Titre : Famille autochtone à l'Île-du-Prince-Édouard

Date : v. 1903

Photographe inconnu

Archives nationales du Canada, n° de négatif PA-024868

Composée essentiellement d'hommes riches, l'Aborigines Protection Society est fondée en Angleterre, en 1838. Sa mission est de se tenir au courant de l'évolution des collectivités aborigènes et d'améliorer leur situation dans la mesure du possible. Son travail se rapporte en grande partie aux populations autochtones des États-Unis, mais, à l'occasion, l'organisation tente de venir en aide aux Amérindiens du Canada. C'est ainsi qu'en 1870, elle contribue à l'établissement d'une réserve sur l'Île-du Prince-Édouard à un moment où les Micmacs de la colonie risquent d'être décimés.

La plupart des réserves indiennes ont été établies par les autorités gouvernementales au moyen de traités conclus aves les Autochtones et non par l'achat de terre par une organisation de bienfaisance. En 1767, l'île au complet est divisée en 66 grands lots que les autorités britanniques vont donner à un groupe de propriétaires. Le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard ne disposait donc d'aucune terre pour négocier la création d'une réserve avec les Micmacs. Durant tout le XIXe siècle, la population micmaque n'a probablement jamais dépassé 300 individus. On estimait tout simplement que leur situation ne constituait pas un problème assez important pour retenir l'attention du gouvernement colonial.

Au début des années 1800, certains membres de la tribu s'installent à l'île Lennox, du moins de façon saisonnière. Celle-ci, qui appartient en réalité à sir James Montgomery de Londres, est vendue en 1839 à David Stewart. Les familles micmaques commencent donc à exercer des pressions sur le gouvernement colonial pour qu'il achète une réserve à leur intention. Ce dernier refuse de payer.

En 1862, Theophilus Stewart sollicite l'aide de l'Aborigines Protection Society pour la population autochtone de l'Île-du-Prince-Édouard. Dès 1870, la société avait acheté l'île Lennox et l'avait mise de côté pour les Micmacs. En 1873, l'Île-du-Prince-Édouard entre dans la Confédération, et la responsabilité de veiller aux intérêts de la population autochtone est confiée aux autorités fédérales d'Ottawa.

Le rapport annuel de 1875 du ministère des Affaires indiennes contient un document rédigé par Stewart, où celui-ci se dit optimiste quant à l'amélioration de la situation générale des Amérindiens de l'île. En 1911, J.D. McLean, secrétaire et sous-ministre adjoint des Affaires indiennes, communique avec l'Anti-Slavery and Aborigines Protection Society (société née de l'union entre l'Aborigines Protection Society et la British and Foreign Anti-Slavery Society en 1909) pour lui demander de transférer à l'État le titre de propriété de l'île Lennox : le ministère des Affaires indiennes a enfin décidé que l'île en question devrait être une réserve analogue à celles qu'il administre déjà. D'après la lettre de Francis Buxton, secrétaire de la société, à McLean, il semble que l'organisation se soit peu intéressée aux Amérindiens de l'Île-du-Prince-Édouard après l'achat de l'île Lennox.

Le transfert officiel de l'île Lennox à l'État éveille l'attention d'au moins un des derniers membres. Horne Payne se montre inflexible : il veut absolument que les trois derniers membres vivants désignent de nouveaux membres avant d'entamer des négotiations avec le ministère des Affaires indiennes. Francis Fox a l'impression que l'Anti-Slavery and Aborigines Protection Society possède l'Île-du-Prince-Édouard dans sa totalité! La réserve indienne de l'île Lennox est cédée à l'État le 12 juin 1912.

Quoique l'achat des terres nécessaires à l'établissement d'une réserve ait constitué en soi un acte de charité, voire une aide très utile, la société n'avait probablement qu'un intérêt passager pour les Amérindiens eux-mêmes. Néanmoins, comme l'île Lennox a été achetée à l'intention des Autochtones qui y habitaient en 1870, il est probable que l'existence même de la réserve a consolidé la position des Micmacs auprès du ministère des Affaires indiennes, lorsque le fédéral a assumé la responsabilité des Affaires indiennes en 1873.