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Quadrilles, cartes et catalognesLes familles installées sur des homesteads en Saskatchewan devaient trimer d'une étoile à l'autre, des semailles aux récoltes. C'est pourquoi ils appréciaient la simple joie de se retrouver entre parents et amis, surtout à la morte saison, alors que les tâches pressaient moins, mais quelquefois aussi à la belle saison, comme le racontent des pionniers de langue française de notre province. Il faut tout d'abord dire que les visites et les rencontres étaient moins fréquentes qu'elles le sont aujourd'hui. «Le monde était arrivé nouvellement et ils s'occupaient de s'installer, de travailler pour eux-mêmes. Ensuite, ceux qui avaient des jeunes enfants, bien... on ne peut pas sortir quand on n'est pas bien installé. Le monde était pas équipé pour sortir... des traîneaux puis des chevaux... par des gros froids. Parce qu'on a eu des hivers qui étaient plus froids qu'ils le sont maintenant. Les voisins étaient pas mal éloignés... puis il n'y avait pas de chemins... il fallait battre un chemin à chaque fois qu'on sortait. Ça n'était pas si facile que ça!» Les amusements étaient de toute évidence beaucoup plus simples qu'ils le sont de nos jours. «On lisait beaucoup, on jouait aux cartes, et puis il y avait des danses.» Plusieurs personnes interviewées indiquent que les immigrants de France ne se récréaient pas tout à fait de la même manière que les Canadiens français. «C'était plutôt le dimanche soir; ils allaient veiller chez l'un et l'autre. Les hommes jouaient aux cartes, les femmes parlaient ensemble. Mais pas de grandes veillées. Ça n'était pas l'habitude chez nous; ça n'était pas l'habitude des Français.» Il est néanmoins certain que ces différences se sont atténuées avec les années et à mesure que les deux groupes apprenaient à mieux se connaître. On peut dire que les parties de cartes et la danse occupaient la plus grande partie des soirées. «Il y avait des parties de cartes chez les voisins. On jouait aux cartes jusqu'à minuit, ensuite il y avait un lunch, ensuite ça dansait...» Et pas question de faire appel à des musiciens ou à un orchestre! «La seule musique qu'on avait, c'était des gens qui avaient des talents. Mon père avait appris ça par oreille... il jouait du violon. Il y en avait d'autres dans la parenté qui jouaient de la musique à bouche. Ils dansaient... des danses carrées.» La danse n'était toutefois permise que dans certaines circonstances. «Ici, rien que parler de la danse, le curé nous aurait bien tous excommuniés!» On faisait néanmoins exception pour les noces. «La danse était bien défendue du moment que j'ai été grande fille, moi. Ah! les curés! Et on avait des parents qui étaient assez sévères. C'était la mode dans le temps. C'était défendu, bien défendu. Après ça, ils ont permis la danse pour les noces. Quand on s'est marié, on n'a pas été en voyage du tout. On a été dans la parenté et puis chacun nous faisait une veillée, ça fait que les noces avaient duré longtemps. Je pense qu'on a dû avoir dix ou douze veillées. Après ça, Monsieur le curé, il a fait un sermon et puis il est venu trouver chez nous... les noces, il appelait ça des noces éternelles! Ça s'est arrêté là!» Malgré l'interdiction, ou encore avec la bienveillante complicité d'un curé plus... moderne, les habitants d'un district se réunissaient régulièrement à l'école. Ils faisaient une bonne attisée dans le gros poêle, le Waterbury, ils poussaient les pupitres dans un coin, et «swigne la bacaisse!» «En hiver, nous avions des danses à l'école à toutes les trois semaines. Les gars venaient et jouaient pour rien du tout. Les femmes apportaient le goûter. Ils collectaient des célibataires; c'était rien du tout, 25 sous. je vous garantis que la salle était pleine, tempête ou pas tempête... la danse commençait à 8 heures.» Vers minuit ou une heure du matin, on s'arrêtait un moment pour une collation. «On s'apportait quelque chose pour manger. On avait un lunch, on faisait du café.» Ensuite, puisqu'il n'aurait pas été prudent de s'aventurer sur les chemins, on se remettait à danser. «Il y en avait, vous savez, qui venaient de 10, 12, 15 milles. Et puis, il fallait qu'ils attendent le jour pour s'en retourner. Quand il y avait de la neige et qu'il ne faisait pas bien beau, on n'était pas pour laisser ces gens-là, tout seuls là... ça continuait à danser.» «Il fallait rester jusqu'à sept heures, sept heures et demie du matin, parce qu'il n'y avait pas de chemins, il fallait venir à travers. Pour vous en retourner chez vous, vous attendiez jusqu'à ce qu'il fasse clair.» Il semble aussi que, du moins au début, les abus d'alcool étaient relativement rares. «Un petit peu de boisson... pas trop, parce que les magasins des liqueurs étaient loin. Dans le temps de la Dépression, quand l'argent était tellement rare, ils allaient ramasser des cerises... du vin de cerises. Il y en avait quelques-uns qui ont fait de la bière. Dans le temps, je crois bien qu'ils ne pensaient pas à ça. La boisson était pas chère et puis ils en achetaient pas beaucoup. Pourvu qu'ils en avaient alentour des Fêtes, je crois bien... Un gros flacon de gin, c'était 90 cents dans ce temps-là...» Les dimanches d'été étaient souvent l'occasion de pique-niques et de fêtes champêtres. «Nous allions à la messe à 16 milles au nord-est de chez nous, et à quatre milles au sud, il y a des coulées avec des trembles. On s'arrangeait d'aller à la messe et puis de revenir et de passer l'après-midi, une douzaine de familles ensemble et puis s'amuser l'après-midi...» Les dames se réunissent souvent chez l'une ou chez l'autre pour travailler ensemble à une couverture piquée ou à une «catalogne» que l'on fera tirer à la prochaine tombola pour les bonnes oeuvres de la paroisse. La prospérité, l'amélioration des routes et la popularité de l'automobile ont considérablement modifié les modes d'amusement dans les régions rurales dès le milieu des années 1920. On se réunissait de plus en plus dans les gros villages pour des célébrations de plus grande envergure. Pourtant, avec la crise économique et la sécheresse des années 1930, on en revint pour un temps aux rencontres plus modestes entre voisins. De nos jours, l'évolution de la machinerie et des techniques agricoles, de même que l'extension des réseaux de télévision et le perfectionnement des appareils vidéo, et dans une moindre mesure, le réseau routier toutes saisons, permettent à la population rurale de se joindre à la «civilisation des loisirs». Les pionniers de la province les auraient sans doute enviés. (assemblé à partir d'entrevues enregistrées, projet «Francophones», collection des Archives provinciales; citations en ordre consécutif de Mme Pierre Campagne (Willow-Bunch), Mme Émile Gaucher (Coderre), Mme Campagne, Mme Arcade Bourgeois (Gravelbourg), Mme Alex Roberge (Ferland), M. Noël Dudragne (Ponteix et Val-Marie), Mme Roberge, M. Dudragne, Mme Gaucher, M. Dudragne, Mme Gaucher, Mme Roberge, M. Dudragne) |