David
Liss
Le design et
la manufacture d'une infini variété de matériaux utilisés à des
fins diverses contribuent de manière soutenue à la fabrication de
nos identités individuelle et collective en tant qu'êtres humains.
Par conséquent, ce processus d'identification devient la structure
formelle d'un système d'objectivation et de classification qui peut
preserver ou, paradoxalement, porter atteinte à l'identité de l'individu.
L'art a souvent un véhicule pour mettre en question l'ascendance
d'idéologies statiques sur le cour évolutif de la condition humaine.
Depuis qu'Adam
et Eve furent bannis de l'Éden, le corps vêtu devint un moyen pratique,
bien qu'arbitraire, pour identifier le sexe et les statuts social
et économique de la personne. Tandis que le vêtement est d'ordinaire
considéré comme ne expression d'individualité - un choix personnel
- les facteurs implicites du processus d'identification contredisent
cette notion. Avec leurs noirs insistants, les pastels de robes
de soirées animées, de jupes et de tenues cocktail de Cathy Daley
examinent l'ordre qu'impose les conventions du dessin de mode sur
l'identité féminine. D'une forme élégante, riche et séductrice,
d'un humour ringard et ambigu, ces dessins ont peine à dissimuler
une tension tacite entre le désir érotique et le vide mélancolique.
Curieusement, malgré leurs postures vivantes, ces dessins semblent
dénués de présence humaine. Et bien qu'il puissent ressembler à
des formes abstraites ou à des vaisseaux vacants, ils identifient
clairement le type de vêtements que portent habituellement les femmes
lorsqu'elle sortent en société. La lecture ou l'émotion particulière
suscitée par ses formes évocatrices dépendra nécessairement des
valeurs et de l'expérience de chacun des regardeurs. C'est dire
que l'identification des formes résultera de la projection d'un
ensemble prédéterminé de significants et d'archétypes extérieurs
aux oeuvres. Ironiquement, pour faire sens, ces habits ne requièrent
ni présence féminine, ni personnalité individuelle.
Avec son installation
Mythe, mémoire et réalité (1996), Janet Logan questionne, elle
aussi et à sa façon, la relation entre l'identité féminine, le dessin
de mode et le corps. Se livrant comme référence centrale, un diagramme
au fusain noir mimant un patron de couture est dessiné directement
sur l'un des murs de la galerie. Trois autres cimaises servent de
support à des configurations aléatoire d'une mozaïque de formes
réalisées à partie de matériaux divers, dont du tissu , du filet,
du fil métallique, du papier mâché, de la cire et d'autres morceaux
et fragments d'étoffe suspendus. A bien les voir ces assemblages
vivants et colorés, ils devient apparent que leurs composants font
figure d'organes anatomiques et de parties du corps et/ou sont de
véritables habits de femme qui ont été défaits et re-présentés comme
des formes abstraites. Un second regard jeté au formalisme didactique
du patron suffit à nous convaincre que Janet Logan n'a manifestement
suivi aucune directive. Non seulement s'est-elle gardée de répondre
au mode d'emploi, mais elle est allée jusqu'à saper l'autorité du
même diagramme. Plutôt que de fabriquer des pièces de vêtements,
elle les deconstruit, leur assigne un contexte nouveau et une identité
individuelle qui ne sont en rien conformes à quelque formule que
se soit. En tant qu'entités renouvelés, ces formes abstraites partagent
une proximité, une affinité structurelle, qui suggère la relation
entre le vêtement et le corps de la femme auquel l'industrie du
dessin de mode, on le sait, ne témoigne pas toujours du respect.
Alors que les
dessins de Cathy Daley évoquent le sentiment de perte associé aux
définitions de l'identité féminine tel qu'établi à travers l'absence,
le travail de Janet Logan réfute les structures imposées et accasionne
un cycle de renaissance et d'émancipation.
Au seine de
ce contexte particulier, l'installation de Barbara Brown devient
le site de métamorphose en émergence. A partir de fils métalliques,
l'artiste crée des formes organiques qui ressemblent à des cosses
de graines, des cocons, des sacs d'oeufs, des nids, des vaisseaux,
des cages et des paquets intriqués d'énergie incapsulée. Seuls ou
en groupes, ces objets jonchent le sol, ponctuent les cimaises qui
sont suspendus au plafond de la galerie. Des ombres portées ou des
dessins faits directement aux murs répondent aux sculptures, traduisent
le passage symbolique d'une énergie résonnante.
La disposition
variable des objets est déterminé par la spécificité des lieux.
L'installtion même de l'oeuvre par l'artiste peut être comparée
à une performance, où les mouvements physiques de son corps (fémimin)
active de l'énergie qui transforme l'espace de la galerie en une
site métaphorique pour un environnement vécu. Barbara Brown mine
le potentiel souvent destructeur des matériaux industriels en les
utilisant pour fabriquer des objets fait main et des milieux habités
des thèmes de la création, de la protection, de la régénération,
du refuge, de la naissance et de la vie.
Nos matériaux
sont tramés de code et d'à priori historiques, politiques
et sociaux. Les trois artistes de cette exposition y répondent en
créant des oeuvres qui ont pour dessein de déloger des idées reçues
au sujet de la pensée et de la perception. Cette déviation paradigmatique
brave les systèmes de classification expéditifs et arbitraires et
invite le visiteur à mettre en doute les modes conventionnels de
la fabrication de l'identité.
Traduction:
Jennifer Couëlle
David Liss est
Directeur de la Galerie du Centre des arts Saidye Bronfman, Montréal.
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