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Janet Logan,  Mythe, mémoire et réalité,  1996

Janet Logan
Installation view of Mythe, mémoire et réalité, 1996

Janet Logan,  détail de Mythe, mémoire et réalité,  1996

Janet Logan
Installation view of Mythe, mémoire et réalité, 1996

 




 

David Liss

Le design et la manufacture d'une infini variété de matériaux utilisés à des fins diverses contribuent de manière soutenue à la fabrication de nos identités individuelle et collective en tant qu'êtres humains. Par conséquent, ce processus d'identification devient la structure formelle d'un système d'objectivation et de classification qui peut preserver ou, paradoxalement, porter atteinte à l'identité de l'individu. L'art a souvent un véhicule pour mettre en question l'ascendance d'idéologies statiques sur le cour évolutif de la condition humaine.

Depuis qu'Adam et Eve furent bannis de l'Éden, le corps vêtu devint un moyen pratique, bien qu'arbitraire, pour identifier le sexe et les statuts social et économique de la personne. Tandis que le vêtement est d'ordinaire considéré comme ne expression d'individualité - un choix personnel - les facteurs implicites du processus d'identification contredisent cette notion. Avec leurs noirs insistants, les pastels de robes de soirées animées, de jupes et de tenues cocktail de Cathy Daley examinent l'ordre qu'impose les conventions du dessin de mode sur l'identité féminine. D'une forme élégante, riche et séductrice, d'un humour ringard et ambigu, ces dessins ont peine à dissimuler une tension tacite entre le désir érotique et le vide mélancolique. Curieusement, malgré leurs postures vivantes, ces dessins semblent dénués de présence humaine. Et bien qu'il puissent ressembler à des formes abstraites ou à des vaisseaux vacants, ils identifient clairement le type de vêtements que portent habituellement les femmes lorsqu'elle sortent en société. La lecture ou l'émotion particulière suscitée par ses formes évocatrices dépendra nécessairement des valeurs et de l'expérience de chacun des regardeurs. C'est dire que l'identification des formes résultera de la projection d'un ensemble prédéterminé de significants et d'archétypes extérieurs aux oeuvres. Ironiquement, pour faire sens, ces habits ne requièrent ni présence féminine, ni personnalité individuelle.

Avec son installation Mythe, mémoire et réalité (1996), Janet Logan questionne, elle aussi et à sa façon, la relation entre l'identité féminine, le dessin de mode et le corps. Se livrant comme référence centrale, un diagramme au fusain noir mimant un patron de couture est dessiné directement sur l'un des murs de la galerie. Trois autres cimaises servent de support à des configurations aléatoire d'une mozaïque de formes réalisées à partie de matériaux divers, dont du tissu , du filet, du fil métallique, du papier mâché, de la cire et d'autres morceaux et fragments d'étoffe suspendus. A bien les voir ces assemblages vivants et colorés, ils devient apparent que leurs composants font figure d'organes anatomiques et de parties du corps et/ou sont de véritables habits de femme qui ont été défaits et re-présentés comme des formes abstraites. Un second regard jeté au formalisme didactique du patron suffit à nous convaincre que Janet Logan n'a manifestement suivi aucune directive. Non seulement s'est-elle gardée de répondre au mode d'emploi, mais elle est allée jusqu'à saper l'autorité du même diagramme. Plutôt que de fabriquer des pièces de vêtements, elle les deconstruit, leur assigne un contexte nouveau et une identité individuelle qui ne sont en rien conformes à quelque formule que se soit. En tant qu'entités renouvelés, ces formes abstraites partagent une proximité, une affinité structurelle, qui suggère la relation entre le vêtement et le corps de la femme auquel l'industrie du dessin de mode, on le sait, ne témoigne pas toujours du respect.

Alors que les dessins de Cathy Daley évoquent le sentiment de perte associé aux définitions de l'identité féminine tel qu'établi à travers l'absence, le travail de Janet Logan réfute les structures imposées et accasionne un cycle de renaissance et d'émancipation.

Au seine de ce contexte particulier, l'installation de Barbara Brown devient le site de métamorphose en émergence. A partir de fils métalliques, l'artiste crée des formes organiques qui ressemblent à des cosses de graines, des cocons, des sacs d'oeufs, des nids, des vaisseaux, des cages et des paquets intriqués d'énergie incapsulée. Seuls ou en groupes, ces objets jonchent le sol, ponctuent les cimaises qui sont suspendus au plafond de la galerie. Des ombres portées ou des dessins faits directement aux murs répondent aux sculptures, traduisent le passage symbolique d'une énergie résonnante.

La disposition variable des objets est déterminé par la spécificité des lieux. L'installtion même de l'oeuvre par l'artiste peut être comparée à une performance, où les mouvements physiques de son corps (fémimin) active de l'énergie qui transforme l'espace de la galerie en une site métaphorique pour un environnement vécu. Barbara Brown mine le potentiel souvent destructeur des matériaux industriels en les utilisant pour fabriquer des objets fait main et des milieux habités des thèmes de la création, de la protection, de la régénération, du refuge, de la naissance et de la vie.

Nos matériaux sont tramés de code et d'à priori historiques, politiques et sociaux. Les trois artistes de cette exposition y répondent en créant des oeuvres qui ont pour dessein de déloger des idées reçues au sujet de la pensée et de la perception. Cette déviation paradigmatique brave les systèmes de classification expéditifs et arbitraires et invite le visiteur à mettre en doute les modes conventionnels de la fabrication de l'identité.

Traduction: Jennifer Couëlle


David Liss est Directeur de la Galerie du Centre des arts Saidye Bronfman, Montréal.

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