Titre : Édouard G. Deville, inspecteur général des terres de la Couronne

Lieu : Ottawa (Ontario)

Date : mars 1914

Photographe : Topley, William James (1845-1930)

Archives nationales du Canada, n° de négatif PA-042833

Longtemps, la cartographie des cordillères de l'Ouest canadien a présenté un formidable et merveilleux défi pour les explorateurs et les cartographes. Il s'agit d'une région éloignée des bases coloniales de l'Est et d'accès difficile tant de l'intérieur que de la mer. Le relief est puissant, tout orienté nord-sud, escarpé, et les conditions climatiques y sont souvent très dures. On s'aperçoit assez rapidement que le levé et l'arpentage systématique des hautes montagnes présentent d'énormes problèmes. Pour lever des plans à l'aide de la planchette, méthode traditionnelle de l'époque, il faut des conditions climatiques stables pour faire des visées justes; il faut aussi faire une longue série de relevés et d'observations. La mémoire doit souvent suppléer aux notes prises sur le terrain. En montagnes, comme le déplaçement des équipes est difficile et que le temps est souvent mauvais, le travail avance à pas de tortue. Et la mémoire n'est plus d'un grand secours, quand on est confronté à l'infinie variété des montagnes. Les arpenteurs se rendent compte qu'il ont besoin d'une nouvelle méthode.

Le Canada a la chance en 1885 d'avoir pour arpenteur général Édouard Gaston Deville. Né en France en 1849, il émigre au Canada en 1875 après une carrière d'arpenteur et d'hydrographe dans l'armée et la marine françaises. D'abord inspecteur des levés du Québec, Deville devient inspecteur du système d'arpentage des terres fédérales en 1881 et arpenteur général en 1885.

Très tôt, Deville s'intérèsse aux possibilités de la photographie pour les levés et devient rapidement un grand spécialiste de la géométrie descriptive se rattachant à la photographie. Il construit un appareil-photo adapté aux conditions canadiennes, robuste, capable de supporter les longs trajets sur les pires chemins et ne demandant que peu d'ajustements sur le terrain. La phototopographie au sol est assez simple. Il faut un appareil spécialement conçu que l'on asseoit parfaitement à l'horizontale. On prend des photos de place en place selon des angles précis prédéterminés. Chacune des photos recoupe un peu la précédente. L'élévation aux points d'intersection est mesurée sur les photos; à ces renseignements s'ajoutent ceux que l'on connaît déjà sur la position et l'élévation de chaque station photographique, et le canevas géodésique. Une quantité suffisante de photos et de points d'intersection, et leur élévation, permettent de dessiner les courbes de niveau, ces lignes qui unissent les points de même élévation et qui donnent le détail topographique.

La phototopographie s'impose vite car elle permet de contrer les principaux obstacles aux levés en hautes montagnes : la brièveté de la belle saison, la force des vents et les ennuagements fréquents qui réduisent le temps disponible pour les levés. Les arpenteurs peuvent photographier d'assez vastes régions en relativement peu de temps, le travail de restitution et la préparation des cartes se faisant plus tard au bureau à Ottawa.