| ||||||||||||
| ||||||||||||
Homestead au sud, homestead au nordLe courant général de peuplement et de colonisation en Saskatchewan s'est déplacé, en gros, du sud-est au nord-ouest sur une période relativement longue, soit entre 1882 et 1935. Bien sûr, il y a quelquefois eu des avancées soudaines – le long du tracé des chemins de fer, par exemple – et des retards qui ne s'expliquent que par la conjonction de plusieurs facteurs: sols pauvres, précipitations insuffisantes, draînage trop lent, absence de chemin de fer. Le simple bon sens nous amène à penser que les colons du sud ont eu la tâche plus facile que ceux du nord; ils n'avaient pas à abattre les arbres et arracher les souches avant de plonger le soc de la charrue dans le sol pour la première fois. Il serait tout aussi sensé de supposer que les nouveaux arrivants du début du siècle avaient la tâche moins facile que les colons arrivés plus tard, car leur machinerie était beaucoup plus primitive. Mais ce sont souvent les choses en apparence les plus évidentes qui méritent d'être examinées de plus près. Comme il est aujourd'hui impossible de poser directement la question aux pionniers, il faut imaginer un moyen commode de déterminer les niveaux relatifs de difficulté d'établissement sur un homestead. On pourrait par exemple comparer le temps nécessaire pour obtenir les lettres patentes d'un homestead dans différentes régions de la province, conjecturant que plus le temps est court, moins le colon a eu de peine à mettre sa terre en valeur. On pourrait aussi comparer le nombre d'acres cassés et ensemencés au moment de l'obtention des lettres patentes; plus le total est élevé, supposera-t-on, moins la tâche était pénible. Quatre villages de langue française, Bellegarde et Ponteix au sud, Saint-Brieux et Debden au nord, constituent un échantillon intéressant. Bellegarde a été colonisé entre 1899 et 1904 (les dates sont approximatives), Ponteix entre 1906 et 1912, à peu près au même moment que Saint-Brieux, et Debden entre 1915 et 1925. Au Service du Cadastre provincial, nous avons relevé au hasard les noms de six détenteurs de homesteads dans chacun des villages.
* en acres ** les lettres patentes étaient accordées à ceux qui avaient cassé moins de 10 acres par année s'ils se livraient à l'élevage Un tableau récapitulatif en ordre chronologique (de bas en haut) et géographique (du sud au nord) facilitera les comparaisons.
Lorsque l'on compare les données des trois colonnes, une conclusion s'impose d'emblée: il était beaucoup plus facile de mettre un homestead en valeur au sud qu'au nord. À Bellegarde et à Ponteix, les lettres patentes ont en moyenne été accordées quatre ans après l'entrée, tandis qu'à Saint-Brieux et à Debden, le délai a dépassé cinq ans et demi. Les comparaisons entre les superficies cassées et ensemencées aux différents endroits sont encore plus significatives. Alors qu'au sud on avait cassé en moyenne 70 acres et ensemencé 57 acres, on en avait cassé à peine 21 et ensemencé moins de 20 au nord, soit à peu près le tiers! Il semble également que, du moins au sud, l'époque à laquelle les colons se sont installés ait constitué un facteur marquant. La différence est négligeable au niveau du temps requis pour obtenir les lettres patentes – à peine un mois – mais elle est considérable au niveau du travail accompli dans le même laps de temps. À Ponteix, pourtant colonisé moins d'une décennie après Bellegarde, on a réussi à casser et à ensemencer des superficies à peu près deux fois plus grandes. Faut-il imputer cette différence à l'utilisation d'équipement et de machines plus perfectionnés, ou au fait que le terrain était plus plat et la terre plus tendre à Ponteix, ou encore aux deux à la fois? Au nord, l'époque n'a eu qu'une influence marginale. À Saint-Brieux, par exemple, il a fallu en moyenne quatre mois de plus qu'à Debden pour obtenir les lettres patentes, la colonisation y ayant commencé une décennie plus tôt. Et probablement parce que la forêt était moins dense à Saint-Brieux, on a réussi à y casser et ensemencer plus de terre qu'à Debden avant l'obtention des lettres patentes, malgré le fait qu'à l'époque où ce dernier village a été établi, il ait été possible de faire appel à de l'équipement lourd pour le déboisement et l'essouchement. En bref, on peut dire que la tâche de s'installer comme agriculteur en Saskatchewan a été remarquablement plus facile au sud qu'au nord. De plus, ceux qui sont venus vers la fin de la première décennie dans les plaines du sud ont eu la tâche deux fois plus facile (à moins que la perspective de profits ait été deux fois plus attrayante!) que les tout premiers arrivants au début du siècle. Au nord, l'époque à laquelle les colons se sont établis n'a fait à peu près aucune différence. |