«Les raisins verts sont carrés, mais noyés dans une matière des plus opulente… la facture large et généreuse qui cerne l'objet et l'enveloppe retient l'œil autant que l'objet lui-même. Borduas cherche à s'évader du réel avec lequel il prend des libertés pour s'attacher à la qualité formelle de la peinture», voilà avec quelle passion et quelle émotion s'exprimait Wilfrid Corbeil au sujet de cette nature morte de Borduas.

Probablement acquise lors de sa présentation à la Galerie Dominion, à Montréal, du 2 au 13 octobre 1943, cette nature morte ne figure pas parmi les quatre toiles exposées à L'Exposition des maîtres de la peinture moderne au parloir du Séminaire de Joliette, du 11 au 14 janvier 1942, et à laquelle participe Paul-Émile Borduas. Contrairement aux quatre oeuvres exposées qui apparaissent résolument abstraites, l'oeuvre acquise et montrée ici est pourvue d'une facture moderne dont le sujet reste cependant figuratif. Ainsi le traitement géométrique des fruits, l'utilisation de la spatule, l'insistance sur l'ombre qui cerne les formes colorées, la surface de la table rabattue dans le plan du tableau et la recherche des effets de transparence et de volume montrent l'influence de Cézanne et du mouvement cubiste dans l'œuvre de Borduas. Le sujet s'impose de façon monumentale. La composition explore l'intégration du fond et des formes, ce qui est un des principaux enjeux de la peinture non figurative.

Borduas enseigne à l'École du Meuble, à Montréal, de 1937 à 1948. C'est à cette époque qu'il réunit autour de lui les jeunes artistes qui donneront naissance au mouvement automatiste.

L e sujet annonce l'esprit des réalisations du Retable, groupe d'artistes intéressés au renouveau de l'art sacré au Québec. Raymond y participe dès 1946, auprès du Père Corbeil.

Les figures stylisées de la Vierge et de Jésus sont traitées dans des tonalités de couleurs qui accentuent la douceur de la scène. Le tableau est placé dans un encadrement exécuté par l'artiste. Le cadre continue la composition religieuse par des figures d'anges dessinées tout en ramenant le regard du spectateur vers la surface de la toile.

L'artiste a étudié à l'École des beaux-arts de Montréal et effectué un stage aux États-Unis. Au cours des années 1960, l'œuvre de Raymond évolue vers la non-figuration.

A nimateur culturel, fervent de théâtre et de musique, enseignant, collectionneur, peintre, architecte, restaurateur, la carrière religieuse de Wilfrid Corbeil est indissociable de sa passion pour l'art. En plus d'enseigner au Studio de dessin et de peinture, à partir de 1930, il organise des expositions des travaux d'élèves et, dès 1942, des expositions d'art contemporain. L'année suivante, il participe activement à la formation du premier comité d'acquisitions du Musée. En 1946, il fonde le Retable, regroupement d'artistes intéressés au renouveau de l'art sacré. Le développement de la collection du Musée est intimement lié à son œuvre et à ses passions.

Le Père Corbeil naît à Saint-Lin-des-Laurentides, le 20 mars 1893. Il est ordonné prêtre en 1918 et meurt en 1979, à l'âge de 86 ans.