Albert Henry George Grey

Graveur : Walton, C. W.

Médium : lithographie

Dimensions : 34 x 25,7 cm

Archives nationales du Canada, n° de négatif C-044335

Au début des années 1890, le sort semble s'acharner sur Terre-Neuve. D'abord, il y a l'incendie de St. John's en 1892, puis une très mauvaise saison de pêche, en 1893, et enfin la faillite d'une banque en 1894. Les insulaires acceptèrent volontiers l'aide du Canada; certains voient même tout à coup d'un bon oeil une association avec ce pays. En 1895, une délégation terre-neuvienne se rend à Ottawa afin de prendre connaissance des offres canadiennes.

L'économie de l'île se redresse en 1896, ce qui a pour effet d'atténuer la force des arguments avancés par les défenseurs de la thèse fédéraliste. En 1902, c'est Terre-Neuve qui tient les bonnes cartes, car son premier ministre, Robert Bond, qui avait fait partie de la délégation envoyée à Ottawa en 1895, avait réussi à négocier des privilèges économiques exceptionnels avec les États-Unis, dans ce qui allait devenir le traité Bond-Hay.

A l'accession de Grey au poste de gouverneur général, en 1904, on disait qu'il avait des idées et qu'il cherchait l'action et, au besoin, la provoquait. Grey convient que Robert Bond est le meilleur homme politique de Terre-Neuve, même s'il juge que celui-ci souffre de tares intellectuelles comme d'autres membres de sa famille. Le refus du sénat américain d'entériner le traité Bond-Hay, en 1896, est, pour Bond, le premier d'une série de revers. Le moral des partisans de l'union culmine pendant les mois qui séparent les élections de 1908 et 1909 à Terre-Neuve. En mars 1908, Morris devient chef de l'opposition. Les papiers de Grey relatent en détail le travail dans l'ombre auquel il s'était livré avec le juge en chef du Canada, Fitzpatrick, et un certain Harry J. Crowe. Ce dernier aurait contribué à convaincre lord Northcliffe d'installer une usine de pâtes et papiers à Terre-Neuve; en outre, il se vantait d'avoir la faveur de Bond.

Pendant la campagne électorale de 1909, l'habitude de Crowe de faire confiance à trop de gens entraîne la publication d'une série de lettres qui ont pour les troupes de Bond l'effet d'une bombe, car elles prouvent hors de tout doute que leur chef bénéficie de l'appui des Canadiens. La veille même de l'élection, le ministre des Finances du cabinet Bond, Edward M. Jackman, divulgue les noms des personnalités qui ont garanti à Bond l'appui de Morris si lui même accepte de se ranger sous la bannière de l'union; y figurent ceux de Grey et du gouvernement MacGregor. Le jour du vote, à l'issue de l'une des plus implacables campagnes électorales de l'histoire de Terre-Neuve, de grandes affiches colorées, installées par l'Evening Telegram de St. John's, annoncent la victoire de Morris qui remporte 26 sièges; Bond en conserve 10. Grey ne renonce pas pour autant à garder Terre-Neuve hors des griffes des capitalistes américains.

En 1911, Harry Crowe annonça au nouveau premier ministre du Canada, Robert Borden, qu'il pouvait s'attendre à acceuillir Terre-Neuve dans la Confédération avant la fin de son premier mandat. En fait, cette prédiction ne s'est pas réalisée que de nombreuses années plus tard, après la disparition de Borden et d'autres grands noms qui participèrent à cette lutte avant la Première Guerre mondiale.