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Plus jamais, 1999
réalisé pour une exposition solo à la Galerie Montcalm de la Ville de Hull, sept-oct 2000.



 

Déclaration d'artiste

Un artiste peut bien croire parfois qu'il gouverne sa peinture, c'est elle la peinture qui gouverne et va son propre chemin.

Du moins si l'on parle de peinture-peinture, ainsi nommée récemment pour distinguer une peinture ou prévaut la pérennité de la pensée en images et du goût de la matière, par comparaison avec des entreprises à caractère conceptuel.

On a donc beau faire à l'avance des plans d'exposition et annoncer bien rationnellement ce que l'on a l'intention de faire, pour telle ou telle bonne raison, la peinture elle a ses raisons que la raison ne connaît pas et n'a que faire des plus louables intentions.

C'est plus tard, dans l'œuvre terminée, qu'on découvre l'intention puissante et tenace qui motivait le geste envers et contre toutes les stratégies.

Sans doute est-ce là ramener la peinture vers une pensée primitive qui survit dans l'expression peinte de siècle en siècle, comme l'héritage des dinosaures survit dans les oiseaux. Notez que primitif ne se réfère pas à dépassé mais à premier qui d'abord, et en ce cas-ci à une probablement indépassable pensée non réflexive. Indépassable parce que suprêmement efficace dans le champs de l'invention, de la création, de la poésie et de la peinture.

Si bien que lorsque, cédant aux impératifs des organisations, je me fourvoie a "pré-dire" le contenu d'une future exposition ou série d'œuvres, je me retrouve invariablement dans l'embarras de devoir expliquer pourquoi j'ai fait au bout du compte autre chose. Et ce n'est pas par paresse ou indécision que je prends chaque fois le parti de suivre le développement inattendu de ma peinture plutôt que d'insister pour lui imposer un parcours rationnel; c'est parce que la supériorité du résultat intuitif s'impose de lui-même. Si je faisais le choix inverse je me casserais la gueule. En tous cas je ferais du mauvais travail.

J'en conclus qu'on ne peut ou que je ne peux ni "pré" ni "dire", puisque la peinture ne trouve pas sa source dans les mots et nait plutôt de sa propre mise-en-œuvre et d'une pensée bien réelle mais sur laquelle la volonté n'a pas de prise.

Au moment où j'écris ces lignes, je ne sais encore où j'aboutirai ni même par quel chemin je passerai pour y arriver. Je constate seulement à cette heure, devant deux ou trois tableaux achevés, que j'ai fabriqué des forêts à partir de l'intérieur d'elles et de moi. Vues du dedans et non du dehors. Non par un spectateur qui se tiendrait sur un belvedère ou devant une fenêtre, mais par celui qui connaît l'univers végétal et minéral par expérience; qui l'a touché, respiré, marché, aimé et craint. Peut-être que j'apporte ainsi, aux habitants d'un monde très urbanisé, quelque chose de l'ancienne intimité avec la redoutable et enveloppante Nature.

Pour le reste, d'autres ont écrit qu'il y avait dans ma peinture un silence, de l'étrangeté malgré le réalisme, un réalisme paradoxal, un réalisme magique, du mystère aussi. Je le vois bien, sans savoir comment je les y ai mis ni sans prévoir les y mettre.

Suzanne Joubert
Mont-St. Hilaire 2 décembre 1999

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