Bateau-en-feu
« J'me rappelle d'avoir entendu dire
par mes ancêtres d'où vient le bateau-en-feu.
En 1757, la dernière guerre qui a eu avec les Acadiens
et Anglais s'a faite en bas de Restigouche. Un, j'me rappelle
pas d'son nom d'famille, qui était l'plus vaillant
Français qui a eu au bord du bateau-guerrier. Ses camarades
voulaient absolument qu'il cède aux Anglais pour se
laisser prendre par eux-autres.
Il a dit c'est impossible, que le coeur français
était pas capable de céder à un Anglais.
Il a dit que malgré tous les pouvoirs d'Anglais qu'i'
travaillerait, qu'i' loveillerait (louvoyer) pour essayer
à détruire la flotte anglaise jusqu'à
ses derniers jours. Il a dit qu'i' loveillerait pis qu'i'
travaillerait, malgré le 'iâb'e, jusqu'à
la fin des temps, afin de caler c'te bateau-Ià.
Mais la Providence a pas parmis. Il a été
obligé d'céder par le manque de pouvoir et c'est
son bateau qu'a été coulé, que les ancêtres
calculent qu'c'est son bateau en feu qu'est vu sur la mer.
Il avait dit qu'i' loveillerait jusqu'à
la fin des temps. Mais son bateau a été vu;
il est v'nu ben des fois. Il a été vu en France,
le même bateau, et puis je calcule de c'qui a été
vu que c'est la même chose comme on voit devant nous-autres.
Ce bateau loveillera jusqu'à la fin des temps. C'est
à peu près comme au meilleur de ma conscience.
»
John Leblanc
Dundee (Restigouche), NB
originaire de Nouvelle (Bonaventure), Québec
Jolicoeur, Catherine, «Le bateau fantôme»,
Revue d'histoire de la Gaspésie, vol.8, no1, 1970,
p.28.
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