, de Zénon Parc se rendaient à l'école en "cabouze"; un poêle à bois, dont on distingue la cheminée, servait à réchauffer les passagers (Archives de la Saskatchewan) 19.4 Kb |
On se mit à construire des «cabouzes». Sur
les patins légers d'un cutter ou plus substantiels d'une
sleigh, on montait une cabine de bois munie d'une portière
et percée à l'avant d'une petite fenêtre et de deux
trous pour y laisser passer les rênes du cheval. Lorsque quelques-uns
des passagers réguliers étaient des tout-petits, plus sensibles
au froid, il était courant d'installer une chaufferette au charbon
ou un petit poêle à bois en tôle, raccordé à
une cheminée.
Au départ, le matin, on prenait soin d'apporter une botte de foin
et une mesure d'avoine pour le cheval. Par temps sibérien, on amenait
aussi une «couvarte de joual», à moins qu'il y ait une
écurie à l'école ou qu'un bosquet tout près
permette à l'animal d'y chercher refuge par grand vent. Plusieurs
pionniers affirment que leur cheval était si bien dressé
qu'il retournait seul à la ferme après qu'on l'ait dételé
et qu'il s'en revenait à l'école au milieu de l'après-midi,
toujours sans personne pour tenir les rênes. D'autres soutiennent
au contraire que c'est une pure légende et que dans de pareilles
conditions, leur cheval se serait égaré ou serait parti
à l'aventure. Quoi qu'il en soit, les «cabouzes»
ont été utilisées dans plusieurs coins de la province
jusque vers le milieu des années 1960, surtout dans le parkland
et les régions où l'épaisseur de la neige et le manque
de machinerie lourde interdisaient le déneigement régulier
des routes et le passage des autobus scolaires.
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