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Le coût de la pauvreté

Février 2002


INTRODUCTION

Le Conseil national du bien-être social (CNBES) a produit Le coût de la pauvreté afin de souligner au public et aux responsables de l'élaboration des politiques à quel point la pauvreté est réellement coûteuse. Dans le discours du Trône de 2001, le gouvernement fédéral a fait état d'un engagement à mettre un terme à la pauvreté. De l'avis du Conseil, il s'agit là d'une mesure qui est non seulement opportune et nécessaire, mais possible aussi. Toutefois, vu le peu de succès obtenu sur ce plan depuis les vingt dernières années, il est clair que cela nécessite aussi une nouvelle approche d'envergure nationale. La mosaïque actuelle de programmes offerts d'un bout à l'autre du pays recèle autant d'obstacles que de mesures de soutien, et il est urgent que cela change.

Le présent document a été conçu avant les attaques du 11 septembre 2001 contre les États-Unis et le début de la guerre au terrorisme, mais ces événements font ressortir encore plus son caractère critique. Nous condamnons il va sans dire les actes horribles qu'ont perpétré un nombre relativement minime de terroristes, mais il faut faire face à la réalité que, dans ce conflit et dans bien d'autres, la pauvreté et le large fossé qui sépare les « nantis » des « démunis » dans notre société, tant au sein même de pays qu'entre ces derniers, sont des facteurs prépondérants.

Le Conseil a analysé et décrit au fil des ans la pauvreté au Canada dans des publications telles que Revenus de bien-être social, Profil de la pauvreté, La justice et les pauvres et, tout récemment, Profil de la pauvreté infantile. Les statistiques que l'on trouve dans ces publications nous permettent de saisir l'ampleur de la pauvreté, l'état de dénuement dans lequel vivent de nombreux Canadiens et qui sont les personnes les plus vulnérables.

Il n'est pas question dans les pages qui suivent des personnes qui vivent dans la pauvreté à un moment ou à un autre. Ce document remet plutôt en question nos présomptions au sujet de la pauvreté elle-même - et de ceux qui en sont victimes - de manière à ce que nous puissions trouver des moyens durables et plus novateurs de la prévenir. Si vous êtes de ceux qui sont bien nantis, ou du moins relativement à l'aise, et si vous pensez que la pauvreté ne vous touche pas, détrompez-vous. Le Canada ne peut se permettre la misère humaine ou la responsabilité économique qui accompagne la pauvreté.


QU'EST-CE QUE LA PAUVRETÉ?

Le Canada ne dispose pas d'un seuil de pauvreté officiel, mais utilise couramment plusieurs mesures, et notamment les seuils de faible revenu (SFR) de Statistique Canada, qui montrent combien de gens au Canada consacrent nettement plus d'argent que la moyenne aux choses nécessaires de la vie. Les SFR nous permettent de voir jusqu'à quel point certaines personnes vivent dans la pauvreté ou sous le seuil de faible revenu. Toutes les mesures de la pauvreté sont relatives. Le problème n'est pas tant une question de mesures qu'une question de valeurs. Dans notre société bien nantie, à quel point sommes-nous prêts à laisser certaines personnes vivre dans la pauvreté et l'exclusion? Les questions liées à la mesure de la pauvreté servent souvent à détourner l'attention de ce qui importe vraiment, comme les tendances - qui nous indiquent si notre situation s'améliore ou non - et les caractéristiques - qui nous indiquent quelles circonstances font que certaines personnes sont plus vulnérables que d'autres à la pauvreté.

Les taux de pauvreté peuvent varier considérablement, suivant les politiques et les priorités gouvernementales. Par exemple, une étude comparative des taux de pauvreté chez les mères célibataires révèle de nettes différences entre des pays dont la richesse économique est comparable; ces taux passent de 47 p. cent aux États-Unis et 40 p. cent au Canada à 25 p. cent en France et aussi peu que 3 p. cent en Suède1.

La pauvreté est habituellement mesurée en fonction du revenu, mais des gens peuvent aussi être appauvris par un manque d'accès à d'autres ressources, par l'exclusion sociale ainsi que par le stress que cause l'insécurité. L'évolution des caractéristiques du travail et de la famille s'accompagne d'une reconnaissance grandissante du problème que représente la pauvreté du temps. Si, par exemple, vous avez dans votre famille un jeune enfant ou une personne handicapée qui requiert des soins, vous disposez de moins d'heures dans une journée à consacrer à d'autres activités telles qu'un travail rémunéré, un cours de formation, voire le sommeil. Nous vivons dans une société où tout bouge rapidement et où les Canadiens moyens acquièrent des produits et des services qui leur font gagner du temps, comme des automobiles, des billets d'autobus, des aliments cuisinés, des fours à micro-ondes, des produits en vrac et des services de garde d'enfants, ce qui ne peut pas se faire si vous vivez dans la pauvreté. Cela fait en sorte que la pauvreté elle-même accapare un temps considérable, un aspect dont on tient rarement compte lorsque l'on conçoit les politiques relatives au soutien du revenu, à l'éducation ou au marché du travail. Nous devons tous faire des compromis entre temps et argent, mais les gens vivant dans la pauvreté ont une marge de manouvre très réduite à ce chapitre.

Le manque d'accès à d'autres ressources est également associé de près à la pauvreté. Un logement abordable, adéquat et sûr est un aspect capital. Il n'est pas seulement question d'un abri physique, car un logement est aussi un lieu d'activités économiques où l'on produit des aliments, on élève des enfants, on peut créer un emploi autonome et on tisse des liens avec la collectivité.

L'éducation en est un autre exemple. Certaines personnes vivant dans la pauvreté, comme les étudiants universitaires, quitteront cet état rapidement et pour de bon parce qu'ils sont en voie d'acquérir des compétences et des connaissances qui les aideront à toucher un bon revenu. En revanche, les personnes vivant dans la pauvreté qui ont un niveau d'instruction minime et beaucoup de difficultés à accéder à des cours ou à une formation supplémentaires sont susceptibles de vivre dans un état de pauvreté prolongé.

Pour les adultes et pour les enfants, la pauvreté peut également être synonyme de solitude et d'exclusion des sports, des loisirs, de la culture et d'autres activités autour desquelles s'établissent la confiance, les amitiés et d'autres relations sociales positives. Chez les enfants surtout, cela peut avoir des effets durables. L'accès à la sécurité est aussi un problème. Pour bien des femmes et des enfants, la pauvreté est souvent directement liée à la violence familiale. De nombreux criminels ont été victimes de sévices durant leur enfance. Et les enfants qui grandissent dans des quartiers marqués par la violence et la criminalité de rue risquent d'adopter eux-mêmes ce genre de comportement ou d'en être les victimes.

La capacité de prendre des décisions et de planifier sa vie de manière à répondre le mieux possible à ses propres besoins est elle aussi une question de pauvreté. Chez certains, et surtout les adultes souffrant d'un handicap et les femmes ayant de jeunes enfants, le manque d'autonomie peut les rendre vulnérables à la pauvreté. Ces personnes, si elles dépendent d'un autre membre du foyer pour ce qui est de gagner un revenu et de bénéficier d'une aide quotidienne, ne sont peut-être pas à même de prendre des décisions propices à leurs intérêts personnels et, peuvent se retrouver si la relation prend fin, dans un état de profond dénuement. Les femmes âgées de plus de 55 ans, ayant peu d'expérience du marché du travail et non encore admissibles à la sécurité de la vieillesse, en sont un excellent exemple. Les assistés sociaux peuvent être encore plus démunis étant aux prises avec un ensemble de règles, de règlements et de traitements dévalorisants à ce point complexe que cela mine leurs propres besoins et leurs propres aptitudes, et conduit à un sentiment de dépression et d'impuissance face à l'avenir.

QUI VIT DANS LA PAUVRETÉ AU CANADA?

Nombreux sont les Canadiens qui peuvent traverser des périodes de pauvreté au cours de leur vie. C'est donc dire que la part de la population que la pauvreté touche directement est nettement plus importante que ce qu'indiquerait le taux de pauvreté concernant une année quelconque. Certains groupes de Canadiens sont toutefois particulièrement vulnérables à des taux élevés de pauvreté, ainsi qu'à une pauvreté sévère et persistante, dont les mères célibataires et leurs enfants, les Autochtones, les personnes handicapées et les immigrants faisant partie d'une minorité visible. Avant l'avènement du régime de pensions public du Canada, les personnes âgées se trouvaient parmi les plus démunis. Leur situation économique s'est toutefois nettement améliorée au cours des 30 dernières années. Aujourd'hui, le visage de la pauvreté tend à être beaucoup plus jeune, et est celui souvent d'enfants, d'âge préscolaire surtout, et de leurs parents. Même si les deux parents ont un emploi, il est fort possible que le revenu de la famille se situe en deçà du seuil de la pauvreté si ces emplois sont faiblement rémunérés.

L'une des tendances générales les plus inquiétantes au Canada est l'écart important qui continue de se creuser entre les riches et les pauvres.

COMMENT PEUT-ON MESURER LE COÛT DE LA PAUVRETÉ?

Il existe de nombreux indicateurs du coût humain de la pauvreté, depuis les bébés d'un poids insuffisant à la naissance et un accroissement de la maladie à une participation moindre à la population active, en passant par la désintégration des familles et les jeunes qu'emportent les homicides ou les suicides. La conception de politiques publiques signifie aussi, toutefois, prendre des décisions sur ce qu'une société peut se permettre de payer - combien un programme coûtera par rapport aux avantages qu'il offre - de manière à fixer des priorités.

L'une des difficultés que pose la mesure du coût de la pauvreté, ainsi que d'autres questions liées au bien-être humain et à la qualité de la vie, est que les politiques économiques et sociales suivent depuis toujours des voies différentes, sans que l'on reconnaisse à quel point elles sont interdépendantes. Pour dire les choses très simplement, la politique économique se soucie de l'argent et la politique sociale se soucie des gens. La façon dont on mesure habituellement l'économie en est un exemple. Le rendement économique, tel que déterminé par le produit intérieur brut (PIB) d'un pays, mesure la taille du marché où l'on échange des fonds. Il ne tient pas compte de l'usage que l'on fait de ces fonds. Le PIB par habitant peut nous dire dans quelle mesure un pays est riche par rapport à d'autres, mais il ne nous dit rien au sujet des gens qui vivent dans ce pays. À des niveaux de PIB par habitant similaires, certains pays comptent un petit nombre de personnes très riches et de très nombreux démunis, tandis que dans d'autres sociétés, il existe une plus grande égalité.

De nombreuses activités peuvent contribuer à la croissance économique, mais non au bien-être. De nombreuses autres activités contribuent au bien-être, mais ne se révèlent pas valable pour l'économie. Ainsi, l'économie de marché prend de l'expansion quand des gens achètent de la drogue ou des armes illégales ou lorsqu'il faut procéder à une opération de nettoyage après une catastrophe d'origine humaine, qui cause à l'environnement des dommages permanents. Mais notre sort est-il meilleur? En revanche, des activités valables d'un point de vue social, comme le fait d'élever des enfants, de prendre soin de parents et d'amis malades et de veiller à la propreté et à la sécurité de nos foyers et de nos collectivités, n'entrent pas en ligne de compte dans le PIB si ces activités ne sont pas exécutées moyennant rémunération. C'est là un problème de taille car le marché ne peut pas survivre sans le travail domestique et sans le travail bénévole. En fait, les Canadiens passent davantage de temps à exécuter des tâches non rémunérées que des tâches rémunérées. L'économie domestique a contribué l'équivalent d'environ 12,8 millions d'emplois à temps plein en 1992, ce qui représente une valeur estimative de 235 milliards de dollars à 374 milliards de dollars, soit de 34 p. cent à 54,2 p. cent du PIB2.

Le PIB peut également donner l'impression de croître lorsque la production passe du secteur non marchand au secteur marchand de l'économie. L'augmentation constante de la présence des femmes sur le marché du travail depuis les 30 dernières années, par exemple, a mené à une surévaluation de la croissance économique3. Dans le cas extrême, nous pourrions faire augmenter le PIB en payant quelqu'un d'autre pour presque tout, à part manger et dormir, mais à quoi cela servirait-il si la société s'effondrait par manque de rapports humains? Les sociétés se bâtissent autour de relations et de valeurs humaines, et non de signaux du marché. Nous n'abandonnons pas nos enfants comme nous nous débarrassons des usines ou des champs quand ils cessent d'être rentables ou s'il se présente une occasion plus intéressante.

De l'avis du Conseil national du bien-être social, les gouvernements ont souvent fait fausse route dans l'établissement de leurs priorités, laissant le marché prendre le pas sur les besoins humains. En fait, au Canada, depuis le milieu des années 1970, le PIB a considérablement augmenté, mais pas le bien-être humain. Nous devons voir le marché tel qu'il est réellement - un instrument utile au service du bien-être humain, mais pas le but de l'entreprise humaine. Pour cette raison, nous sommes préoccupés lorsque la terminologie du marché est utilisée pour parler des êtres humains. Par exemple, une expression comme « capital humain » est généralement utilisée dans un sens qui réduit la richesse de la capacité et de la créativité humaines à une série de compétences qui sont utiles dans les conditions actuelles du marché. De même, l'expression « capital social » ne reflète pas la complexité des relations humaines et de l'appartenance, par l'entremise des familles, de la culture, de la parenté, du voisinage et de bien d'autres aspects qui étayent les sociétés et les économies. Quand les terribles événements du 11 septembre sont survenus, les gens se sont emparés de leur téléphone cellulaire, non pas pour faire la preuve de leur habileté technologique, mais pour appeler les êtres qui leur sont chers.

Il n'existe encore aucune série reconnue à l'échelle internationale d'indicateurs sociaux qui permettent de mesurer le bien-être humain au même titre que le PIB constitue une mesure admise de l'économie de marché. Mais la question suscite un intérêt grandissant et d'importants faits nouveaux sont survenus dans ce domaine, y compris des travaux gouvernementaux et non gouvernementaux réalisés au Canada4. Il existe aussi des initiatives internationales, comme l'indice du développement humain des Nations Unies, qui tient compte de l'inégalité entre les hommes et les femmes et de l'inégalité entre les riches et les pauvres. L'Union européenne travaille elle aussi à l'établissement d'une série d'indicateurs. Bien que le PIB ait un dénominateur commun unique - l'argent - les indicateurs sociaux comportent diverses mesures de la santé, de l'éducation, du temps de travail rémunéré et non rémunéré, des loisirs et du repos, des gains et d'autres revenus, de la participation à la vie publique, ainsi que de la sécurité.

La section suivante illustre d'un point de vue à la fois social et économique le coût élevé de la pauvreté et à quel point notre situation serait meilleure au point de vue humain et économique si nous réduisions les taux de pauvreté et si nous augmentions les niveaux de vie des gens les plus démunis.


EN QUOI LA PAUVRETÉ OCCASIONNE-T-ELLE DES COÛTS AUX CANADIENS?

Agrave; notre connaissance, personne n'a tenté de chiffrer de façon globale le coût de la pauvreté, et le Conseil n'a certes pas la capacité voulue pour le faire. Il existe toutefois de nombreuses preuves que non seulement la pauvreté provoque une misère humaine personnelle, mais aussi qu'elle constitue un non-sens d'un point de vue strictement économique. Voici une série d'exemples qui montrent que la pauvreté nous occasionne à tous des coûts, et en quoi des décisions plus avisées amélioreraient le bien-être humain et mèneraient à des économies véritables et de longue durée.

Santé

Le domaine de la santé illustre bien le fait qu'il est plus rentable de réduire et de prévenir la pauvreté au départ que d'en payer les conséquences. Les preuves concernant l'état de santé de la population font ressortir l'augmentation des coûts du système des soins de santé, ainsi que la diminution des résultats académiques, de l'état de santé et la durée de vie des personnes qui se situent au bas de l'échelle socio-économique.

Les dépenses qui sont axées sur les soins de santé ont toutefois un effet relativement minime sur la santé d'une population, comparativement aux effets de facteurs tels que le chômage, par exemple, ou le revenu et le statut social. Les déterminants de la santé d'une population comprennent les mécanismes de soutien sociaux, les conditions de travail, les milieux sociaux, les milieux physiques, la biologie et le bagage génétique, le sexe, les habitudes de santé personnelles et la culture, déterminent eux aussi l'état de santé d'une population. Le développement des enfants a un effet marqué sur la santé permanente des individus, de même que sur la santé générale des populations. Les services de santé ne sont qu'un élément du tableau - et un aspect onéreux, quant à cela.

Les spécialistes des recherches sur la santé des populations montrent sans cesse l'importance que revêtent le revenu et le statut social. Même lorsque les gens disposent de toutes les choses de base, comme une alimentation et un logement adéquats, plus leur revenu et leur statut social sont élevés, plus leur état de santé est bon. L'étude Whitehall, qui fait ouvre de pionnière en ce domaine, a suivi l'état de santé de plus de 10 000 fonctionnaires britanniques pendant près de vingt ans. Cette étude a montré que la santé et l'espérance de vie s'amélioraient à chaque échelon de la fonction publique, et ce, même si l'ensemble des personnes étudiées touchaient un revenu adéquat, et si tous exerçaient un emploi de bureau à « faible risque ». Même lorsqu'ils ont examiné dans le cadre de l'étude des comportements à « risque élevé » pour la santé, comme le tabagisme, les chercheurs ont constaté que les hauts dirigeants qui fumaient du tabac étaient nettement moins susceptibles de décéder d'une cause liée à la consommation de tabac5.

Les spécialistes de la santé des populations montrent à quel point le stress explique en partie ces états de santé différents. Le fait de vivre dans un stress prolongé endommage les systèmes biologiques de tous les animaux - y compris les humains - et les rend plus sensibles à la maladie. Par exemple, des enfants vivant avec un certain stress et exposés à des infections streptococciques présentaient plus de risques de tomber malades que des enfants ayant eu des expositions similaires mais pas d'expériences stressantes6. Lorsque l'étude Whitehall a examiné les différences dans la manière dont les fonctionnaires britanniques faisaient face au stress à chaque échelon de la hiérarchie, elle a constaté que même si tous les échelons visés par l'étude présentaient au travail des niveaux de stress à peu près aussi élevés, la tension artérielle des gestionnaires supérieurs diminuait quand ces derniers rentraient chez eux. Mais pas chez les employés qui se trouvaient à un échelon inférieur. Les animaux et les humains qui vivent dans des conditions sociales insatisfaisantes et de faible niveau se trouvent dans un état d'alerte constant, ne sachant jamais quand quelque chose d'autre menacera leur sentiment de bien-être7.

Ces constatations à propos du stress aident à expliquer certaines des difficultés qu'éprouvent les parents, tout en faisant face aux pressions qu'exercent des emplois peu rémunérés, d'un faible statut et occasionnant un stress élevé, le fait d'être un parent seul, sans conjoint avec lequel partager le fardeau, ou le fait de vivre de l'assistance sociale, dans un logement de mauvaise qualité ou dans un quartier dangereux ou délabré. L'un des résultats de ces tensions est que l'on compromet sérieusement la capacité des parents d'assurer les réponses et la discipline appropriées qui sont essentielles au développement optimal des enfants.

Chez les enfants pauvres, les problèmes de santé commencent avant la naissance et les exposent à un risque accru de décès, d'invalidité et d'autres problèmes de santé pendant toute la durée de la petite enfance, de l'enfance et de l'adolescence. À la naissance, les enfants des quartiers les plus démunis du Canada ont une espérance de vie inférieure de deux ans à cinq ans et demi à celle des enfants qui vivent dans les quartiers les mieux nantis. Les enfants issus des quartiers les plus pauvres peuvent également s'attendre à passer une plus grande partie de leur vie handicapés et souffrant d'autres problèmes de santé. Selon une étude, le taux d'invalidité infantile était, chez les enfants de familles démunies, plus de deux fois supérieur à celui des enfants de familles nanties8.

Au Canada, l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes a permis d'étayer des preuves tout aussi convaincantes. L'enquête sur les enfants a systématiquement découvert qu'à l'extrémité inférieure de l'échelle socio-économique, les enfants obtenaient, au point de vue de la santé et du développement, des résultats moins bons que les enfants qui se situaient au milieu, et les enfants se trouvant au sommet de l'échelle socio-économique présentaient des résultats encore meilleurs.

En outre, à l'extrémité inférieure de l'échelle, on a pu constater les effets de la vie dans la pauvreté sur les parents. Ceux-ci accusaient un niveau de stress accru et présentaient un moins bon fonctionnement avec leurs enfants, ainsi que des niveaux de dépression supérieurs, deux situations qui ont inévitablement de sérieux effets sur la capacité des parents de prendre soin le mieux possible de leurs enfants9, 10.

Le Canada consacre une très large part de sa richesse, de ses efforts et de son attention à tenter de maintenir ou d'améliorer l'état de santé des individus qui composent sa population. Ces efforts considérables sont principalement canalisés dans le régime des soins de santé, et ce, malgré des preuves que le revenu, l'emploi et le statut social auraient un effet positif supérieur. En tant que citoyens et contribuables, nous en assumons tous les coûts.

Justice

Les dépenses liées à la justice et à la criminalité sont un autre secteur dans lequel nous investissons beaucoup d'argent pour des services fort coûteux, un secteur où les résultats sont douteux, sinon, dans certains cas, contraires même aux résultats visés.

Le rapport La justice et les pauvres (2000) du Conseil national du bien-être social montre en détail à quel point de nombreux éléments de notre système de justice pénale orientent les jeunes vers la criminalité au lieu de les aider à s'en sortir - et ces éléments sont principalement liés à la pauvreté. Bien que le Canada jouisse d'un taux de criminalité relativement inférieur - et cela s'applique surtout aux crimes violents - à celui d'autres pays industrialisés, nous avons l'un des taux d'incarcération de jeunes les plus élevés au monde, deux fois plus qu'aux États-Unis.

Le rapport donne des exemples de travaux de recherche indiquant que des gens de toutes les couches de la société commettent des actes criminels et qu'il y a une tendance quasi universelle chez les adolescents, de sexe masculin surtout, à commettre des infractions mineures. Mais les personnes que l'on arrête, que l'on garde en détention sans caution, que l'on incarcère et auxquelles on impose les peines les plus sévères sont les gens à faible revenu. Ces derniers n'ont pas les liens familiaux, l'instruction, un emploi stable et d'autres marques de « respectabilité » ou la capacité de retenir les services d'un avocat et de payer une amende dont jouissent les mieux nantis. Par exemple, des mères célibataires ont été incarcérées parce qu'elles n'avaient pas les moyens de payer une amende ou parce que, n'ayant pas accès à des services de garderie abordables, elles étaient incapables d'accomplir une peine de travaux communautaires.

Les auteurs de crimes mineurs qui gagnent un faible revenu se retrouvent donc derrière les barreaux en compagnie de criminels chevronnés, qui leur donnent des leçons poussées dans le domaine de la criminalité. En outre, cette expérience mine le respect qu'ils ont pour la loi, ce qui peut causer d'autres problèmes plus tard. L'incarcération signifie souvent que les gens perdent leur emploi, leur logement, leurs enfants et l'appui des membres de leur famille et de leurs amis, qui auraient pu les aider à traverser une période de difficulté temporaire. Pire encore, ils voient souvent leur avenir s'estomper parce qu'ils héritent d'un casier judiciaire qui fait qu'il leur est très difficile de ravoir ce qu'ils ont perdu. Ce sont là des dommages extraordinaires pour une infraction mineure.

À cette situation s'ajoutent les coupures effectuées dans les services d'emploi, de bien-être et de santé, qui mettent dans la rue, où les gens les craignent, un plus grand nombre de personnes souffrant de troubles mentaux, de familles sans abri et de jeunes sans travail. Le stress professionnel et familial n'aide pas non plus, pas plus que le manque d'attention accordée dans les écoles à la formation en matière de règlement de conflits.

Notre approche actuelle est donc fort onéreuse au point de vue du coût de l'incarcération et des dommages que l'on cause aux êtres humains et, comme dans le cas de la santé, ce ne sont pas seulement les pauvres, mais les riches et les gens de la classe moyenne, qui en paient le prix. Des programmes de surveillance coûtent moins cher que le fait de garder en prison une personne inculpée en attendant son procès, par exemple. Et les mécanismes les plus efficaces pour réduire la criminalité elle-même n'ont rien à voir avec le système de justice pénale. Ces mécanismes comportent des programmes de soutien destinés aux familles qui se trouvent dans une situation vulnérable, de même que la création de débouchés pour les jeunes.

Droits de la personne et développement humain

Un secteur lié à la justice est celui des droits de la personne et du développement humain. Divers instruments juridiques internationaux et la Charte des droits et libertés du Canada énoncent les responsabilités qu'ont les gouvernements de veiller à ce que les citoyens puissent exercer leurs droits. Ces derniers, qui portent sur les questions de nature politique et civile ainsi que sur les aspects sociaux, économiques et culturels, sont une façon d'établir les règles de base de la société. En particulier, les droits « progressistes » ou « positifs », comme le droit à l'éducation et à un niveau de vie raisonnable, prescrivent que lorsqu'une société voit augmenter sa richesse et sa capacité de favoriser le développement humain, il faudrait qu'elle partage ces avantages sans faire de distinction fondée sur le sexe, la race et maints autres facteurs.

Un pays qui jouit d'un degré élevé de cohésion sociale peut compter sur une existence relativement pacifique dans laquelle ses citoyens ont confiance de travailler en collaboration. La présence d'un développement social énergique se manifeste dans la capacité d'une société de soutenir des actions collectives, comme le fait de se soumettre à la primauté de la loi, de faire respecter les contrats conclus entre les citoyens et de soutenir les libertés civiles11 - de façon générale, les aspects qui montrent que les gens sont disposés à travailler ensemble pour le bien commun. Les pays qui ont la pire réputation sur le plan des droits de la personne sont habituellement ceux qui sont aussi les moins stables au point de vue politique et qui, souvent, dépendent de l'oppression armée pour maintenir un semblant d'ordre. Même les gens privilégiés voient leur vie confinée derrière des clôtures, des murs et des systèmes de sécurité, par peur de ceux qui vivent dans le dénuement.

Il existe aussi un lien étroit avec l'économie. De récents travaux menés par des économistes étayent l'idée que la croissance économique et, en particulier, la capacité des économies de supporter des chocs, dépendent de la cohérence de la société et de l'existence d'un développement social énergique. Les pays dont les sociétés sont séparées par des lignes de démarcation ethniques ou économiques et qui ont à leur tête un gouvernement faible, hostile ou corrompu ont moins de chances de résister aux chocs, et courent plus de risques de s'effondrer. Lorsque des chocs sont survenus dans les années 1970 et 1980, les pays qui présentaient ces faiblesses n'ont pu y faire face, et leurs économies en ont profondément souffert - et certaines de ces économies ne s'en sont pas encore remises12.

Le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones nous a fourni un exemple canadien des coûts associés à l'iniquité et à l'exclusion sociale. La marginalisation économique des Autochtones a entraîné des coûts évalués à 7,5 milliards de dollars en 1996. De ce total, 5,8 milliards de dollars ont été attribués au manque à produire dû au fait que les Autochtones ne peuvent pas participer pleinement à l'économie, et 1,7 milliard de dollars aux fonds supplémentaires affectés aux programmes spéciaux mis en ouvre pour régler les problèmes sociaux13.

Au Canada, nous avons entrepris de nous orienter vers un accroissement de la privatisation et de la déréglementation. Nous sommes passés d'une fiscalité axée sur les entreprises à une fiscalité axée sur les particuliers, et avons réduit les taxes et des impôts qui constituent le fondement de programmes qui étayent le bien public commun. Nous avons pu voir récemment l'aspect négatif de cette situation dans les problèmes d'eau potable qu'ont vécus certaines collectivités. Des coupures dans le secteur de l'éducation ont souvent débouché sur l'imposition de frais scolaires pour des activités que les familles démunies ne peuvent se permettre de payer, faisant ainsi des écoles un lieu d'exclusion sociale. Nous voyons apparaître de plus en plus de stress pendant que les familles et les organismes non gouvernementaux tentent de faire face à une diminution des services publics, une intensification de la consommation de produits de luxe parallèlement à un recours accru aux banques alimentaires. On note par ailleurs une dépendance croissante des gouvernements envers les recettes qui découlent des jeux de hasard pour financer des services de base.

Cette polarisation intensifie les tensions sociales. Elle mine le bien public et la dignité humaine des gens, lesquels sont traités comme des clients ou des suppliants qui sont peut-être, ou ne sont peut-être pas, jugés dignes de charité, plutôt que considérés comme des citoyens. Cela coûte à la société la capacité créatrice et productive d'un vaste segment de la population, cela coûte aux gouvernements la confiance et l'appui du public, et cela coûte à une société son humanité.

Travail et capacité productive

Quand on examine le travail et la capacité productive, on note aussi les coûts excessivement élevés de la pauvreté pour les Canadiens. Par exemple, dans le rapport Choisir de travailler : incitatifs et désincitatifs qu'il a publié en 1993, le Conseil a souligné la nette diminution de valeur des salaires minimums depuis 1976, et la tendance en faveur des emplois à temps partiel, précaires et temporaires, au détriment des emplois sûrs et bien rémunérés. L'un des résultats de la diminution des salaires minimums est qu'en 1998 aucun travailleur gagnant le salaire minimum ne pouvait même atteindre le seuil de la pauvreté en accomplissant 40 heures de travail par semaine - et ce, même si ce travailleur n'avait aucune personne à sa charge. Un travailleur ayant un enfant à sa charge aurait eu à effectuer 58 heures de travail par semaine pour atteindre le seuil de la pauvreté à Vancouver, où les salaires minimums sont les plus élevés au pays, et 103 heures de travail par semaine à Winnipeg. Un couple ayant deux enfants aurait eu à accomplir 113 heures de travail par semaine pour atteindre le seuil de la pauvreté à l'Île-du-Prince-Édouard, et 151 heures par semaine à Winnipeg.

Cela crée un obstacle énorme pour les gens qui intègrent et réintègrent la population active rémunérée, surtout lorsqu'ils ont des personnes à leur charge. Pour les mères célibataires, il est presque impossible d'élever des enfants si elles occupent un emploi faiblement rémunéré, de sorte que ces femmes sont souvent tout à fait exclues du secteur de l'emploi. Plus longtemps elles en sont éloignées, plus leur retour est ardu. Un autre obstacle à la participation au marché du travail est le manque d'instruction. Ironiquement, les prêts d'études sont aujourd'hui plus accessibles, alors que la plupart des politiques d'assistance sociale font qu'il est aujourd'hui presque impossible pour les bénéficiaires, comme les mères célibataires, de suivre des études supérieures ou un cours de formation sérieux. Comme le degré d'instruction d'une mère détermine aussi dans une large mesure celui de ses enfants, cette approche manque tragiquement de perspicacité et est vouée à perpétuer le cycle de la pauvreté.

Les constants problèmes d'inégalité au sein du marché du travail canadien dressent des obstacles supplémentaires devant les travailleurs de sexe féminin qui, malgré leur pauvreté, s'efforcent d'élever leur famille. Pour bien des raisons, la rémunération que touchent les femmes est susceptible de baisser considérablement quand elles ont des enfants, et surtout lorsque ceux-ci sont jeunes14.

Le mode d'interaction entre les structures de l'assistance sociale et celles des subventions pour services de garde peut influer grandement sur la situation d'emploi des parents seuls. Élever des enfants exige à la fois l'implication des parents et les ressources financières suffisantes. Dans ce contexte, certains parents n'ont tout simplement pas intérêt à renoncer à l'assistance sociale pour accepter un emploi qui leur procurera un revenu supplémentaire minime en raison d'un taux marginal d'imposition trop élevé et de la réduction des subsides. Par exemple, une étude a évalué qu'un bénéficiaire d'assistance sociale gagnant une rémunération de 8 000 $ pour l'année pourrait accroître son revenu disponible de seulement 2 300 $ par rapport à ses seules prestations15. Dans la réalité, les frais d'habillement et de transport et les autres coûts reliés à un emploi réduiront le revenu disponible qui pourra être consacré à l'enfant. Si on ajoute à cela la diminution du temps disponible pour veiller à l'enfant et interagir avec lui, l'aider dans ses travaux scolaires, pratiquer des sports et des loisirs avec lui, cuisiner et faire la lessive, le jeu n'en vaut peut-être tout simplement pas la chandelle.

Le Projet d'autosuffisance du gouvernement fédéral met actuellement à l'essai des suppléments de revenu temporaires versés à environ 6 000 bénéficiaires de l'assistance sociale monoparentaux au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique, afin de voir si cela peut les aider à effectuer la transition de l'assistance sociale au marché du travail d'une façon plus permanente. Après 36 mois d'existence, le Projet d'autosuffisance a produit des résultats modérément prometteurs. Les parents avaient des emplois et des gains supérieurs, recouraient moins à l'assistance sociale, et les taux de pauvreté étaient inférieurs. L'étude connexe qui a examiné les effets du Projet d'autosuffisance sur les résultats des enfants au point de vue du développement a toutefois donné des résultats plus mitigés. L'un des problèmes constatés pour certains parents résidait dans l'instabilité de leurs arrangements en matière de garde d'enfants.

En fait, un grand nombre des programmes et des politiques qui devraient soutenir les personnes à faible revenu fonctionnent à contre-courant les uns des autres. Les politiques en matière de main-d'ouvre sont insuffisantes pour soutenir les personnes à faible revenu qui tentent de se trouver une place sur le marché du travail, les possibilités d'instruction et de formation insuffisantes dressent d'autres obstacles, et la pénurie de places dans les garderies fait qu'il est quasi impossible pour bien des parents de participer de façon pleine et entière aux activités d'éducation et de formation ainsi qu'au marché de l'emploi. Les économies que réalisent les gouvernements en sabrant dans ces programmes - ou en négligeant de les fournir adéquatement au départ - font augmenter les coûts ailleurs dans le système social.

Les participants à des programmes d'éducation et de formation, par exemple, ont plus de difficulté à apprendre et risquent davantage de décrocher lorsqu'ils sont stressés en raison de problèmes financiers, du manque de temps, de la faim ou des arrangements nécessaires à la garde de leurs enfants. Une étude a évalué à quatre milliards de dollars par année les pertes encourues par la société canadienne en raison du décrochage scolaire au secondaire, sous forme de diminution des recettes fiscales et de coûts de l'aide gouvernementale accordée pendant les périodes de chômage16. Étant donné que la plupart des emplois, et surtout ceux qui sont suffisamment bien rémunérés pour subvenir aux besoins d'une famille, exigent maintenant des études postsecondaires, nous ne pouvons pas nous permettre de négliger les investissements qui permettront aux personnes à faible revenu de parfaire leur éducation et leur formation.

Notre rapport de 1997 intitulé Un autre regard sur la réforme du bien-être social montre comment, dans toutes les provinces et tous les territoires, les mesures prises pour aider les assistés sociaux à accéder au marché du travail, y compris les parents seuls ayant des enfants âgés d'aussi peu que six mois, ont été mises en ouvre sans que l'on fournisse les mécanismes de soutien familial, les activités de formation et les services de garde dont ces parents auraient besoin pour faire une transition fructueuse entre l'assistance sociale et le marché du travail.

Quand les gouvernements s'efforcent en priorité de réduire la dépendance des gens envers l'assistance sociale plutôt que d'amoindrir véritablement la pauvreté ou d'aider les parents à concilier travail rémunéré et vie familiale, la population active en souffre elle aussi. Bien des critiques ont fait état des effets dommageables de cette approche sociale sur les familles, et particulièrement sur celles dont le chef est une femme17. Nous sommes tous perdants si la clientèle de l'assistance sociale est réduite au moyen de coupes et d'exclusions qui obligent certaines femmes à reprendre une relation entachée de violence ou à confier leurs enfants au service de protection de l'enfance. Les coûts à long terme associés à la lutte contre la violence familiale, au placement en famille d'accueil et aux autres services de protection de l'enfance peuvent être bien des fois supérieurs aux économies réalisées au chapitre de l'assistance sociale.

Lorsque l'on examine le travail dans son sens le plus large, on relève au Canada des problèmes qui nous coûteront fort cher plus tard. Le travail est de plus en plus polarisé. Certaines personnes n'ont pas assez de travail, d'autres en ont trop. Les femmes ayant de jeunes enfants et exerçant un emploi à temps plein sont au nombre des personnes qui sont les plus surchargées de travail et les plus stressées par les exigences d'activités insuffisamment rémunérées sur le marché du travail et d'activités non rémunérées à domicile. Il est regrettable de dire que les hommes sont encore bien loin de partager d'une manière équitable la responsabilité du soin des enfants. En revanche, de nombreuses personnes, dont des hommes gagnant des revenus élevés, accomplissent de très longues heures de travail, ce qui ne leur laisse aucun temps à consacrer à leur famille. Si l'on tient compte du fait que le manque d'attention des parents est une cause importante de problèmes de comportement, y compris de comportements criminels, cette situation présente un coût intergénérationnel.

En outre, la population du Canada vieillit, et notre population active s'amenuise. Pourtant, les gens même sur lesquels nous comptons le plus comme travailleurs dans l'avenir rapproché pour soutenir notre population active, notre niveau de vie et nos pensions sont ceux qui, aujourd'hui, sont les plus exposés à la pauvreté et au dénuement : les enfants, les Autochtones, dont la population est nettement plus jeune que celle des Canadiens non autochtones, et les immigrants. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ce potentiel en faisant abstraction du développement humain de ces populations.

Développement des enfants

Le coût de la pauvreté infantile est le dernier secteur - et peut-être le plus important - dont nous traiterons, car les enfants sont notre avenir. Et si nous ne permettons pas à nos enfants de profiter d'un bon départ, les effets pourraient être irréparables et limiter leur épanouissement pendant le reste de leur vie. En dépit de cela, les enfants ont été plutôt mal servis par les politiques publiques, hormis les services d'instruction de base, et les enfants sont aussi laissés pour compte dans les premières années critiques de leur développement. L'une des raisons à cela est que ces derniers occupent peu de place dans nos préoccupations concernant l'économie de marché, parce qu'ils ne gagnent pas de revenu. En fait, ils consomment des ressources et empêchent leurs parents de contribuer davantage au PIB.

L'autre aspect de cette préoccupation est que l'on a dévalué dans notre société les soins et les relations humaines. Nous ne payons pas pour les soins en tant que bien public par l'entremise de nos taxes et de nos impôts, et nous payons fort peu pour eux au sein du marché. En effet, parmi les 524 occupations classées en fonction du revenu au Canada, les gardiennes d'enfants et les gouvernantes se situent à la toute fin, alors que les éducatrices et aide-éducatrices de la petite enfance font à peine mieux avec une 501e place18. Ce travail continue toutefois d'être accompli surtout par des femmes, lesquelles supportent les coûts de cette responsabilité sociale qui profite à tous. Le coût de la pauvreté infantile est donc principalement aussi un coût de la discrimination sexuelle. Fait intéressant, c'est en rapport avec les enfants que certains des calculs de rentabilité les plus concrets ont été effectués.

De nombreuses études sur les bons programmes d'instruction précoce destinés aux enfants à risque élevé et à leur famille font état d'une amélioration remarquable du développement des enfants qui y avaient participé. Les améliorations allaient de meilleurs résultats scolaires à un meilleur état de santé, deux facteurs qui ont une incidence directe sur les coûts de la pauvreté pour les gouvernements du Canada. Aux États-Unis, les responsables de programmes de visites à domicile ont relevé une baisse impressionnante des taux d'accident chez les enfants19 et, en Suède, les responsables des programmes de garderies publiques ont relevé de meilleurs résultats lors de tests concernant l'aptitude verbale et les matières scolaires chez les enfants qui étaient inscrits à leurs programmes en bas âge20. Aux États-Unis, les responsables des programmes « Head Start »ont relevé des améliorations sur le plan de l'immunisation et de la nutrition, de même que sur le plan des résultats d'évaluation du quotient intellectuel. De nombreux responsables de programmes américains ont constaté que les enfants qui suivent des programmes de bonne qualité destinés à la petite enfance ont moins de risques d'être placés dans des programmes d'éducation spéciaux, ont moins de risques d'échouer une année scolaire, ont plus de chances d'atteindre des niveaux élevés de scolarité et risquent moins d'avoir des démêlés avec la loi21.

Dans le cas d'un important programme américain, il a été évalué que le travail auprès d'enfants « à risque élevé », rapportait une économie de 7,16 $ pour chaque dollar consacré au niveau préscolaire. On dépensait en moyenne 12 356 $ pour chaque enfant pendant deux années d'activités préscolaires. Lorsque les chercheurs ont effectué un suivi auprès de ces enfants à l'âge de 27 ans, ils ont calculé une économie de 6 287 $ en frais d'instruction primaire, secondaire et postsecondaire, car les enfants avaient moins de risques de doubler une année scolaire ou de recourir à des services supplémentaires comme des cours spéciaux ou en pensionnat. Les enfants qui fréquentaient un programme préscolaire avaient plus de chances de gagner un revenu supérieur à l'âge adulte, et l'augmentation des taxes et des impôts qu'ils payaient se chiffrait à 8 847 $ par personne. Les anciens élèves de programmes préscolaires avaient moins de risques d'être associés à des actes criminels - soit comme victimes, soit comme auteurs - et la valeur a été calculée à 12 796 $ d'économies pour le système judiciaire et à 57 585 $ en réduction de coûts pour les victimes d'actes criminels. Les économies réalisées par le système de bien-être ont été évaluées à 2 918 $ par personne22.

Les auteurs d'une autre recherche menée aux États-Unis font également ressortir qu'une intervention précoce et de grande qualité chez les enfants défavorisés sur le plan social et leurs familles constitue un sain investissement économique - pour les enfants et leurs familles, ainsi que pour la société. Les preuves empiriques font clairement ressortir la valeur économique de ces investissements pour les contribuables, et ce, en dépit de leur coût élevé, ce qui dénote que le fait de soutenir les coûts de la création de ces services ne devrait pas être un obstacle de taille aux politiques publiques23.

Au Canada aussi nous avons des preuves que lorsque les programmes d'éducation destinés à la petite enfance comportent également des services qui permettent aux parents de laisser leurs enfants durant la journée pour finir leurs études et trouver un emploi, cela augmente davantage la valeur de ces programmes pour l'économie. Dans une étude menée en 1998, des économistes de l'Université de Toronto ont estimé que les avantages d'un système universel abordable et de grande qualité, fournissant des services de garderie et des services d'éducation à la petite enfance, se chiffrait à 7,9 milliards de dollars. Ils ont calculé que la valeur de l'accroissement des activités professionnelles des mères de ces enfants si un tel système existait serait de 6,2 milliards de dollars, et que l'amélioration du développement des enfants vaudrait 4,3 milliards de dollars - en tout, une économie d'environ 2 $ pour chaque dollar dépensé24.

Toujours au Canada, une étude préliminaire du système des garderies à 5 $ par jour qui existe au Québec a indiqué que ce système était parvenu à réduire de 37 p. cent le nombre de mères célibataires bénéficiaires de l'assistance sociale25. Bien que le programme soit aux prises avec les problèmes que posent de longues listes d'attente et des dépassements de coûts, ses premiers effets sont impressionnants. Les économies de cette nature sur le coût de l'assistance sociale pourraient compenser sans difficulté les coûts de mise en ouvre du système de garderies. Une évaluation plus poussée des effets des politiques familiales du Québec devrait donner de plus amples informations sur les résultats obtenus chez les enfants et chez les familles, sur l'égalité des femmes et des hommes sur le marché du travail, ainsi que sur le coût global de ces politiques pour le système de santé, d'éducation et de services sociaux.

À l'Université McMaster, un projet étudie actuellement les effets de services directs sur 765 familles monoparentales et 1 300 enfants qui vivaient de l'assistance sociale depuis quatre ans. L'étude a fourni divers services directs dont bénéficient habituellement les familles qui se trouvent dans cette situation : des services de loisirs ou de garde subventionnés pour les enfants, des infirmières spécialisées en hygiène publique pour les mères, une formation en matière d'emploi pour les mères, ou une combinaison de ces quatre genres de services.

L'étude a ensuite suivi l'état de santé, les dépenses au titre des services sociaux et des soins de santé, ainsi que la situation sur le plan de l'assistance sociale des familles. Près de la moitié (45 p. cent) des mères participant à l'étude présentaient les signes et les symptômes d'une grande dépression lorsque le projet a commencé. Les parents déprimés engageaient aussi des dépenses annuelles supérieures pour l'utilisation qu'eux-mêmes et leurs enfants faisaient des services publics sociaux et de soins de santé.

Deux ans après le début de l'étude, les chercheurs ont découvert que les taux de dépression des mères étaient tombés de près de moitié, à 20 p. cent seulement. Les résultats relatifs à l'adaptation sociale des mères s'étaient améliorés. Chacun des services offerts aux familles menait à une diminution de la dépendance à l'égard de l'assistance sociale. Les chercheurs estiment que l'augmentation du nombre de parents qui quittent l'assistance sociale vaut 300 000 $ par année pour chaque tranche de 100 mères. S'ajoutent à cela les économies que représente une utilisation réduite du système public des soins de santé. En outre, tous les coûts liés à la prestation de ces services étaient entièrement compensés par la réduction des coûts liés à l'utilisation, par les parents et les enfants, des services de médecins, d'autres professionnels et du système de protection de l'enfance. La prestation de services de garde et de loisirs - même sans la combinaison d'autres services - était la solution la plus efficace, et la plus rentable26.

Malgré ces preuves concrètes que la pauvreté est coûteuse à bien des égards, peu de choses ont toutefois changé. Selon l'analyse faite par le Conseil national du bien-être social des données produites par Statistique Canada pour une étude dont les résultats seront bientôt rendus publics dans le Profil de la pauvreté 1999, nous n'avons guère ébréché la pauvreté infantile, les enfants d'âge préscolaire constituent le groupe le plus susceptible de vivre dans la pauvreté et la situation des mères seules s'est peu améliorée au cours des 20 dernières années. On y apprend également que les gens sont plus nombreux à vivre dans la pauvreté à un moment ou à un autre que ne l'indiquent les données annuelles. Cette situation ne peut plus durer.

QUE FAUT-IL FAIRE?

Le Conseil national du bien-être social croit qu'il est nécessaire de changer la manière dont nous abordons la pauvreté et le bien-être social. Les éléments qui sont nécessaires, en priorité, comprennent ce qui suit :

1) LEADERSHIP ET VOLONTÉ POLITIQUE

  • Il existe un grand nombre de travaux de recherche, d'analyses, de preuves et d'idées que l'on peut mettre en action. Ce qui manque, c'est le leadership, l'esprit d'initiative et la volonté, surtout à l'échelon fédéral, qui permettront aux Canadiens de bénéficier d'une amélioration réelle de leur qualité de vie.
  • Le marché n'a pas - et ne peut pas - fournir l'infrastructure et les services sociaux qui favorisent le bien public et l'intérêt public national - ce rôle revient à des gouvernements responsables.

2) PLANIFICATION HOLISTIQUE ET EXHAUSTIVE

  • Le Conseil national du bien-être social a souvent noté les difficultés qu'ont les personnes à faible revenu à trouver leur chemin dans le dédale des programmes sociaux communautaires, et le manque d'intégration des divers services et des diverses politiques de tous les paliers de gouvernement, lesquels devraient fonctionner à l'unisson de manière à soutenir les gens.
  • Les gouvernements doivent examiner sérieusement ce que coûte la pauvreté sur le plan du temps, des efforts et de l'argent que l'on gaspille en déplaçant simplement les coûts d'un programme à un autre pendant que les gens font la transition de l'assurance-emploi à l'assistance sociale et vice versa, ou sont orientés vers le système des soins de santé ou le système de justice pénale parce qu'ils ont eu à supporter, en tant qu'individus, un fardeau excessif.
  • Toutes les politiques, depuis la fiscalité jusqu'à l'éducation, en passant par l'emploi et la justice, devraient être vérifiées, avec communication publique des résultats, afin de s'assurer qu'elles contribueront à réduire l'écart qui sépare les riches des pauvres ou, à tout le moins, qu'elles ne causeront pas plus de dommages.
  • Si, en Europe, des pays différents sont en mesure de s'unir pour élaborer des plans d'action fondés sur les droits de la personne, fixer des objectifs, établir des indicateurs et évaluer les progrès accomplis, il va sans dire que dans un seul pays comme le nôtre, nous pouvons faire aussi bien. L'historique difficile récent des relations fédérale-provinciales / territoriales et la disparité grandissante entre les diverses régions du pays ne reflètent pas ce que les Canadiens ont en commun, et il grand temps que cela change.

3) PRENDRE APPUI SUR LES SUCCÈS OBTENUS

  • Il existe de bons exemples de ce qui fonctionne bien au Canada et dans d'autres pays. Le système des soins de santé universels du Canada est un véritable symbole national. Et notre régime de pensions public est un autre exemple marquant de la mesure dans laquelle il est possible de réduire la pauvreté, chez les personnes âgées en l'occurrence, si on a la volonté de le faire. Ces programmes ne sont peut-être pas parfaits, mais ils ont réellement changé les choses. Ils reconnaissent que n'importe qui peut tomber malade et que tout le monde vieillit, et que les gens ont des préoccupations communes, qu'ils soient étudiants, employés ou fournisseurs de soins.
  • Si nous adoptons des mesures ciblées parallèlement à une approche universelle, cessons au moins de cibler les gens et occupons-nous plutôt des circonstances qui les rendent vulnérables à la pauvreté. Nous devrions notamment nous employer à hausser les salaires minimums, réduire les taux marginaux d'imposition beaucoup trop élevés pour les personnes à faible revenu, offrir des mesures de soutien plus progressives au titre de la formation et de la garde d'enfants, lutter contre la discrimination sexuelle et améliorer l'appui social offert aux familles qui comptent des enfants.

4) COMMENCER PAR LES FAMILLES QUI ONT DE JEUNES ENFANTS

  • Pour dire les choses simplement, le Canada a besoin d'une politique familiale cohérente, car il n'en a pas. Il s'agit là du secteur où l'on risque le plus de subir une perte si nous n'intervenons pas. Les Canadiens appuient sans conteste le soutien universel, via le financement public de l'éducation, pour tous les enfants de la maternelle à la fin du secondaire, et nous sommes pleinement conscients des avantages qu'une telle approche procurera à nos enfants. Compte tenu de ce que nous savons de l'importance du développement de la petite enfance, nous devrions accorder un soutien public au moins équivalent aux enfants de cinq ans et moins. Pour ce faire, ils nous faut dès maintenant intégrer à nos politiques des normes universelles nationales concernant les enfants d'âge préscolaire, notamment au chapitre de la reconnaissance fiscale, des subventions pour la garde d'enfants et de l'accès des parents aux mesures de soutien nécessaires pour s'occuper de leur famille et subvenir à ses besoins. Les bénéficiaires de l'assistance sociale doivent avoir accès à ces mécanismes de soutien, y compris à l'aide à l'éducation postsecondaire.
  • L'exemple du soutien des familles grâce à l'apport d'améliorations récentes aux prestations parentales et de maternité est bon, mais cette mesure ne profite qu'aux parents qui ont déjà de solides liens avec le marché du travail et qui gagnent de bons revenus, et non aux familles qui en ont le plus besoin. Une prestation équivalente pour les nourrissons et les parents non admissibles à l'assurance-emploi contribuerait dans une large mesure à aider à prévenir la pauvreté, le stress, la dépression et la désintégration familiale, et améliorerait les résultats qu'obtiennent les enfants. Cela pourrait être considéré comme une avance sur de futures cotisations à l'assurance-emploi, vu que la très grande majorité des jeunes mères d'aujourd'hui passeront des dizaines d'années sur le marché du travail au cours de leur vie adulte.
  • On ne peut ignorer le besoin d'établir un programme national qui permet de fournir des services de développement et de garde de bonne qualité, accessibles et abordables.
  • Il faut aussi faire des efforts nettement supérieurs, dans le contexte de la réduction des taux généraux de pauvreté, pour améliorer le sort des plus démunis. Par exemple, le régime de la Prestation fiscale pour enfants, malgré ses aspects positifs, ne profite pas aux familles vivant de l'assistance sociale et aux familles monoparentales en particulier parce qu'il ne reconnaît pas les limites temporelles de leur vie.

CONCLUSION

La pauvreté est beaucoup trop coûteuse pour tous et chacun d'entre nous. Certains coûts, ceux de la souffrance humaine notamment, sont souvent tout simplement incalculables, mais n'en demeurent pas moins évitables. D'autres coûts, davantage reliés à l'économie, peuvent tout de même être très difficiles à chiffrer avec précision. Ce qui importe toutefois vraiment, c'est que nous puissions quantifier le coût exact de la pauvreté. Comme société, nous devons nous fixer des objectifs précis, comparer les avantages aux coûts à court et à long terme, évaluer nos progrès et bien comprendre que nous en avons toujours seulement pour notre argent. Une qualité de vie élevée coûtera cher, mais nous devrions investir sagement, pour le bien public à long terme, afin d'obtenir de meilleurs résultats qui profiteront à tous les Canadiens.


NOTES

  1. Christopher, Karen; England, Paula; McLanahan, Sara; Ross, Katherine et Smeeding, Timothy M., édité par Vleminckx, Koen et Smeeding, Timothy M., "Gender inequality in poverty in affluent nations: the role of single motherhood and the state", Child well-being, Child Poverty and Child Policy in Modern Nations, (Bristol, UK: The Policy Press, 2001).
  2. Statistique Canada, Travail non rémunéré des ménages : mesure et évaluation, 1995
  3. Ibid.
  4. Voir, par exemple, les travaux sur l'Indice de progrès réel (IPR) Atlantique, la Fédération canadienne des municipalités, le Centre d'étude des niveaux de vie et les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques. Plusieurs ministères fédéraux ont aussi contribué au travail sur les indicateurs sociaux, y compris Statistique Canada, Développement des ressources humaines Canada, Patrimoine canadien et Condition féminine Canada.
  5. Evans, R.G., Why Are Some People Healthy and Others Not? (New York : Aldine de Gruyter, 1994).
  6. Ibid.
  7. Ibid.
  8. Wilkins, Russell et Sherman, Gregory J. ,"Low Income and Child Health in Canada", Health and Canadian Society: Sociological Perspectives, Third Edition.
  9. Roberts, Paul A. et Scott, Katherine, Variations des résultats développementaux chez les enfants des familles monoparentales, Direction générale de la recherche appliquée, Développement des ressources humaines Canada, octobre 1998.
  10. Ross, David P.; Scott, Katherine et Kelly, Mark A., Aperçu : Les enfants du Canada durant les années 1990, Direction générale de la recherche appliquée, Développement des ressources humaines Canada, novembre 1996.
  11. Woolcock, Michael, The Place of Social Capital in Understanding Social and Economic Outcomes (Isuma: Canadian Journal of Policy Research, Volume 2, No. 1, printemps 2001).
  12. Ibid.
  13. Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, chapitre 2 « Disparités économiques, Dépenses publiques et coût du statu quo », volume 5 Vingt ans d'action soutenue pour le renouveau, ministre des Approvisionnements et Services, 1996.
  14. Harkness, Susan et Waldfogel, Jane, Centre for Analysis of Social Exclusion, The Family Gap in Pay: Evidence from Seven Industrialized Countries (London: London School of Economics, 1999).
  15. Cleveland, Gordon ; Merrigan, Philip et Hyatt, Douglas Subsidizing child care for low-income families : a good bargain for Canadian governments? (Montréal : Institut de recherche en politiques publiques, 1998).
  16. Lafleur, B., Les coûts du décrochage scolaire pour le Canada (Conference Board du Canada, Ottawa, 1992).
  17. Baker, Maureen et Tippin, David, Poverty, Social Assistance and the Employability of Mothers: Retructuring the Welfare States (Toronto: University of Toronto Press, 1999).
  18. Statistique Canada, série Le pays (no de catalogue 93E0029XDB96005), fondé sur les données du recensement de 1996 (dollars constants de 1995), tri selon le revenu annuel moyen pour un emploi à temps plein.
  19. Olds, David L.; Henderson, Charles R. fils et Kitzmann, Harriet, « Does Prenatal and Infancy Nurse Home Visiting Have Enduring Effects on Qualities of Parental Caregiving and Child Health at 25 to 50 Months of Life », Pediatrics (Volume 93, numéro 1, janvier 1994).
  20. Andersson, Bengt-Erik, « Effects of Public Day-Care: A Longitudinal Study », Child Development, 1989, et Andersson, Bengt-Erik, « Effects of Day-Care on Cognitive and Socioemotional Competence of Thirteen-Year-Old Swedish Schoolchildren », Child Development (1992).
  21. Campbell, Frances et Taylor, Karen, « Early Childhood Programs That Work for Children from Economically Disadvantaged Families », Young Children, (Mai 1996); Spence Boocock, Sarene, « Early Childhood Programs in Other Nations: Goals and Outcomes », The Future of Children, (Volume 5, numéro 3, hiver 1995); Schorr, Lisbeth B., Within our Reach: Breaking the Cycle of Disadvantage (New York: Anchor Books, 1989); Schweinhart, Lawrence J.,; Barnes, Helen V. et Weikart, David P., Significant Benefits: The High/Scope Perry Preschool Study Through Age 27 (Ypsilanti, Michigan, The High/Scope Press, 1993).
  22. Schweinhart, Lawrence J.; Barnes, Helen V. et Weikart, David P., Significant Benefits: The High/Scope Perry Preschool Study Through Age 27 (Ypsilanti, Michigan, The High/Scope Press, 1993). Toutes les données de cette étude sont en dollars US.
  23. Barnett, W. Steven et Escobar, Colette M., « Economic Costs and Benefits of Early Intervention », Handbook of Early Childhood Intervention, sous la direction de Meisels, Samuel J. et Shonkoff, Jack P. (New York: Press Syndicate of the University of Cambridge, 1990).
  24. Cleveland, Gordon et Krashinsky, Michael, The Benefits and Costs of Good Child Care: The Economic Rationale for Public Investment in Young Children (Toronto: University of Toronto, 1998).
  25. Orwen, Patricia, « Quebec Child-Care Funding Leads to Drop in Welfare Cases » Toronto Star (1er juin 2001).
  26. Browne, Gina et coll., « Investments in Comprehensive Programming: Services for Children and Single-Parent Mothers on Welfare Pay for Themselves within One Year », Our Children's Future: Child Care Policy in Canada, sous la direction de Cleveland, Gordon et Krashinsky, Michael (Toronto: University of Toronto Press, 2001).

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Date Modified:
2012-09-27