Avant que le gouvernement canadien ne puisse procéder à la construction de chemins de fer et développer les Prairies, il lui fallait trouver une façon de traiter avec les peuples qui y habitaient. Diverses tribus vivaient dans le Nord-Ouest et y chassaient le bison. Il y avait les Cris, les Ojibwés, les Assiniboines, les Chippewas et les Pieds-Noirs. Dès 1870, leur mode de vie traditionnel était déjà remis en question en raison des empiétements des Blancs et de lutilisation du fusil de chasse dont lefficacité allait provoquer la disparition des troupeaux de bisons.
Certains leaders autochtones, comme Poundmaker et Big Bear, prirent conscience du fait que leur principale source dalimentation était en voie de disparaître et se montrèrent disposer à négocier avec le gouvernement canadien. Ils firent valoir pourtant que ladaptation à un nouveau style de vie exigeait bien plus quune réserve et de petites contributions financières. Pour créer une société agricole, il leur fallait des animaux domestiques, des chariots, des chevaux, des outils et des fournitures. Le Commissaire responsable des traités leur promit toutes ces choses mais ne livra jamais la marchandise. À plusieurs reprises, les chefs autochtones tentèrent damener le gouvernement à honorer les traités quil avait signés. Dès 1879, il ny avait plus de bisons au Canada. Les peuples autochtones étaient au bord de la famine. Le gouvernement sengagea à donner des rations uniquement à ceux qui étaient liés par des traités et se refusa à toute concession additionnelle. Les peuples autochtones avaient essayé détablir leurs réserves les unes à côté des autres afin de créer un Territoire Indien. Le gouvernement canadien les obligea à se disperser en petites bandes et les repoussa vers le nord, loin des terres plus fertiles et des chemins de fer. Après la rébellion du Nord-Ouest, en 1885, le gouvernement emprisonna des leaders autochtones, quil accusa davoir soutenu Louis Riel. Les preuves étaient pourtant bien minces. En réalité, les vieux chefs avaient recommandé aux autochtones de ne pas recourir à la violence, sachant quils navaient aucune chance de remporter la victoire dans une guerre.
Au cours des années 1880, privés de leurs chefs et de leur source dalimentation traditionnelle, leurs fusils et leurs chevaux confisqués, les peuples autochtones tentèrent de cultiver la terre. Ceci était apparemment conforme à la politique du gouvernement. Mais cette politique avait un caractère très particulier puisquelle reposait sur le principe que les peuples autochtones devaient dabord sinitier à un mode dagriculture primitif avant de passer dune existence soi-disant «sauvage» à une existence «civilisée». On les confinait ainsi à une agriculture de subsistance sur de petites terres quils devaient exploiter avec des outils primitifs. Les machines agricoles telles que les semeuses et les lieuses ne pouvaient être utilisées sur les réserves.
Cette politique était inspirée par le souci de protéger les nouveaux pionniers blancs qui détenaient le pouvoir économique et politique dans la région. Ceux-ci ne voulaient pas être soumis à la concurrence des autochtones, surtout pendant les années 1880 qui, pour tous, furent des années frugales. De plus, en confinant les peuples autochtones à de petites parcelles de terre, on se trouvait à détruire le système tribal et à libérer des terres que lon pouvait mettre à la disposition de nouveaux pionniers européens.
Comme les cultivateurs autochtones devaient effectuer tous les travaux manuellement, sans aide communautaire, et que lété était très court, ils perdaient souvent la moitié de leurs récoltes. Sils parvenaient à produire plus quil fallait pour subvenir à leurs besoins, on limitait leur accès aux marchés. Comment sétonner quils finirent par abandonner ce mode de vie? Le gouvernement conclut alors que les peuples autochtones ne pouvaient sadapter à un mode de vie agricole.
LA SIGNATURE DES SEPT TRAITÉS
Entre 1871 et 1877, le gouvernement canadien et diverses tribus autochtones du Nord-Ouest signèrent sept traités en vertu desquels les plaines de lOuest furent cédées au gouvernement du Canada (La Proclamation royale de 1763 stipulait que les pionniers ne pouvaient occuper des terres qui navaient pas été officiellement cédées à la Couronne par les Indiens). Voici les traités:
Traité no. 1 - signé le 3 août 1871 par les Swampy Cris et les Chippewas
Traité no. 2 - signé le 21 août 1871 par les Chippewas
Traité no. 3 - signé en 1873 par les Ojibwés (ou les Saulteaux) et les Chippewas
Traité no.4 - signé le 15 septembre 1874 par les Cris, les Ojibwés (ou les Saulteaux), et dautres. (Le chef Piapot affirma que le texte écrit ne reflétait pas les engagements verbaux pris au cours des négociations).
Traité no.5 - signé entre les 20 et 24 septembre 1875 par les Ojibwés (Saulteaux), les Swampy Cris et dautres.
Traité no. 6 - signé (en diverses étapes) entre 1876 et 1899 par les autochtones des plaines et les Wood Cris. (Voir les pages sur Poundmaker et Big Bear pour connaître les motifs de leur opposition à ces traités).
Traité no. 7 - signé le 22 septembre 1877 par les Pieds-Noirs et les Indiens Gens-du-Sang, Piegan, Sarcey et Stoney.

En vertu des premiers traités, les peuples autochtones renoncèrent à leurs territoires en échange de réserves où chaque famille de cinq personnes avait droit à une terre de 65 hectares, une petite subvention annuelle et des rations alimentaires. Lors des négociations des autres traités, les autochtones exigèrent des animaux domestiques et des machines agricoles, autant de choses quils jugeaient nécessaires pour subsister après avoir abandonné leur vie nomade. Le gouvernement accepta cette requête et confia à des agents gouvernementaux la tâche dinitier les autochtones à lagriculture. Les modalités de cette politique eurent cependant pour conséquence de rendre les fermes autochtones non-rentables.
La loi sur les Indiens de 1876 portait sur ladministration des traités et lensemble des questions autochtones. On créa un ministère des Affaires Indiennes; le premier commissaire aux Affaires Indiennes fut Edgar Dewdney. Cest son successeur, Hayter Reed, qui, au cours des années 1880, mit au point une politique visant à confiner les autochtones à une agriculture de subsistance.
Les autochtones des réserves nétaient pas considérés comme des citoyens à part entière et navaient pas le droit de voter. Dans lesprit du gouvernement, ils devaient finir par abandonner les réserves pour se «canadianiser». Les enfants autochtones furent retirés de leurs familles et placés dans des pensionnats où on leur enseigna langlais ou le français et la Bible.

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