Démarche artistique

Pourquoi le feu?
Tout d'abord pour sa beauté hypnotisante et fascinante.
Et ensuite parce qu'il n'y a rien au monde de plus changeant, de plus mouvant et de plus insaisissable, tout en étant aussi présent, aussi vivant et pourtant aussi mortel.
Le feu comme métaphore de la vie.
Le feu comme symbole de la métamorphose.

Dans la genèse le feu apparaît au 3e jour de la création, comme le plus léger et le plus subtil des éléments. Selon l'échelle de pureté, le feu vient en premier dans la séquence des éléments, devant la terre, l'eau et l'air. C'est ainsi que le cosmos intégral s'est structuré sous l'impulsion de forces spirituelles aux temps anciens et qu'il perdure aujourd'hui de la même façon.

Le feu est tant de choses. Mais jamais toutes ces choses en même temps. Le feu est chaleur et vie, mais c'est aussi la destruction et la mort. Ses flammes rouges telles des charbons ardents et jaunes peuvent briller doucement dans l'âtre et vous réchauffer durant les froides nuits d'hiver. Il nous aide dans la préparation de notre nourriture. Et qui n'a pas de souvenirs d'histoires racontées et de chansons chantées autour d'un feu de joie?

Le feu de joie nous relie directement à nos ancêtres préhistoriques, et aux cultures "primitives" qui sont tellement plus liées à la nature que nos sociétés "évoluées". Le feu nous relie à l'essence même de la vie. Le feu nous rappelle d'où nous venons. Il rend vivant à nos yeux les récits mythologiques et les cérémonies de certaines tribus encore existantes de nos jours. Le feu est un merveilleux conteur. C'est comme un livre sans écriture rempli de mémoires, d'expériences et d'imagination. Allumez le feu et le fil des histoires s'élèvera dans le ciel avec les flammes.

D'un autre côté le feu peut aussi laisser derrière lui une totale dévastation. Son pouvoir incontrôlé est imprévisible et il peut consumer tout ce qui se trouve sur son passage. Mais tant qu'il y aura de la vie sur cette terre, il y aura renaissance. Une nouvelle vie rejaillira des cendres, tel le phénix de son bûcher funébre, transformée.

Plusieurs des valeurs qui sont associées au feu ne peuvent étre expliquées que psychologiquement. Lorsque l'on se sent vivant nous brûlons de passion pour les gens et les choses. Le feu est au centre de tout ce qui vit. "Allumez le feu", disons-nous quand nous voulons entreprendre quelque chose. Allume ma flamme et voyons ce qui arrivera. L'amour et l'amitié brûlent doucement de flammes pures et légères. C'est le genre de flamme que nous voulons préserver, car nous n'envisageons pas qu'elle puisse un jour vasciller et mourir. Les flammes de la colère, d'un autre côté, peuvent consumer notre vision limpide, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que cendres ainsi que désolation de notre paysage intérieur.

Telle est la dualité du feu: vie et mort, chaos et pureté, beauté et destruction. Mais n'y a-t-il pas de beauté dans le chaos et de la vie dans la destruction? Ne sont-ils pas interreliés et fondus ensemble jusqu'à ce que transformés en des commencements nouveaux?

Dana Velan, Montréal, 1999