Parcours désordonné Propos d'artistes sur la collection

1 texte 3 tableaux

Un très court texte me vient de la mémoire du coeur...

En 237 mots, il me semble avoir fait le tour de la question :

.........la recherche ...............le recensement .........
...... le classement .................. l'ordre du monde et sa
réorganisation ..................... la pensée structurée .........
...... l'objet devenu inutile ..................le plaisir ..................
... le précieux .................... le rituel ...... ............
............ l'imaginaire poétique ..................
...... l'amour... ..................

Voilà qui résume ce que cette quête
m'a permis d'apercevoir de la collection...

Plus qu'un phénomène, un mode de pensée !

Par les trois exercices qui suivent,
je manifeste mon plaisir de la collection.

Cette absurde décortication, cette poésie de la nomenclature me sert à peindre l'image d'un monde sensé construit de petites et de grandes pensées qui se côtoient, et plus encore, l'image d'une vie réduite à une somme de brefs et dérisoires moments vécus.

Ainsi, le répertoire de ces mots n'a de sens
que si j'y mets moi-même un certain ordre... mon ordre.

Deux cent trente-sept mots

Lorsque j'étais enfant, je m'asseyais sur les genoux de mon grand-père et j'observais, durant de longues heures, ses multiples collections : des cahiers entiers d'objets devenus inutiles, de billets d'autobus, de cartons d'allumettes, de cartes postales, d'articles de journaux, de timbres-poste... Il collectionnait tout, il classait le monde. Ainsi, me semblait-il, l'univers lui appartenait.

Je l'imaginais, attablé sous les tubes fluorescents, prenant un plaisir fou à aligner sans fin et à coller méticuleusement ses trésors. Je le sentais heureux.

Alors, devant mes yeux d'enfant émerveillée, défilait le monde entier divisé en milliers de petites pièces de puzzle. Ses innombrables cahiers jaunis m'étourdissaient, il me semblait être au milieu de toutes choses. Une telle paix, un tel silence se dégageaient de cet ordre... une grâce, un surnaturel, un répit, un point final.

Aujourd'hui, je sais que grand-père se repliait dans ce rituel qui jamais ne m'est apparu comme une activité banale. Recensant, rassemblant et ordonnant ses incalculables petites merveilles, il découpait et réorganisait le monde, structurant ainsi sa pensée. Les morceaux du gigantesque casse-tête de ses collections s'imbriquaient et construisaient son imaginaire poétique. Grand-père était un artiste.

Ainsi, ai-je compris que sa poésie était issue de son âme et qu'elle inspirait ses gestes routiniers de recherche et de classement. Tout de suite, j'ai su que l'ennui ne me gagnerait jamais.

[GD]

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