La vie civique : Les services publics
Chemins de fer
Vers la moitié du XIXe siècle (1850-1861), et le début du XXe - entre 1880 et 1910, - nos gouvernements, répondant à d'incessantes réclamations, consacrèrent leur énergie à favoriser la construction de quelques réseaux ferroviaires, à travers le pays. Et ce n'était pas sans raison. Car, en 1861, le Canada malgré son étendue, n'avait que 1,876 milles de voies ferrées (Voir Turcotte ibid., page 440). Dans notre province, cette pénurie de chemins de fer fut longtemps le « cheval de bataille « de tous les politiciens, à la veille des élections.
Saint-Jacques, comme tant d'autres régions éloignées des grands centres, manquait de moyens de transport rapides et faciles. Pour écouler leurs produits à Montréal, nos cultivateurs devaient parcourir 12 lieues en voiture, ce qui les forçait à partir bien avant le lever du soleil, pour trouver une place au marché Bonsecours. Même si, le lendemain, ils étaient déjà au travail, dès quatre heures du matin, ces voyages vers le grand Montréal les incommodaient fort.
Dans le but d'améliorer une situation si désavantageuse, dès 1822, le Conseil municipal pressait le gouvernement de terminer sans retard la route Terrebonne - Saint-Jacques - Joliette, appelée chemin à barrières, et de construire deux lignes de voies ferrées. L'une serait un embranchement du chemin de fer de la « Rive Nord », et l'autre, plus à l'intérieur des terres, desservirait les Laurentides. Ainsi, nos populations progresseraient plus rapidement.
C'était au moment où le gouvernement se préparait à mettre à exécution le projet d'un chemin de fer reliant Québec à Ottawa. Toute la région du Nord « s'ébranlait ». Saint-Lin, avec le curé Proulx en tête (dont l'influence et la popularité étaient grandes à cette époque), de même que les paroisses de Saint-Esprit, de Saint-Jacques, de Joliette, et de Sainte-Élisabeth, s'unissaient pour députer à Ottawa une imposante délégation et réclamer le passage sur leurs territoires respectifs du chemin de fer Ottawa-Québec.
Les conseils municipaux intéressés offraient des subventions - Saint-Jacques, $10,000 - pourvu que la voie ferrée passât en deçà de dix arpents de l'église, soit donc dans les villages. Or, le député du comté avait, paraît-il, dit que « de son lit, il pourrait sauter dans le train ». Celui-ci passa donc près de chez lui, à trois ou même quatre milles des villages concernés.
Et, en 1899, le « Grand Nord » ou « chars-d'en-Haut » passant par la gare Dugas, reliait enfin Joliette à Saint-Jérôme, et cela jusque vers 1946.
Mécontents, plusieurs citoyens exploitèrent l'éloignement de la gare pour fins électorales. Wilfrid Laurier, chef du parti libéral, vint même à Saint-Jacques à cet effet, en 1897.
Les politiciens du temps escomptaient beaucoup l'avenir prometteur de Rawdon, de Saint-Donat et de tout le Nord. Pour favoriser l'essor de ces endroits de tourisme, il était urgent, disait-on, d'y construire une voie ferrée. Cependant, les gens du Nord durent attendre jusqu'en 1904, et encore cette voie se terminait-elle à Saint-Jacques.
Après la construction du chemin de fer Montréal-Québec, Sir Wilfrid Laurier, accompagné de sénateurs, de ministres et de députés, inaugurait le 25 octobre 1905, dans notre paroisse, cet embranchement du Châteauguay Nord qui reliait l'Épiphanie à Saint-Jacques.
![]() |
Napoléon Maréchal |
En 1910, la voie ferrée fut prolongée jusqu'à Rawdon, et fut bientôt la propriété du Canadien National.
Après 66 ans d'activités assez remarquables puisque des environs de 1920 jusqu'en 1940 (?), il y avait quatre trains quotidiens, la Compagnie cessa tout service à Saint-Jacques (1971, décembre), le camion remplaçant le chemin de fer un peu partout.
Voies et autres moyens de transport
Les routes - ou chemins du Roi - des environs de Saint-Jacques suivent, en gros, le tracé de 1769. Un chemin, cependant, fut délaissé vers 1875; celui qui, à travers le Bois franc, reliait Saint-Liguori à Saint-Jacques et aboutissait au village (au no 254, rue Saint-Jacques).
Nos routes furent autrefois condamnées par le grand-voyer Pierre-Louis Panet, de Montréal. Par verbalisation, il ordonnait de remplacer les anciens sentiers par des routes et indiquait qui aurait charge de leur entretien. Le chemin allant de Crabtree aux Continuations de Sainte-Marie-Salomé (rang du Petit Lac-Ouareau) fut ouvert en 1838. Nos routes couvrent un parcours de 22 milles ½ en campagne, et de 6 dans le village.
Depuis la première Grande Guerre, notre paroisse a été atteinte comme partout ailleurs, de la fièvre de la vitesse. Le chemin de fer ne suffisait plus à satisfaire tout le monde, car les besoins de transport se multipliaient. Les autobus firent leur apparition. De 1922 à 1925, Auguste Marion conduisait les voyageurs de Saint-Jacques à Montréal. Vers 1925, P.-A. Savignac de Joliette, exploita un service d'autobus entre Joliette et Montréal. En 1929, la Compagnie de Transport Provincial lui succédait. Il existe aussi un service entre Joliette et Saint-Jérôme depuis 1945 environ.
De 1939 à 1948, Armand Desrochers, natif de Saint-Jacques et demeurant à Crabtree, desservait par autobus Rawdon et Joliette en passant par Saint-Jacques. En 1948, M. Desrochers discontinuait ce service que la Compagnie de Transport Provincial engloba.
![]() |
Vers 1910, l'une des premières autos |
![]() |
Sortie de la messe, vers 1942 |
Bureau de poste
Avant la construction du chemin de fer, c'est-à-dire avant 1905, le courrier de Saint-Jacques (« la malle ») nous parvenait par l'Épiphanie et Sainte-Marie.
Le premier bureau de poste local date de 1875 environ. Le notaire M. Granger en avait la charge. Les maîtres de poste qui succédèrent furent : Zacharie Cloutier; Albert Dugas (1896-1897); J.-O.-Émile Forest (1897-1912); Denis Forest (1912-1927).
![]() |
Bureau de poste (non datée) |
Depuis 1927, les maîtres de poste furent : Mme Denis Forest (1927-1930); Mlle Évangéline Marion (1930-1935); Jos. Lévesque (1935-1953); J.-Albert Leblanc (1953-1969); J.-François Charbonneau (1969 - ).
Avant l'établissement de la malle rurale, des sous-bureaux de poste, établis chez Ulric Munn (aujourd'hui chez Jean-Paul Gaudet), et chez Johnny Gaudet (aujourd'hui chez Albert Lépine), distribuaient le courrier au gens du Haut-du-Ruisseau et du Ruisseau Saint-Georges.
Aqueduc
La première entreprise importante soumise au Conseil Municipal fut la construction d'un aqueduc. En décembre 1873, Pierre Blouin, N.P., Euclide Dugas, Georges et Isidore Beaudoin en conçoivent le plan. Deux semaines plus tard, Cléophas Dupuis s'offre à exécuter le projet et en détermine le parcours. L'aqueduc aura pour point de départ les premières montagnes de Rawdon, traversera le territoire de Sainte-Julienne et desservira le Haut-du-Ruisseau et le village de Saint-Jacques.
Ce plan de construction d'un aqueduc suscita de vives rivalités. Finalement, le Conseil décida d'accorder le contrat à l'entrepreneur qui offrirait les meilleures garanties. Le 5 janvier 1874, J.-E. Ecrément, Louis Piquette, Jos. Majeau, Euclide Dugas, Pierre Blouin forment la « Compagnie de l'aqueduc de Saint-Jacques », avec un capital de cinq mille dollars. Ce contrat leur assurerait l'exclusivité de l'exploitation pour une période de vingt ans, mais à condition que le service de l'eau commence dans les dix-huit mois.
L'entreprise s'annonçait bien, mais elle échoua; après quinze mois, les travaux n'étaient même pas commencés. Le contrat inexécuté fut accordé en vain à un autre compétiteur, James Payton, marchand de bois de Saint-Laurent. Cette même année, 1875, Saint-Jacques trouvait enfin l'homme qui réussirait à construire, à ses frais, notre système d'aqueduc. William Pope. Ce dernier en fera l'exploitation exclusive pendant 30 ans, de 1877 à 1907. Cette année-là, il vendra l'entreprise à William Lord, père. En 1917, celui-ci la laissait à ses deux fils, Alonzo et William qui la vendirent au Conseil municipal en 1956.
L'eau nous vient de quatre sources situées dans le 3e rang de Rawdon. Divisées en deux groupes, ces sources sont respectivement de 265 à 200 pieds au-dessus du niveau de l'église de Saint-Jacques. Le premier groupe fournit 155 gallons ½ impérial à la minute et l'autre 360.
![]() |
La « tonne » d'eau : réservoir de l'aqueduc sur « le côté », démoli vers 1958. |
Au début des années '70, la consommation quotidienne d'eau au village, s'élevait à environ 200,000 gallons. Dans la campagne, dont une partie seulement est desservie par l'aqueduc, la consommation s'élevait à 75,000 gallons par jour.
En 1969, on procéda à l'aménagement du service des égouts, pour une partie du village, et l'on construisit une usine d'épuration des eaux.
Service d'incendie
Les premières pompes à incendies furent achetées en 1893, et remplacées en 1915, par une pompe mobile « Waterous » d'une capacité de 350 gallons (m.i.), montée sur une voiture à traction animale.
![]() |
Station des pompiers (non datée) |
Un poste de pompiers a été construit en 1915, au centre du village. Auparavant, tout le matériel du service d'incendie était remisé dans les trois hangars situés l'un au centre et les autres à chaque extrémité du village.
Notre brigade comprend 15 pompiers volontaires. Émery Riopel, Auguste Marion, Arthur Thériault et Léo Leblanc furent nos chefs pompiers.
En 1963, un poste nouveau a été élevé sur l'emplacement de l'ancien magasin Monahan et Morin, (puis Restaurant Acadia).
Électricité
Au début du siècle, les richesses naturelles de Rawdon, notamment ses cinq chutes d'eau, intéressaient fort les hommes d'affaires et les politiciens. Mais Rawdon avait une rivale : la ville naissante de Shawinigan Falls, dont les forces hydrauliques étaient supérieures.
Tout de même, la houille blanche de Rawdon fut exploitée et Saint-Jacques bénéficia de l'électricité fournie par « la chute à Magnan ».
Dès 1907, le problème de l'électrification s'était posé au Conseil. En mars de cette année-là, F.-H. Rhéaume et Edmond Morin vinrent de Rawdon, faire à notre Conseil les premières soumissions à cet effet. En novembre suivant, Amédée et Théodore Bélanger, de Montréal, posaient le même geste. Mais les soumissions ne ralliaient pas tous les suffrages. Il en fut de même des propositions offertes, en novembre 1909, par J.-U. Foucher & Cie, de Montréal. En janvier 1912, A. Audet, hôtellier de Joliette, se présentait à son tour devant le Conseil, mais sans plus de succès.
Finalement, le Conseil accepta le contrat de la Compagnie Électrique des Laurentides. Celle-ci fournit, depuis le 4 mai 1913, l'éclairage dans nos maisons, et depuis 1915, dans nos rues. Maintenant, c'est Hydro-Québec, depuis environ 1962.
Rues
La plupart des villages de notre Province ne comptent guère qu'une rue principale. À Saint-Jacques, en plus de la grande artère centre ou rue Saint-Jacques, sur laquelle sont bâties la plupart des maisons du village, nous avions plusieurs autres rues : 14 en tout.
La rue du Couvent, s'appelait vers 1860, la rue Viger, du nom d'un des médecins les plus populaires de la région : le docteur Séraphin Viger. Avec le temps et après le départ du dit médecin, les gens l'ont toujours désignée sous le nom de rue du Couvent, malgré son nom officiel de rue Sainte-Anne. Avec la grand'rue, elle fut « macadamisée » en 1913.
![]() |
Vers 1915, la rue Venne |
La rue Marion (en mémoire de Damase Marion, donateur du terrain), souvent désignée sous le nom de la rue du bureau de poste, s'est appelée, en un temps, rue Saint-Antoine.
La rue Venne (en souvenir de Salomon Venne, donateur du terrain), ouverte en 1910, est souvent appelée rue des chars.
La rue Dupuis, donnée par J.-A. Dupuis, M.P.P., ainsi que les rues Paré et Maréchal furent ouvertes en 1914.
![]() |
Résidence du Dr J.-Od. Beaudry |
![]() |
Maison Gustave Forest, face à la rue Forest |
Enfin, un tout petit bout de rue, la rue des médecins (Drs Nolin et Gênand) a disparu (dans la cour de l'ancien magasin O. Goulet et Fils, actuellement occupé par le Bureau des agronomes).
Télégraphe
En 1873, Olivier Bonin, M.D., dirigeait la station du télégraphe. Par la suite, Euclide Leblanc en fut chargé. Et de 1905 à 1955 (?) les dépêches nous étaient transmises par le bureau télégraphique du Canadien National. Maintenant, elles le sont via Joliette.
Téléphone
En 1888, J.-A. Martin, de la Compagnie de tabac canadien, demandait à la Compagnie Bell d'installer le téléphone à Saint-Jacques. Au bout de cinq ans, la centrale de Joliette pouvait atteindre une première succursale établie dans le magasin général d'Euclide Dugas (Caisse Populaire et rue Beaudry aujourd'hui). De 7h du matin à 9h du soir, les jours ouvrables, et, deux heures seulement les dimanches et fêtes, le « central » était ouvert. Les appels interurbains rapportaient $15 par mois à la Compagnie. Le tarif pour le service de messagerie était de cinq et dix sous, selon le message.
![]() |
Banque d'Hochelaga |
En attendant la construction d'une centrale à Saint-Jacques, Joliette desservait ces abonnés. Celle-ci fut établie en 1909, avec 30 clients et desservait Saint-Alexis et Sainte-Marie, avec téléphones publics en ces endroits (chez C. Bourgeois à Saint-Alexis, et chez J.-E. Gaudet, à la gare de Sainte-Marie, et Azarie Mireault). Plus tard, Sainte-Julienne et Saint-Liguori firent partie de ce réseau.
À Saint-Jacques, le tableau de distribution se trouvait chez M. Jules Goulet, (au no 76, rue Saint-Jacques) où Mme Goulet avec ses enfants, Eugène, Alma et Alice tâchèrent à assurer un service de nuit comme de jour.
En 1919, on comptait 117 téléphones; en 1929, 150; en 1939, 185; en 1949, 617; en 1960, 1,400. Aujourd'hui ? Presque partout...
Du temps de la famille Goulet, c'était le « bon temps » où l'on n'avait pas besoin de savoir les numéros par cur. On n'avait qu'à demander « Passez-moi donc M. un tel... « et, après quelques tours de manivelle, Monsieur un tel nous parlait... ou parfois nous défonçait le tympan...
Après Mlle Alice Goulet, Mlles M. Madon (1952) et Berthe Sylvestre (1953) devinrent les représentantes locales.
En 1953, on construisit un poste-échangeur sur la rue Bro; et, en 1960, le cadran automatique mit fin à ce caractère plutôt intime des conversations téléphoniques qui devaient passer par le « central ».