Article intégral de Gilles Lemieux (1), "Quelques noms indiens de chez nous ".- Asticou no 6 (octobre 1970).- Société d'histoire de l'Outaouais.- pp.26-27.

Que de fois, au hasard des voyages ou des lectures, nous est-il arrivé de rencontrer des noms d'origine indienne qui, bien que familiers, ne manquaient jamais de susciter chez nous de nombreuses questions. Leur sens était d'autant plus obscur que leurs racines, en plus des altérations et des erreurs presque toujours inhérentes, pouvaient être multiples.

Aussi est-ce dans le but de pallier ces difficultés sempiternelles que, depuis les premiers temps de la colonie, certains rares érudits se sont faits les spécialistes de l'étymologie amérindienne. (On se rappelle que des missionnaires de la Nouvelle-France avaient écrit des dictionnaires assez poussés d'équivalences françaises-indiennes pour faciliter leur apostolat. Parmi les plus récents, le Père Joseph-Étienne Guinard retient l'attention. Né en 1864 et ordonné prêtre en 1891, il passa plus de 40 ans chez les Indiens de la Baie James, dont les langues lui devinrent à ce point familières que ces derniers avouaient même qu'il en « possède mieux qu'eux les finesses, les nuances et toutes les subtilités ». Fort de son expérience personnelle et partant des travaux d'autres spécialistes, le Père Guinard consacra 10 années de sa vie à rédiger un dictionnaire des termes indiens du Canada.

Ne serait-ce que pour « restituer aux noms indiens du Canada leur vraie beauté », selon le voeu de l'auteur, voici la signification et l'origine de quelques noms indiens de chez nous (2).

ABITIBI: eau mitoyenne (algonquin, cris)
AMQUI: camarade d'homme et beau-frère d'homme (algonquin)
ARTHABASKA: il y a des roseaux (algonquin, cris)
CANADA: village, bourgade, groupe de tentes (iroquois)
CAUGHNAWAGA: au rapide (iroquois)
CAUSAPSCAL: courant de la pointe rocheuse (micmac)
CAYANIANT: le lac porc-épic (algonquin, cris)
CHIBOUGAMAU: lac traversé de bord en bord par une rivière (cris, Tête-de-boule)
CHICOUTIMI: c'est profond parce que ça engouffre (cris, Tête-de-boule)
HOCHELAGA: à la chaussée des castors (iroquois)
KAMOURASKA: étendue de foin, joncs (micmac)
KAZABAZUA: courant caché, souterrain (algonquin)
KENOGAMI: le lac long (cris, algonquin)
MAGOG: vaste étendue d'eau, grand lac (abénaquis)
MANICOUAGAN: vase à boire, verre, tasse (cris)
MANIWAKI: terre de Marie talgonquin)
MASKINONGÉ: brochet difforme (algonquin)
MATANE: épaves, débris de navire (algonquins)
MATAPÉDIA: jonction de rivières (micmac)
MÉGANTIC: gros bois, gros arbre( algonquin)
MISSISQUOI: grosses femmes (cris, algonquin)
NATASHOUAN: aller chasser l'ours (cris, montagnais)
NOMININGUE: celui qui est oint, graissé (algonquin, cris)
OKA: le poisson doré (algonquin)
OTTAWA: les eaux bouillent (cris, Tête-de-boule)
PÉRIBONCA: rivière creusant dans le sable (algonquin, cris, Tête-de-Boule)
QUEBEC: rétrécissement, détroit (algonquin)
RIMOUSKI: cabane à chien (algonquin, Tête-de-boule)
SAGUENAY: son embouchure, sa sortie (algonquin, Tête-de-boule, montagnais)
SHAWINIGAN: portage anguleux (Tête-de-boule, cris, algonquin)
TADOUSSAC: mamelles (algonquin)
TÉMISCAMINGUE: dans l'eau profonde (algonquin)
TÉMISCOUATA: lac profond (micmac)
UNGAVA: le plus loin (esquimau)
YAMASKA: il y a beaucoup de foin, de jonc (cris)

(1) L'auteur des deux intéressantes communications suivantes est M. Gilles Lemieux, candidat à la maîtrise en histoire à l'Université d'Ottawa. Il prépare à cette fin une thèse intitulée Arthur Buies et la colonisation. M. Lemieux a également en préparation une étude sur la crise de la conscription à Hull en 1917-1918, étude qu'il publiera dans un prochain numéro d'Asticou.
(2) Joseph-Étienne Guinard "Les noms indiens de mon pays", Montréal, Rayonnement, 1959 (?), 198 pages.