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Le sens des sous pour résoudre la pauvreté

AUTOMNE 2011 | VOLUME no130

On peut obtenir des exemplaires du présent rapport au :

Conseil national du bien-être social
112, rue Kent, 9e étage
Place de Ville, Tour B
Ottawa (Ontario) K1A 0J9
Tél. : 613-957-2961/ Télécopieur : 613-957-0680
Courriel : info@cnb-ncw.gc.ca
Site Web : www.cnb-ncw.gc.ca

Le présent document est offert en médias substituts sur demande (gros caractères, braille, audio sur cassette, audio sur DC, fichiers de texte sur disquette, fichiers de texte sur DC, ou DAISY). Vous devez composer le 1 800 O Canada (1 800 622-6232). Les personnes malentendantes ou ayant des troubles de la parole qui utilisent un téléscripteur (ATS) doivent composer le 1 800 926-9105.

Also available in English under the title:

NATIONAL COUNCIL OF WELFARE REPORTS/THE DOLLARS AND SENSE OF SOLVING POVERTY

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2011
No de cat. HS54-2/2011F
ISBN 978-1-100-97685-3

Convention de la poste-publications no 40065597
Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada au :
112, rue Kent, 9e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0J9
Courriel : info@cnb-ncw.gc.ca


Table des matières


Remerciements

Le Conseil national du bien-être social tient à remercier pour leurs idées et éléments probants tous ceux et celles dont le travail est mentionné dans le présent rapport ainsi que les auteurs et examinateurs externes qui ont témoigné leur soutien et se sont engagés à s'attaquer à la pauvreté. Comme notre rapport vise surtout à mettre en rapport les idées et à cerner les tendances dans différents domaines, nous ne pouvons pas aller en profondeur — mais il est certes possible de le faire. On ne saurait trop insister sur le fait qu'il y a une multitude de documents qui sous-tendent les exemples utilisés dans le présent rapport, et nous espérons que les lecteurs et lectrices intéressés consulteront la bibliographie complète qui se trouve sur notre site Web à l'adresse suivante : www.cnb-ncw.gc.ca. Nous avons tenté d'utiliser le langage le plus simple et le plus clair possible et de choisir des exemples qu'un vaste lectorat comprendrait. La prise de ces décisions s'est révélée difficile, compte tenu de l'abondance de la documentation. Nous avons tiré d'ouvrages de plus grande portée ce qui nous a semblé le plus pertinent aux fins de notre rapport sur la pauvreté. Il est donc possible que nous n'ayons pas présenté tous les objectifs des auteurs ni d'autres aspects importants de leurs travaux. Pour obtenir de plus amples détails sur un sujet donné, nous invitons les lecteurs et lectrices à consulter les publications originales.


Mot du président

John Rook Président

Chers lecteurs et lectrices,

En lisant les pages suivantes, vous découvrirez l'image troublante de la pauvreté au Canada. Vous prendrez aussi connaissance d'un modèle d'investissement prometteur pour tous les Canadiens et les Canadiennes. Au fil de votre lecture et de votre réflexion, je vous invite à prendre part à la création de solutions durables à la pauvreté. En les mettant en œuvre, nous serons tous gagnants, quels que soient nos origines ou nos divers intérêts concernant la famille, la communauté, les entreprises ou le gouvernement. Bon nombre de Canadiens et Canadiennes semblent être préoccupés par l'idée que réduire la pauvreté supposerait d'engager des dépenses plus importantes à l'égard des personnes vivant dans la pauvreté, tout en laissant la situation des autres se détériorer. Toutefois, le nombre grandissant de recherches et d'expériences démontre  le contraire. Il est démontré que les investissements en vue de réduire la pauvreté améliorent le bien-être de toute la population.

Imaginez un jour où il faudrait consulter un livre d'histoire pour expliquer la pauvreté à nos petits-enfants. Je travaille dans le domaine du logement, et ma réalité est de voir que mon jeune garçon comprend l'itinérance à un point tel que cela est à la fois troublant et déprimant. L'itinérance au Canada n'est certainement pas une réalité que nous voulons parvenir à accepter comme étant familière ou normale. Sans aucun doute, nous pouvons bâtir une meilleure société où les gens vivraient sous un toit décent, auraient suffisamment de nourriture pour combler leur faim et auraient un monde de possibilités à la portée de la main. Dans cette société, un revenu de travail serait plus que suffisant pour joindre les deux bouts.

Au Canada, particulièrement au sein de certains groupes, les effets de la pauvreté sont profonds et ils se propagent d'une génération à l'autre. Nous devons de toute urgence mobiliser les ressources dont nous avons besoin pour lutter contre la menace de ce fléau et prévenir la persistance de la pauvreté.

Comme le démontre ce rapport, la peur peut être un élément de motivation puissant et s'avérer efficace en cas de crise, mais elle ne suffit pas à maintenir la mobilisation.

Il faut se doter d'un plan pratique pour réaliser des progrès durables. À la suite de la plus récente crise financière, le gouvernement fédéral a annoncé que « les vieilles hypothèses doivent être éprouvées et les décisions d'autrefois, repensées ». C'est précisément la thèse qui sous-tend le rapport intitulé Le sens des sous pour résoudre la pauvreté. Ce rapport démontre comment nous avons adopté des modèles de dépenses onéreux qui entraînent des coûts indirects élevés, et il explique pourquoi nous n'obtenons pas les résultats voulus. Fait plus important encore, il révèle l'existence d'approches plus efficaces et prometteuses à l'égard de la pauvreté. Ce que nous devons faire, c'est appliquer le meilleur de notre expérience et de notre savoir-faire à une stratégie coordonnée d'investissements centrée sur les personnes, et surtout sur les moins nantis. Toute la population canadienne en retirerait des bénéfices, tout autant sur le plan financier que du bien-être.

Votre participation et votre engagement sont au cœur de la solution.

Sincères salutations,

John Rook

John Rook
Président


Aperçu

La pauvreté nous coûte trop cher. Le Conseil national du bien-être social a donné des exemples à cet égard dans son rapport de 2002 intitulé Le coût de la pauvreté. En 2006, dans Résoudre la pauvreté : Quatre pierres angulaires d'une stratégie nationale viable pour le Canada, nous avons décrit un modèle de gouvernance fondé sur une vision, des plans et des budgets à long terme, sur la responsabilisation et sur des mesures permettant d'évaluer les progrès.

Le sens des sous pour résoudre la pauvreté étoffe le propos de ces deux rapports en fournissant d'autres exemples tirés d'un nombre grandissant d'études et en faisant ressortir des conclusions pouvant nous aider à établir une vision plus claire, à concevoir des plans et des budgets plus efficaces, à améliorer la reddition de comptes aux Canadiens et Canadiennes et à réaliser des progrès en mesurant ce qui compte.

Le présent rapport aide à mieux comprendre :

  • pourquoi les coûts liés à la pauvreté sont beaucoup plus élevés que ne le pensent de nombreuses personnes;
  • pourquoi la pauvreté persiste dans les pays riches, malgré le grand nombre de politiques et de programmes mis en place à l'intention des personnes vivant dans la pauvreté;
  • quels facteurs économiques et sociaux doivent être pris en compte pour que les politiques gouvernementales réussissent à mettre fin à la pauvreté;
  • comment un large éventail d'exemples de coûts que nous payons actuellement se comparent aux économies et aux retombées positives d'investissements éventuels;
  • le rôle du gouvernement, l'expérience du Canada et la possibilité de connaître un plus grand succès.

Le rapport révèle ce qui suit :

Le coût total de la pauvreté est plus élevé que ne le pensent un grand nombre de personnes

  • Les coûts et les conséquences de la pauvreté sont beaucoup plus importants que les dépenses directes effectuées à l'égard des programmes de lutte contre la pauvreté. Nous voyons quel est le coût total lorsque les coûts indirects et les coûts pour la société sont pris en compte.
  • L'écart de pauvreté enregistré au Canada en 2007 — c'est-à-dire le montant qu'il aurait fallu pour que tout le monde puisse être juste au-dessus du seuil de pauvreté — était de 12,3 milliards de dollars. Or, le coût total de la pauvreté cette année-là était au moins deux fois plus élevé selon les estimations les plus prudentes.
  • La grande conclusion qui se dégage d'études menées au Canada et dans d'autres pays, c'est que le fait d'investir dans l'élimination de la pauvreté engendre moins de coûts que si on la laisse persister.  

Les coûts indirects et sociaux liés à la pauvreté sont les plus importants

  • Les Canadiens et Canadiennes dépensent le plus dans les domaines les moins productifs pour tenter de régler de coûteux problèmes liés à l'inégalité, à l'insécurité et à la pauvreté qui peuvent être empêchés.
  • À titre d'exemple, si une personne n'a pas les moyens d'acheter des médicaments, elle se retrouve à l'urgence; sans soutien pour se procurer des services de garde, une mère ne peut occuper un emploi rémunéré; si une personne n'a pas de logement, elle ne peut ni soigner une maladie ni prendre un emploi. 
  • Plus les problèmes économiques et sociaux sont importants, moins les personnes, les familles, les collectivités ou les entreprises arrivent à répondre à leurs besoins; il y a donc plus de chances que le gouvernement doive s'en mêler — ce qui signifie que nous payons tous une facture plus salée.

Une approche axée sur l'investissement est nécessaire non seulement pour atténuer les symptômes de la pauvreté, mais pour mettre fin à celle-ci

  • Le proverbe « mieux vaut prévenir que guérir » s'applique tout autant au problème de la pauvreté qu'à n'importe quel autre problème.
  • Une approche à long terme axée sur l'investissement favorise davantage le bien-être et le développement humains qu'une approche à court terme axée sur la dépense qui s'attache surtout aux coûts.
  • Nous pourrions obtenir de meilleurs résultats sur le plan humain et financier en contribuant à une plus grande productivité et à un meilleur bien-être. Cela se traduira par des taux de pauvreté plus faibles, une baisse de la pression exercée sur le système de santé et d'autres systèmes de services publics et moins de stress, d'angoisse et de dettes dans nos vies. 
Pour investir efficacement, nous devons comprendre à quoi tient le bien-être humain
  • La pauvreté n'est ni inévitable, ni naturelle, ni trop complexe à gérer.
  • La pauvreté va bien au-delà de l'argent, car notre vie ne se résume pas aux questions d'argent. Le travail que nous faisons sans être rémunérés et le temps que nous consacrons à la famille, aux amis, à la collectivité, à l'éducation ou au sommeil sont essentiels à notre bien-être et à notre qualité de vie.
  • Le stress lié au temps peut influer autant que le stress lié au revenu sur la capacité de subvenir à ses besoins. Être pauvre au Canada, ça prend beaucoup de notre temps.
  • Les réseaux sociaux et la capacité d'avoir un certain contrôle sur sa vie sont importants pour tout le monde. Selon des études scientifiques, un peu de stress nous fait du bien, mais trop de stress peut nuire au corps et au cerveau et déclencher des maladies physiques et psychologiques.
  • L'atteinte d'un bien-être accru exige un meilleur équilibre et une relation plus étroite entre les aspects économiques et sociaux de notre vie.
  • Une bonne gouvernance, où les gens participent et font confiance aux institutions et aux politiques gouvernementales, contribue à la réalisation des objectifs économiques et sociaux.
Le Canada a la capacité d'investir dans le bien-être et d'éradiquer la pauvreté
  • Le Canada est un pays riche. Nous avons énormément de connaissances et d'expérience, de bons modèles de politiques gouvernementales et une population qui a le cœur à la bonne place. Nous avons réussi à réduire considérablement la pauvreté chez les aînés au cours des dernières décennies.
  • En tant que pays, nous sommes au milieu du peloton inter-national et perdons du terrain à l'égard de certains indicateurs clés du bien-être. Si nous pouvons renverser la vapeur, éviter de gros problèmes nécessitant des solutions beaucoup plus coûteuses et investir de façon beaucoup plus judicieuse, notre avenir peut s'avérer plus prometteur et plus durable.
Nous tirerons tous et toutes avantage d'un Canada sans pauvreté
  • En tant que Canadiens et Canadiennes, nous gagnons tous et toutes à avoir du temps et de l'argent à consacrer à des choses qui nous tiennent à cœur (personnellement et collectivement) et qui enrichissent notre vie. 
Recommandations relatives aux mesures à prendre

Les tendances qui ressortent du présent rapport, ainsi que les délibérations du Conseil et les discussions que nous avons eues avec des gens de nombreux horizons, montrent clairement que l'éradication de la pauvreté est sensée sur le plan économique. Selon le Conseil national du bien-être social, le Canada peut accomplir cela, dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, en faisant ce qui suit :

  1. Adopter une stratégie pancanadienne d'éradication de la pauvreté qui s'appuie sur les quatre pierres angulaires du Conseil à titre de modèle de gouvernance, prend appui sur des stratégies et des initiatives existantes visant à réduire la pauvreté et s'améliore de façon continue au fil des expériences.
  2. Établir dans le cadre de la stratégie un plan d'investissement durable qui renforce les capacités humaines, élimine les obstacles, crée des possibilités et tient compte de l'interdépendance des politiques et de l'évolution de la réalité des Canadiens et Canadiennes au cours de leur vie.
  3. Élaborer un cadre de conception uniforme pour obtenir la meilleure efficacité des politiques et des programmes. Le cadre devrait être fondé sur ce qui suit : l'équité et la reconnaissance raisonnable du travail; le soutien à l'autonomie et à l'initiative; la transférabilité, la sécurité et la stabilité; la coordination et la simplicité; et la responsabilité et la communication.
  4. Favoriser la création d'une tribune ouverte aux fins de discussion et de prise de mesures où participent de nombreux partenaires. Il s'agirait d'une tribune pancanadienne inclusive vouée de façon continue à l'échange d'idées, de questions, de recherches, d'éléments probants, de rapports d'étape et d'expériences vécues.

Introduction

Le Conseil national du bien-être social a publié en 2002 un premier rapport, intitulé Le coût de la pauvreté, qui portait sur des études de la relation entre la pauvreté et les cinq aspects les plus cités où apparaissent les conséquences de la pauvreté :

  • la santé;
  • la justice;
  • les droits de la personne et le développement humain;
  • le travail et la productivité;
  • le développement de l'enfant.

Dans ce rapport, il a été conclu que la pauvreté nous coûte très cher sur les plans humain et économique et qu'une grande part des coûts peut être évitée.

En 2007, dans le rapport Résoudre la pauvreté : Quatre pierres angulaires d'une stratégie nationale viable pour le Canada, le Conseil a mis en lumière l'importance d'avoir un modèle de gouvernance pour régler des problèmes complexes comme la pauvreté. Les pierres angulaires reflètent le besoin d'avoir une vision à long terme assortie d'objectifs et d'échéanciers, des plans et des budgets coordonnés, une reddition des comptes aux Canadiens et Canadiennes à l'égard des résultats et les outils de mesure nécessaires pour planifier, surveiller et évaluer les progrès.

Le rapport Le sens des sous pour résoudre la pauvreté étoffe certains éléments des deux rapports. La recherche, l'expérience et les débats publics pertinents à la pauvreté ont pris un essor — en diversité, en profondeur et en ampleur — incroyable au cours des dernières années. De nouveaux exemples provenant de cette quantité croissante de connaissances font ressortir des conclusions importantes qui peuvent rendre une stratégie d'éradication de la pauvreté au Canada plus rentable et plus efficace que le statu quo. La vaste bibliographie (ouvrages, articles spécialisés, documents de recherche, exposés présentés à l'occasion de colloques, reportages et commentaires dans les médias) qui appuie le présent rapport se trouve en ligne à l'adresse suivante : www.cnb-ncw.gc.ca .

Un grand nombre de Canadiens et de Canadiennes craignent que la réduction de la pauvreté passe par un accroissement des dépenses à l'égard des gens vivant dans la pauvreté qui minerait la situation des autres. Or, une recherche croissante et l'expérience en la matière indiquent une tout autre chose : que tout le monde tire avantage de l'investissement dans la réduction de la pauvreté.

Le présent rapport synthétise les principaux thèmes, connaissances et tendances dans de nombreux domaines qui, selon le Conseil national du bien-être social, permettront de mettre au point des solutions efficaces et rentables. Les exemples suivants, réunis ensemble, ont été choisis pour illustrer l'éventail de ressources documentaires utilisées :

  • des approches et des méthodes qui vont du calcul des coûts à des études plus conceptuelles;
  • des études portant sur l'économie, la sociologie, la psychologie, la biologie et la médecine, entre autres;
  • des domaines liés à la pauvreté (p. ex. la santé, l'éducation et logement) et des études plus récentes sur les affaires et le secteur privé;
  • des études modestes portant précisément sur des programmes particuliers, des études de plus grande envergure sur les systèmes fiscaux nationaux et des examens des relations entre divers programmes;
  • de nombreux intervenants concernés aux échelons local, provincial, national et international : des personnes, des collectivités, des établissements universitaires, des organismes de recherche, des gouvernements et des entreprises.

Certaines de nos ressources sont hautement techniques, et les notions et les termes utilisés par les experts d'un domaine ne sont pas nécessairement compréhensibles pour les Canadiens et Canadiennes ordinaires ou les experts d'autres domaines. À titre d'exemple, dans le langage de la gestion, un « tableau de bord » est un outil de planification.

Dans le présent rapport, nous avons tout fait pour utiliser un langage clair et simple et des exemples de la vie de tous les jours, alors si vous voyez le terme « tableau de bord », il s'agit de ce qu'il y a devant vous lorsque vous êtes assis dans une automobile. Même si le rapport met l'accent sur l'économie, il porte avant tout sur les gens et les valeurs humaines et doit interpeler les Canadiens et Canadiennes de tous les milieux.

Sens

Les premiers chapitres sont regroupés sous ce titre parce qu'ils portent sur le sens des idées, des mots et des cadres utilisés pour décrire les aspects économiques et sociaux des problèmes comme la pauvreté. Ils contribuent à donner un sens aux chiffres figurant dans les chapitres suivants et à préparer le terrain aux solutions envisageables.

Sous

Les chapitres de cette section présentent une estimation des coûts/avantages provenant d'études d'ensemble sur la pauvreté et de domaines d'intérêt, comme le logement et les activités commerciales. La plupart des études utilisent des calculs en dollars, et certaines utilisent des mesures sur le bien-être. D'autres fournissent une estimation du rendement du capital investi.

Le sens des sous

Ces chapitres présentent les coûts et le sens des politiques gouvernementales et de la gouvernance dans la réalité canadienne et la possibilité d'utiliser notre argent de façon plus judicieuse et efficace.

Investissement judicieux

Les recommandations du Conseil national du bien-être social à l'égard des mesures à prendre.


Partie Un - Sens

Chapitre 1 - Coûts, avantages et la différence entre une dépense et un investissement

Il y a différentes approches générales à l'égard de la pauvreté au Canada et ailleurs dans le monde. Une de ces approches est fondée sur l'hypothèse selon laquelle un revenu et le soutien de la famille et des amis permettront de subvenir aux besoins des gens. Selon une autre approche, l'intervention du gouvernement joue un rôle plus important, souvent à court terme, surtout lorsque des problèmes importants surviennent, comme durant une récession. Une troisième approche met davantage l'accent sur la prévention de la pauvreté au moyen de programmes de sécurité du revenu et d'investissements à long terme pour s'assurer que les gens ont la possibilité d'atteindre le bien-être ou d'avoir une bonne qualité de vie, comme faire des études, posséder un emploi décent, maintenir une bonne santé et participer à la vie en société.

Des éléments de ces approches se trouvent dans l'éventail actuel des politiques gouvernementales du Canada. Il n'existe aucune stratégie ayant pour objectif explicite de mettre fin à la pauvreté ou de réduire celle-ci dans l'ensemble du Canada, même s'il y a certainement des programmes destinés aux Canadiens et Canadiennes à faible revenu. Au cours des dernières années, plusieurs gouvernements provinciaux et territoriaux ont adopté des stratégies visant à réduire la pauvreté, et d'autres gouvernements semblent aller dans cette direction. Certaines stratégies sont plutôt complètes, et il y a de nouvelles initiatives prometteuses partout au pays.

Les politiques mettant l'accent sur la pauvreté ne sont toutefois qu'une partie de la solution. Le plus grand contexte des politiques gouvernementales au Canada comprend des systèmes importants qui n'ont peut-être pas été conçus spécifiquement pour vaincre la pauvreté, mais qui pourraient néanmoins avoir une grande incidence sur les risques et les coûts liés à la pauvreté. Cela comprend notre système de santé, le système judiciaire et les politiques touchant les enfants, l'éducation, le marché du travail et la fiscalité. Dans ce contexte, il y a des possibilités de prévenir la pauvreté. Toutefois, une pauvreté persistante exerce sur tous ces aspects une pression qui engendre des coûts supplémentaires. 

C'est dans le cadre stratégique global du gouvernement du Canada qu'un portrait plus complet des coûts et des avantages d'approches nouvelles et plus efficaces d'éradication de la pauvreté peut être brossé.

Le coût économique élevé de la pauvreté

Que la pauvreté soit considérée comme une cause ou une conséquence des problèmes sociaux, il y a dans la recherche, ainsi que dans notre vie de tous les jours, abondamment de preuves que la pauvreté est liée à la mauvaise santé physique et mentale, au chômage, au manque de scolarité et de compétences, aux problèmes de développement des enfants, à la criminalité, à l'itinérance, à la discrimination raciale et à d'autres problèmes qui sont coûteux pour la société.

Les coûts économiques liés à la pauvreté s'inscrivent dans les trois catégories générales suivantes :

$ Les coûts directs liés à la pauvreté, comme les prestations de soutien du revenu (p. ex. l'aide sociale, la Prestation fiscale pour le revenu de travail) et les services visant les personnes vivant dans la pauvreté.

$ Les coûts indirects, comme le recours accru aux salles d'urgence, aux services de police, aux tribunaux, à l'orthopédagogie et à d'autres services spécialisés qui comptent parmi les éléments les plus coûteux des systèmes de services publics sur lesquels nous comptons tous. Il y a également des coûts privés indirects pour les gens et les entreprises, comme le besoin accru de souscrire une assurance personnelle et de se doter de systèmes de sécurité (il suffit de penser aux communautés protégées et surveillées, dans le cas des plus nantis).

$ Les coûts pour la société représentent la perte d'une contribution potentielle à la société et la pression que la pauvreté et les profondes inégalités exercent sur les personnes à tous les niveaux de l'échelle des revenus. Les personnes vivant dans la pauvreté doivent souvent consacrer une grande partie de leur énergie à trouver suffisamment de nourriture pour subsister, à assurer leur sécurité, à faire la navette entre des emplois à temps partiel et à suivre les règles de diverses bureaucraties. Leur temps pourrait être consacré de façon plus productive à la formation, à l'éducation, à l'exercice du rôle parental et à l'obtention d'un meilleur emploi. Les possibilités qui sont refusées aux enfants peuvent tout particulièrement engendrer des coûts, surtout à long terme. La pauvreté et les profondes inégalités sont liées au nombre accru de problèmes sociaux et et de santé qui s'étendent à l'ensemble de la population.

Les budgets gouvernementaux ont souvent mis l'accent sur la maîtrise des coûts directs. Toutefois, de nombreuses études décrites dans le présent rapport démontrent à quel point les coûts indirects et les coûts pour la société liés à la pauvreté peuvent être élevés. À titre d'exemple, si un parent n'a pas les moyens de se procurer des aliments de qualité et des médicaments pour un enfant malade, il est plus probable que cette famille doive recourir aux services de la salle d'urgence pour traiter l'enfant. Ce dernier pourrait également voir son état s'aggraver et subir des effets à long terme. Dans cet exemple, il serait préférable pour les contribuables qu'on aide directement les parents à acheter des aliments de qualité et des médicaments. L'exemple met également en lumière le fait que, même si les dépenses jouent un rôle, l'objet des dépenses importe encore plus — autrement dit, l'important, c'est la valeur ou l'avantage que nous tirons par rapport au coût.

Les « avantages » dans l'analyse coûts/avantages

Les gens achètent rarement quelque chose en se fondant uniquement sur le prix — nous devons savoir ce que nous voulons avant de décider du prix que nous sommes prêts à payer. Nous devons également peser le pour et le contre de chaque option. L'exemple suivant illustre une analyse coûts-avantages de base.

Vaut-il la peine de payer 150 $ pour une paire de chaussures? Oui et non. Cela dépend de vos besoins, de vos moyens et des avantages que vous tirerez des chaussures.

Non

  • Si vous voulez des chaussures à la mode qui n'ont pas besoin de durer et que vous pouvez obtenir pour 50 $.
  • Si vous n'avez que 150 $ et vous avez besoin de deux paires de chaussures.
  • Si vous avez les moyens d'acheter des chaussures de 200 $ qui sont beaucoup plus confortables et durables.

Oui

  • Si vous avez 150 $ et que des chaussures moins coûteuses vous feraient mal aux pieds.
  • Si vous avez 100 $ et que vous pouvez les acheter à crédit parce que les chaussures possèdent les caractéristiques de sécurité ou de soutien nécessaires pour votre nouvel emploi. Les chaussures coûteront quelques dollars de plus avec l'intérêt, mais l'obtention de l'emploi vaut la peine.
  • Si vous estimez que l'achat représente une rémunération équitable pour les employés qui ont produit les chaussures.

Les avantages sont un élément central du présent rapport pour les raisons suivantes :

  • Dans nos recherches initiales sur le coût de la pauvreté, nous avons constaté que les avantages, dans l'analyse coûts-avantages, étaient moins clairement expliqués que les coûts. Les avantages sont habituellement interprétés comme une rentabilité accrue, s'il y a lieu, et un meilleur bien-être. Ces avantages pourraient également être interprétés comme étant les objectifs stratégiques de l'éradication de la pauvreté.
  • On a réalisé de grands progrès au chapitre de la mesure des avantages liés au bien-être économique et social.
  • Dans les débats publics, et dans une grande partie des renseignements fournis par les gouvernements, les avantages souhaités — ou les objectifs — semblent variés.
  • Les gouvernements publient régulièrement des renseignements sur les coûts liés aux programmes de la sécurité du revenu. Or, les renseignements sur les avantages de ces programmes sont plus difficiles à trouver et moins souvent abordés.
  • Dans certains débats, il semble que l'objectif est de trouver des façons plus rentables d'atténuer la pauvreté. La réduction des prestations d'aide sociale serait un exemple de mesure visant à continuer d'aider les gens en situation de pauvreté à survivre tout en réduisant les dépenses publiques. Toutefois, il arrive souvent que des coûts indirects beaucoup plus élevés liés à la pauvreté (p. ex. stress additionnel, quartiers dangereux et recours aux services de santé d'urgence) soient exclus de l'équation. 
  • Un objectif positif, comme le fait de permettre aux gens d'être plus productifs ou d'améliorer leur santé et d'autres aspects de leur qualité de vie, pourrait contribuer à obtenir le soutien du public à l'égard d'initiatives stratégiques efficaces.
  • Le fait de mettre l'accent sur les avantages nous permet de passer de discussions unidimensionnelles sur les dépenses à l'adoption d'une approche axée sur l'investissement.

[Traduction] L'estimation des coûts associés à la pauvreté peut également être interprétée comme une estimation de la valeur économique totale de la production accrue et de l'amélioration de la qualité de vie qui découleraient de l'élimination de la pauvreté.

Holzer et coll. (2007)1

Dépenses à l'égard des programmes de lutte contre la pauvreté

L'approche du Canada à l'égard de la pauvreté chez les adultes en âge de travailler semble dictée surtout par le côté « dépenses » de l'analyse coûts-avantages. Il y a très peu de renseignements disponibles sur les avantages obtenus, comme le pourcentage de personnes considérées comme « aptes à travailler » qui quittent l'aide sociale pour un emploi qui leur permet d'échapper à la pauvreté et d'accroître leur bien-être et leur contribution à la société. Dans le cas des politiques relatives aux prestations de maternité et aux prestations parentales, les retombées sur la santé de la mère et sur le développement de l'enfant du fait que les parents aient plus de temps à consacrer à leur rôle parental et moins de stress financier pourraient être plus difficiles à calculer que les coûts annuels des programmes, mais elles ont une valeur sûre et durable2

Les Canadiens et Canadiennes dépensent beaucoup d'argent sur les programmes liés à la pauvreté. Pourtant, le taux d'adultes en âge de travailler et d'enfants vivant dans la pauvreté varie au gré des fluctuations économiques, et tout porte à croire que ces dépenses n'ont pas occasionné de changement durable au cours des dernières décennies. Certaines personnes qui ont vécu dans la pauvreté éprouveront des effets à long terme qui s'ajoutent aux coûts indirects liés à la pauvreté. La situation des aînés est plus positive, même si le problème n'est pas complètement réglé, et nous y reviendrons dans les chapitres à venir. La persistance de la pauvreté chez les Canadiens et Canadiennes au cours des années cruciales de leur développement et de leur vie active est un problème qui exige notre attention immédiate.

Si l'avantage que le Canada cherche à obtenir est de permettre aux gens de survivre à la pauvreté, nous connaissons un certain succès. Toutefois, cela est accompli au prix des coûts sociétaux importants. Si on entend par « réussite » l'élimination de la pauvreté et de ses conséquences coûteuses, une approche différente est nécessaire.

Investir pour optimiser les ressources

Les dépenses liées à la pauvreté ne sont pas habituellement considérées comme des investissements, surtout dans les budgets gouvernementaux. Toutefois, la plupart des recherches qui sous-tendent le présent rapport indiquent qu'une approche axée sur l'investissement est plus susceptible de réussir à freiner les coûts croissants de la pauvreté et à améliorer la qualité de vie des Canadiens et Canadiennes.

Comme l'a expliqué une étude de Statistique Canada, lorsqu'une personne (ou une entité économique) effectue des dépenses, il peut y avoir deux types de retombées :

  • les retombées des dépenses sont obtenues au cours de la période où les dépenses sont engagées (p. ex. une période de un an);
  • les retombées sont obtenues au cours de périodes ultérieures, peut-être après une attente considérable.

Le premier type de dépenses est considéré comme de la « consommation », alors que le deuxième type de dépenses est défini comme de l'« investissement ».

« Ce principe économique donne à penser que les dépenses en développement humain devraient être classées dans la catégorie de l'investissement [...] parce que les bénéfices de ces dépenses reviennent à la personne au cours de sa vie. »3

Autrement dit, si des avantages étaient obtenus dans l'avenir, les coûts seraient donc considérés comme des investissements. Les recherches et les analyses qui intègrent des calculs en dollars du coût de la pauvreté tendent à démontrer que les initiatives visant à réduire la pauvreté peuvent s'autofinancer et que les investissements peuvent afficher un rendement positif à long terme.

Les estimations en dollars du rendement des investissements qui figurent dans le présent rapport sont généralement prudentes4. Cette prudence, combinée à un volume important d'autres éléments probants et de conclusions provenant de nombreux domaines d'études, montre qu'il pourrait y avoir matière à débat sur les chiffres, mais la tendance est presque invariablement positive — pour la société et l'économie.  

Le présent chapitre expliquait l'importance d'adopter une approche d'investissement qui met l'accent sur les avantages. Le chapitre suivant porte sur les problèmes économiques qui entrent en jeu lorsqu'on parle d'optimisation des ressources.


Chapitre 2 - L'économie et la pauvreté

Il n'y a aucun doute que l'économie a une incidence importante sur la pauvreté, surtout chez les adultes en âge de travailler et les enfants. Le graphique 2.1 montre clairement les effets des récessions et des périodes de forte croissance dans l'économie de marché sur le taux de pauvreté global au cours des dernières décennies5.

Graphique 2.1 : La conjoncture économique a une incidence sur les tendances en matière de pauvreté

La conjoncture économique a une incidence sur les tendances en matière de pauvreté

* L'ensemble de la population, selon le seuil de faible revenu (SFR) après impôt.
Source : Statistique Canada, Le revenu au Canada 2009. Tableau 2020-802

Les taux de pauvreté enregistrés au début des années 1980 et 1990 ont grimpé rapidement lorsque les récessions ont frappé et ont pris du temps à retrouver les niveaux d'avant récession. À la suite de la récession de 1990-1992, le taux de pauvreté a continué à grimper, et, même dans une économie très forte, comme c'était le cas au Canada à la fin des années 1990, le taux de pauvreté a baissé graduellement jusqu'à ce que la récession frappe à nouveau à la fin de 2008. Cela montre bien que, même s'il est improbable que l'économie soit la solution pour vaincre la pauvreté, il est nécessaire de comprendre, de façon générale, les liens entre l'économie et la pauvreté.

Les prochaines sections portent sur l'économie de marché et l'économie non marchande et leurs effets sur la pauvreté. On entend par économie de marché, l'économie dans laquelle les gens travaillent et qui procure un revenu à la majorité d'entre nous. On entend par économie non marchande, la vie économique extérieure au marché (p. ex., élever ses enfants et prendre soin de parents âgés, faire le lavage et les tâches ménagères et voir aux autres nécessités de la vie quotidienne). Tout le monde dispose de 24 heures dans une journée pour accomplir son travail ainsi que pour se nourrir, dormir, apprendre et, avec un peu de chance, se divertir. Toutefois, certaines personnes ont de lourdes contraintes de temps qui peuvent limiter leur capacité de revenu. Elles sont plus à risque de tomber dans la pauvreté, à moins que des investissements appropriés ne soient effectués pour appuyer les ménages et l'économie de marché.

L'économie de marché

L'économie de marché s'intéresse à la production sur le marché et est généralement mesurée à l'aide du produit intérieur brut (PIB). Le PIB fait partie du système de comptabilité nationale des Nations Unies, et le PIB par habitant est souvent utilisé pour comparer le niveau de vie entre les pays. Le PIB quantifie l'activité économique de l'économie officielle (en dollars). On ne saurait trop insister sur l'importance de l'économie de marché pour vaincre la pauvreté. La croissance dans l'économie de marché contribue à la capacité des sociétés d'avoir un bon niveau de vie. Le PIB est donc largement utilisé par les gouvernements et par les médias grand public comme l'un des principaux indicateurs du progrès.

Plusieurs études sur la rentabilité de la pauvreté qui ont été examinées dans le cadre du présent rapport calculaient les coûts liés à la pauvreté comme pourcentage du PIB. Ces études apportent une contribution importante en montrant toute l'ampleur des coûts liés à la pauvreté et des possibilités d'économies à ce chapitre.

Cependant, l'économie officielle, à savoir l'économie de marché, ne représente pas l'ensemble de l'économie, alors le fait d'utiliser uniquement le PIB comme indicateur du progrès peut entraîner des conclusions erronées. Un examen plus approfondi de l'économie et d'autres indicateurs est nécessaire pour obtenir un portrait plus complet du bien-être économique.

L'économie non marchande/des ménages

L'autre grande partie, souvent négligée, de l'économie est composée d'un travail de valeur économique qui vise principalement vos besoins et ceux de votre famille et qui est souvent appelée l'« économie des ménages ». Le travail est classé de cette façon si les biens et les services sont commercialisables, c'est-à-dire que ceux-ci pourraient être acquis et vendus sur le marché. Le fait de cultiver des tomates et des herbes et de préparer une sauce à spaghetti est un exemple de travail ayant une valeur économique. Toutefois, ces activités peuvent avoir deux destinations. Si la sauce à spaghetti est vendue dans un bistro ou un supermarché local dans le cadre de l'économie officielle, la vente sera comptée dans le PIB. Si le produit permet de nourrir votre famille, il contribuera à la nutrition et au bien-être, mais ne sera pas compté dans le PIB. Dans le même ordre d'idées, vous pourriez réparer votre voiture ou couper vos cheveux ou vous pourriez payer quelqu'un pour le faire6.

Il est particulièrement important de comprendre que le fait d'élever ses enfants ou de prendre soin d'adultes qui sont malades ou âgés ou qui ont une incapacité — activités indispensables pour la société et l'économie — n'est pas compté dans le PIB. De plus, ce travail n'est pas compté dans une autre mesure comparable utilisée régulièrement, même si, sans le travail en question, le reste de l'économie s'effondrerait. Jusqu'à la fin des années 1980, le travail non marchand était statistiquement invisible presque partout7. Le Canada et la majorité des pays développés réunissent actuellement des statistiques sur le temps que les gens consacrent à des tâches dans l'économie non marchande, mais ces statistiques sont recueillies moins souvent, et il n'existe pas encore une méthode acceptée mondialement qui est commune à tous les pays8, 9.

Un travail dans l'économie non marchande est souvent considéré comme un travail non rémunéré parce que celui-ci ne produit aucun revenu. Toutefois, en théorie, ce travail peut être rémunéré, et il y a des exemples dans la pratique. Certaines politiques gouvernementales, comme les prestations de maternité et les prestations parentales, permettent aux parents qui répondent à certaines conditions de recevoir un revenu lorsqu'ils n'exercent pas leur emploi rémunéré et s'occupent d'un nouveau-né ou d'un enfant récemment adopté. Le bénévolat, qui comprend un élément de choix plus marqué, est également considéré comme un travail lié à l'économie non marchande.

La raison pour laquelle l'économie non marchande et les renseignements sur la façon dont les gens répartissent leur temps sont importants tient au fait que l'argent et le temps sont des ressources économiques précieuses. La comparaison des revenus est une façon d'évaluer notre situation, et la différence entre le niveau de revenu le plus élevé et le niveau le plus bas peut être énorme. En revanche, le temps est une ressource que tout le monde possède en quantité égale au quotidien — 24 heures — et que chacun doit consacrer à son emploi rémunéré, à ses besoins personnels (p. ex., dormir et manger), aux soins prodigués à autrui et aux loisirs ou aux temps libres. La façon dont les gens répartissent leur temps et les contraintes de temps auxquelles ils font face sont donc une très bonne mesure du bien-être.

Le travail hors du marché fait une grande partie de l'économie, et ses retombées touchent tant l'ensemble de la société et de l'économie que les personnes qui font le travail. C'est particulièrement le cas lorsqu'on s'occupe d'enfants. Ces derniers sont la prochaine génération de travailleurs, de contribuables et de citoyens, et leur contribution profitera beaucoup plus à l'ensemble de la société qu'aux parents qui les ont élevés.

Valeur du travail dans l'économie non marchande en 1998 (en milliards de dollars)

Domestique 279,7 $
Bénévolat/communautaire 17,6 $
Total (33 % du PIB) 297,3 $

Hamdad (2003)10

En 1998, année la plus récente pour laquelle des chiffres sont disponibles, le temps consacré au travail dans l'économie non marchande (30,4 milliards d'heures) converti en dollars, équivalait à 297,3 milliards de dollars, ou 33 % du PIB11. La mention de cette valeur dans la comptabilité nationale pourrait améliorer notre compréhension du bien-être de notre société. Si l'augmentation des revenus est seulement attribuable au fait que les gens consacrent plus de temps au travail rémunéré plutôt qu'à une augmentation de salaire ou de productivité, nous ne sommes peut-être pas plus avancés12.

Au Canada, lorsqu'on a estimé la valeur en dollars du travail dans l'économie non marchande, on a constaté que les Canadiens et Canadiennes consacraient plus de temps à cette partie de l'économie qu'au travail rémunéré. Selon des sondages plus récents sur l'emploi du temps, le temps consacré aux activités rémunératrices a maintenant dépassé celui consacré aux activités non rémunératrices13. La mesure dans laquelle cette tendance influe sur le bien-être de l'ensemble de la société et touche des personnes et des familles en particulier est très importante pour l'étude de l'économie et de la pauvreté. Il y a des différences considérables au chapitre de l'emploi du temps selon le sexe et la situation familiale, et d'autres facteurs, comme la race, le niveau de scolarité et le statut d'immigrant, pourraient également jouer un rôle. Il y a certainement d'importantes différences au chapitre de l'emploi du temps à mesure que les gens traversent les différentes phases de leur vie.

Les données que le Canada et d'autres pays recueillent et les recherches approfondies menées sur le travail non marchand apportent une contribution importante, mais grandement sous-utilisée, à la compréhension du bien-être et de la pauvreté14.

Pauvreté

Comme tout le monde n'a que 24 heures dans une journée, les gens ayant de lourdes contraintes à l'égard de leur temps non rémunéré auront plus de difficulté à concilier leurs obligations dans l'économie de marché et l'économie du ménage. Ils seront également plus à risque de vivre dans la pauvreté, surtout si le temps consacré à un emploi rémunéré est trop limité ou leur rémunération horaire est faible, ou si ces deux facteurs sont réunis.

Les parents d'enfants d'âge préscolaire ont des contraintes importantes au chapitre des soins, y compris l'obligation juridique d'assumer l'entière responsabilité 24 heures sur 24, sept jours sur sept15. Les responsabilités comprennent les soins directs, le besoin d'être présent même lorsque les enfants dorment et le besoin de s'absenter du travail rémunéré lorsqu'un enfant est malade. Les adultes qui s'occupent d'enfants plus âgés ou d'adultes qui sont malades ou âgés ou qui ont une incapacité peuvent également avoir à composer avec de lourdes contraintes. Les adultes souffrant d'une incapacité ou d'autres problèmes physiques ou mentaux peuvent également appartenir à la catégorie des personnes faisant face à des contraintes importantes : ils pourraient bien être en mesure d'exercer un emploi rémunéré, mais avoir besoin de temps supplémentaire pour cuisiner et prendre soin de soi, par exemple, ou pour se rendre d'un endroit à un autre et pour acquérir de nouvelles compétences.

Les ménages composés de deux adultes risquent moins de se retrouver dans la pauvreté. Ils ont une meilleure capacité de gagner leur vie et une plus grande souplesse pour composer avec les tâches liées à l'emploi, à l'éducation des enfants, à la cuisine et au ménage, entre autres. Les parents chefs de famille monoparentale sont particulièrement à risque de vivre dans la pauvreté, compte tenu de contraintes au chapitre du revenu et du temps, car ils doivent composer avec toutes les exigences liées au revenu et à la famille dans les mêmes 24 heures16. Puisqu'il faut nécessairement faire des compromis, des éléments importants sont presque toujours sacrifiés : le revenu, le temps consacré aux enfants, les réseaux sociaux de soutien et même le sommeil. Les personnes sont également très à risque lorsqu'elles ont un faible revenu, peu d'avantages sociaux et aucun autre membre du ménage ou de la famille pouvant aider à absorber les contrecoups financiers de facteurs comme l'augmentation du loyer, la réduction du nombre d'heures de travail ou la maladie.

En plus, une fois que les gens sombrent dans la pauvreté, ils ont peu accès aux biens et services permettant de gagner du temps (p. ex. machine à laver, plats préparés ou services d'entretien ménager) qui sont à la disposition de personnes plus aisées qui ont les moyens de s'offrir ces biens et services. Cela augmente les contraintes par rapport à leur temps non rémunéré.

Les prestataires de l'aide sociale, en particulier, font face à de lourdes contraintes temporelles liées à leur degré de pauvreté et aux nombreuses règles qu'ils et elles doivent suivre. Ces règles comprennent de faibles limites d'actifs, ce qui signifie que les demandeurs doivent être presque complètement démunis avant d'avoir droit à des prestations. De plus, les faibles exemptions permises sur les gains de travail signifient que les gens ne peuvent améliorer leur situation avec un emploi17. Comme la plupart des taux des prestations d'aide sociale sont bien en dessous du seuil de pauvreté, de nombreux prestataires recourent souvent aux banques alimentaires et à d'autres organismes pour subvenir à leurs besoins de base. Les prestataires doivent également respecter tout un éventail de règles qui peuvent prendre beaucoup de temps18. Ces contraintes de temps supplémentaires laissent moins de temps à consacrer à des tâches non rémunérées plus utiles à la formation et à l'éducation ou à des possibilités de revenu supérieur qui leur permettraient de sortir de la pauvreté.

Sexe et pauvreté

Il y a un lien très clair entre le sexe et la pauvreté au chapitre de la division du travail dans les économies marchande et non marchande. Les femmes consacrent presque les deux tiers de leurs heures de travail totales à un travail non rémunéré, alors que les hommes y consacrent environ le tiers. Il y a une tendance très graduelle vers l'équilibre, au fur et à mesure que ce travail est mieux partagé20. Tout au long du leur vie, les femmes assurent une plus grande part des soins et des tâches ménagères quotidiennes que les hommes. Toutefois, au-delà des moyennes, il y a de grandes différences à l'égard de l'emploi du temps. Les femmes ayant de jeunes enfants effectuent la grande majorité du travail lié aux enfants et ont une charge de travail totale très élevée.

Temps consacré à prendre soin des enfants âgés de 0 à 4 ans (2010)

Parents avec un travail à temps plein
Femmes : 5 heures 13 minutes par jour
Hommes : 2 heures 59 minutes par jour

Parents avec un travail à temps partiel
Femmes : 6 heures 43 minutes par jour
Hommes : 2 heures 41 minutes per jour

Statistics Canada 201119

Le risque lié à la pauvreté est clair : tant que les femmes assurent la majorité des soins des enfants et des tâches ménagères quotidiennes, le temps et l'énergie qu'elles ont pour gagner un revenu sont limités. Même si les parents chefs de famille monoparentale sont particulièrement vulnérables au chapitre de la pauvreté, les familles biparentales qui ont besoin de deux revenus pour joindre les deux bouts sont également à risque lorsque le travail rémunéré de la mère est limité.

Le risque lié à la pauvreté peut être réduit lorsque les politiques gouvernementales nous permettent d'assumer collectivement les coûts liés au précieux travail non rémunéré dont la société tire avantage pour que les parents, surtout les mères, n'aient pas à assumer une si grande part des coûts. La politique publique qui offre le meilleur revenu en reconnaissance du travail dans l'économie non marchande au Canada est le régime de prestations de maternité et de prestations parentales. Toutefois, ces prestations sont toujours liées à l'économie de marché, car elles sont fondées sur les antécédents d'emploi et sur le niveau des revenus d'emploi antérieurs. En conséquence, les mères à faible revenu qui ont le plus besoin de soutien ont souvent beaucoup de mal à obtenir des prestations. Le financement des services de garde par l'État est une autre façon de veiller à ce que le travail et les coûts liés à la garde des enfants puissent être partagés de façon plus équitable.

Il arrive souvent que bon nombre de facteurs combinés entraînent un stress économique énorme sur les familles et font en sorte que les femmes soient plus à risque que les hommes de vivre dans la pauvreté, surtout si elles vivent seules ou si la famille éclate.

Deux facteurs méritent d'être mentionnés. Tout d'abord, on constate une tendance à la hausse du niveau de scolarité des femmes. Il s'agit d'un facteur positif pour le marché ainsi que pour les femmes et leurs enfants. Toutefois, les coûts liés à l'éducation postsecondaire augmentent également, et un grand nombre de femmes qui se trouvent au plus fort de leur capacité de procréation portent le fardeau financier des dettes étudiantes à rembourser21.

Deuxièmement, les femmes gagnent toujours moins que les hommes. Le fait que des emplois semblables au travail non rémunéré traditionnel des femmes tendent à être sous-évalués sur le marché est l'un des facteurs clés qui explique cet écart. Le fait d'intégrer le travail dans l'économie non marchande dans les comptes nationaux, de le rendre plus visible et d'en tenir compte de façon plus constante dans les politiques gouvernementales pourrait contribuer à stimuler sa valeur marchande22.

Bien-être économique

Comme nous l'avons dit précédemment, étant donné que l'ensemble de l'économie va au-delà de l'économie de marché seulement, il faut des mesures autres que le PIB pour brosser un portrait fidèle de notre situation.

Une grande part de la croissance du PIB au cours des dernières décennies tient au fait que nous achetons ce que nous avions l'habitude de préparer à la maison. Ce n'est pas nécessairement que nous préparons plus de repas, faisons plus de réparations ou gardons plus d'enfants maintenant, mais plutôt que nous payons plus souvent d'autres personnes pour qu'elles accomplissent ces tâches. C'est en grande partie un passage de l'économie domestique à l'économie de marché officielle, et, au Canada, cela reflète une combinaison de choix, de besoins économiques et de politiques gouvernementales qui tendent à privilégier le marché23.

Nous évaluons notre situation en fonction de ce qui nous est cher — de ce qui nous tient à cœur. Certaines personnes soutiennent que le PIB est un outil de mesure et que son objectif n'a jamais été d'intégrer des valeurs morales. D'un autre point de vue, toute décision sur ce qui est mesuré est fondée sur des valeurs et des hypothèses. De plus, beaucoup de gens croient que, lorsque les gouvernements ont officiellement adopté le PIB et que celui-ci est devenu le principal indicateur du progrès, il est devenu la valeur la plus précieuse. Le terme d'« illusion monétaire » a été utilisé pour décrire l'hypothèse selon laquelle seuls les biens et les services ayant un prix influent sur le bien-être économique24. Il n'y a aucun doute que ce genre d'hypothèse a énormément influencé les politiques gouvernementales. Pour les Canadiens et Canadiennes ordinaires, la notion de bien-être est plus large, et il y a d'autres indicateurs qui peuvent s'ajouter.

À titre d'exemple, comme l'indique le graphique figurant au début du présent chapitre, l'activité dans l'économie de marché peut varier et subir des récessions périodiques qui causent des difficultés importantes à une grande partie de la population. La plupart des gens conviendraient que le bien-être économique supposerait un certain degré de stabilité et de sécurité à l'égard des effets des crises économiques.

De plus, le marché tend à s'attacher aux considérations à court terme et à ne pas trop se préoccuper des coûts qui influent sur le bien-être à long terme. Les ressources naturelles sont considérées comme gratuites, et l'épuisement de celles-ci ou les dommages causés aux écosystèmes ou à la santé humaine ne sont pas pris en compte à titre de coûts. Le fait de ne pas compter le travail décrit plus tôt concernant la création de familles, de quartiers et de collectivités fait en sorte que ce travail est également considéré comme gratuit; alors, la détérioration de notre tissu social ne serait pas traitée comme un coût. Étant donné que notre avenir dépend de la santé de notre milieu, des relations humaines et des générations à venir, il serait important de considérer ces éléments comme faisant partie de la mesure du bien-être. 

Indicateurs du bien-être

Heureusement, des progrès considérables ont été réalisés au Canada et dans le monde à l'égard d'un ensemble plus inclusif d'indicateurs du bien-être. Ceux-ci nous permettent de mesurer les résultats économiques et sociaux de façon plus complète. À titre d'exemple, la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, en France, a été créée en 2008 et est dirigée par deux économistes renommés mondialement, à savoir Joseph E. Stiglitz et Amartya Sen. Le rapport de 2009 de la Commission propose des façons de mieux comprendre les mesures actuelles et ce qui est nécessaire à l'égard des mesures futures du bien-être et de la durabilité.

[...] le PIB mesure essentiellement la production marchande, même s'il est souvent traité comme s'il s'agissait d'une mesure du bien-être économique. La confusion entre ces deux notions risque d'aboutir à des indications trompeuses quant au niveau d'aisance de la population et d'entraîner des décisions politiques inadaptées.

Stiglitz, Sen et Fitoussi (2009)25

Au Canada, Andrew Sharpe et Lars Osberg, du Centre for the Study of Living Standards, ont élaboré un indice qui regroupe plusieurs aspects du bien-être économique dans le but de contribuer à l'élaboration des politiques gouvernementales. L'indice comprend des mesures liées au milieu et à l'emploi du temps, et ses aspects liés à la répartition du revenu et à la sécurité économique sont particulièrement importants pour régler le problème de la pauvreté.

L'Indice du bien-être économique est fondé sur la compréhension du fait que l'élaboration des politiques gouvernementales intègre des choix de société et que des choix de société rationnels nécessitent une organisation judicieuse des renseignements. L'indice du bien-être économique vise à contribuer au processus politique en permettant aux citoyens de prendre des décisions éclairées26. L'indice met l'accent sur quatre aspects essentiels du bien-être économique :

  • les flux de consommation;
  • l'accumulation de richesses;
  • la répartition du revenu;
  • la sécurité économique.

Si on se penche aussi sur des indicateurs qui reflètent la qualité de vie au chapitre, par exemple, de la santé personnelle, de l'éducation, de la culture et de la santé de nos collectivités, des progrès considérables ont également été réalisés au fil des ans. L'indice du développement humain des Nations Unies, qui intègre des mesures de la pauvreté et de l'égalité des sexes dans son classement des pays, en est un exemple. Le système de comptabilité nationale de l'ONU permet également de produire des comptes sur les ménages, comme ceux que le Canada a produits dans le passé. Le centre d'études et de recherches, Redefining Progress, sur les politiques gouvernementales relatives à la redéfinition des progrès, aux États-Unis, a produit le « Genuine Progress Indicator », et la New Economics Foundation, au Royaume-Uni, a lancé un projet appelé « Measuring What Matters ».

Au Canada, l'Institut du mieux-être a produit l'Indice canadien du mieux-être (ICMÊ). L'ICMÊ fait la distinction entre les bons résultats, comme la bonne santé, l'air pur et la confiance, et les mauvais résultats, comme la maladie et les horaires surchargés. Huit domaines sont pris en compte :

  • niveaux de vie;
  • santé de la population;
  • vitalité communautaire;
  • engagement civique;
  • arts, culture et loisirs;
  • éducation;
  • environnement;
  • emploi du temps.

Les chiffres disponibles concernant l'ICMÊ (2010) donnent à penser que nous avons réalisé des gains, mais que nous n'allons pas dans la bonne direction à tous les égards27. À titre d'exemple, on fait remarquer que l'inégalité a augmenté, car les riches sont devenus plus riches, et les pauvres sont restés pauvres, tendance qui préoccupe de plus en plus les Canadiens et les Canadiennes28. L'ICMÊ a également révélé que, en moyenne, les membres de minorité visible sont en moins bonne santé, gagnent un revenu moins élevé et affichent un taux de pauvreté plus élevé et que le pourcentage d'hommes et de femmes aux prises avec un horaire surchargé est passé de 16,4 % en 1992 à 19,6 % en 200529.

Cette mesure plus complète du bien-être nécessite l'utilisation de divers indicateurs qu'on ne peut réduire facilement à un dénominateur commun. Cela rend plus difficile l'élaboration d'un ensemble de mesures qui peuvent être officiellement adoptées et produites plus souvent. Toutefois, l'importance de ce travail ne saurait être sous-estimée.

À la lumière de cette description plus complète du bien-être qui comprend un éventail d'indicateurs, nous allons, dans le chapitre suivant, nous attacher aux aspects sociétaux du bien-être et à leur lien avec la pauvreté.


Chapitre 3 - La société et la pauvreté

Bien-être sociétal

Les progrès réalisés au chapitre de la mesure de la santé et des autres indicateurs mentionnés au chapitre précédent ont permis d'améliorer la capacité de comparer les tendances en matière de bien-être de diverses sociétés. Bon nombre d'études ont mis l'accent sur les liens entre la richesse, la position sociale, l'inégalité, le bien-être matériel et d'autres facteurs sociaux qui touchent le bien-être et qui ont une incidence sur la pauvreté.

Dans The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone (2010), Richard Wilkinson et Kate Pickett décrivent la mesure dans laquelle une égalité accrue contribue à la santé et au bien-être des sociétés31. La grande quantité d'éléments probants qu'ils ont obtenus à l'échelle internationale permettent d'établir un lien entre l'inégalité et un large éventail de problèmes sociaux, y compris les problèmes de santé mentale et physique, la toxicomanie, l'obésité, le faible rendement scolaire, la grossesse chez les adolescentes, la violence, l'incarcération et la mobilité sociale. Les auteurs comparent les différences entre les pays et entre les régions et les villes d'un pays donné, et les résultats révèlent des tendances semblables.

[Traduction] [...] il y a une très forte tendance des problèmes de santé et des problèmes sociaux à survenir moins souvent dans les pays où l'égalité est plus présente.

Wilkinson et Pickett (2010)30

Selon cette étude, les sociétés affichant les plus grandes inégalités au chapitre du revenu et de la richesse sont les plus touchées par de graves problèmes sociaux. Plus il y a d'inégalités, plus le stress subi par les gens est important, quel que soit leur revenu, et plus les résultats sont graves, et ce, pour l'ensemble de la société. 

De plus, les comparaisons entre les pays à différents niveaux du PIB par habitant démontrent que la croissance de la richesse ne règle pas les problèmes sociaux et qu'un effort concerté pour réduire toutes les formes d'inégalité est nécessaire. L'exemple des États-Unis est très révélateur : ce pays compte parmi les plus riches, mais il affiche un écart très marqué entre le haut et le bas de l'échelle des revenus. Les taux de criminalité, de violence, d'adolescentes mères de famille, de problèmes de santé et de pauvreté y sont beaucoup plus élevés comparativement à des pays moins riches. Les États-Unis se trouvent dans le peloton de tête pour la plupart des mesures des problèmes sociaux. La majorité des autres pays riches, y compris les pays nordiques, la France, l'Allemagne et le Japon, ont généralement tendance à se ressembler davantage à cet égard, affichant moins d'inégalités et moins de problèmes sociaux.

Graphique 3.1 : Inégalités et problèmes sociaux

Inégalités et problèmes sociaux

Source : Wilkinson et Pickett, Equality Trust Fondation (obtenu le 11 avril 2011)

Selon les comparaisons internationales de Wilkinson et Pickett, le Canada se trouve habituellement au milieu. D'un point de vue optimiste, cela indique que nous nous en tirons bien à certains égards. Toutefois, bon nombre d'études récentes révèlent que nous perdons du terrain à d'autres égards. À titre d'exemple, concernant le bien-être matériel des enfants, des chiffres récents montrent que la situation canadienne se dégrade32. Le fait de sortir les gens de la pauvreté permettrait certainement d'améliorer le classement du Canada. Pour que le bien-être s'améliore considérablement au Canada, nous devons tirer des leçons des politiques qui permettent d'obtenir de bons résultats et de miser sur de telles politiques.

Structure sociétale et bien-être

Il s'agit d'un autre aspect où il y a beaucoup de nouvelles recherches qui peuvent contribuer à un meilleur bien-être social et économique. Les recherches aident à mieux comprendre ce dont les êtres humains ont besoin, au-delà de l'argent et du bien-être matériel, pour avoir une vie saine. Lorsque ces besoins ne sont pas comblés, une faible santé mentale et physique est à prévoir. Cela explique en grande partie comment les coûts indirects liés aux systèmes de santé, à l'orthopédagogie et à d'autres programmes sociaux augmentent. Les recherches montrent également pourquoi les approches de soutien du revenu qui constituent une ingérence dans la vie privée et qui créent des préjugés à l'égard des prestataires peuvent aller à l'encontre du bien-être.

[Traduction] [...] les autorités considèrent l'économie comme un ensemble structuré de relations marchandes [...] En revanche, les responsables de l'élaboration des politiques [...] sont moins portés à considérer la société comme une structure de relations sociales.

Hall et Taylor (2009)33

À titre d'exemple, dans Successful Societies: How Institutions and Culture Affect Health (2009), ouvrage publié sous la direction de Peter A. Hall et de Michèle Lamont, des auteurs issus de diverses disciplines se penchent sur la question de savoir pourquoi certaines sociétés réussissent mieux que d'autres à promouvoir le bien-être individuel et collectif. L'ouvrage examine de façon plus approfondie la structure des sociétés pour expliquer les différences liées au bien-être que les seuls facteurs matériels, comme l'inégalité du revenu, ne peuvent expliquer. De plus, il donne à penser qu'il existe plus d'un chemin vers la réussite, et c'est un aspect important pour les artisans des politiques.

Selon Successful Societies, la structure des relations sociales a une incidence énorme sur le bien-être. Les auteurs se penchent sur l'importance de questions comme les hiérarchies sociales et l'engagement des gens ordinaires envers leurs amis et voisins qui favorise l'établissement d'un sentiment de confiance. Les auteurs mettent l'accent sur l'importance cruciale du sentiment psychologique de contrôle dont les gens ont besoin; or, ce sentiment est souvent enlevé aux gens qui doivent s'appuyer en dernier recours sur des programmes de soutien du revenu au Canada. L'ouvrage met en lumière la valeur de diverses relations sociales qui aident les gens à gérer leur vie quotidienne, des réseaux intimes de parents et d'amis qui s'occuperont de vous en cas de maladie grave jusqu'aux réseaux étendus de connaissances qui sont plus efficaces pour vous aider à trouver un nouvel emploi.

Les recherches parlent de « l'usure de la vie quotidienne » à laquelle les gens font face ainsi que des problèmes qui surviennent lorsque les épreuves dépassent notre capacité de les régler. Si l'usure de la vie quotidienne se fait sentir et qu'il y a trop peu de soutien social, les facteurs de stress peuvent s'accumuler et soulever de nombreuses inquiétudes : les facteurs de stress changent notre chimie interne, endommagent le cerveau et le corps et minent notre capacité de composer avec de nouveaux facteurs de stress. Cela explique comment des relations sociales positives peuvent avoir une plus grande incidence sur l'amélioration de la santé que les progrès réalisés dans le système de santé34.

Selon le savoir scientifique sur le cerveau humain, [Traduction] « on ne survit pas seulement en face de bêtes sauvages. En société, des situations mettent souvent en jeu notre survie »35. Une fréquence cardiaque plus rapide, une pression artérielle élevée et d'autres aspects propres aux réactions de lutte ou de fuite se manifestent. Le cerveau est également touché. Un stress modéré peut être une bonne chose, mais si, par exemple, un stress persiste trop longtemps, l'hippocampe (région du cerveau qui contribue de façon importante à la capacité d'apprentissage et de mémorisation) [Traduction] « commence à montrer des signes de faiblesse pour réguler la libération des hormones de stress et de son fonctionnement »36. Comme certains changements ne sont pas réversibles, notre bien-être est mieux assuré par la prévention, dans la mesure du possible, d'une surcharge de stress.

Le soutien et les ressources dont les gens disposent pour promouvoir le bien-être et composer avec des événements stressants ne sont pas uniquement d'ordre personnel. Les ressources économiques et sociales offertes par les établissements, en particulier dans le cadre de politiques gouvernementales, peuvent façonner le bien-être de nombreuses façons37. Les écoles publiques et les prêts étudiants sont des exemples de ressources sociales découlant des politiques relatives à l'éducation. Ces politiques gouvernementales permettent à des étudiants provenant de différents milieux d'interagir et d'établir des réseaux sociaux étendus.

L'identité et les répertoires culturels peuvent également façonner le bien-être. Les répertoires culturels comprennent les cadres qui déterminent ce qui est envisageable et quels outils et stratégies sont disponibles. Certaines personnes grandissent avec plus d'avantages prenant la forme de grands réseaux sociaux, avec de nombreuses possibilités qui sont envisageables et de nombreux outils qui peuvent les aider à avancer.

La signification de la culture

Dans le contexte de la structure sociétale, on entend par « culture » tout élément contribuant à définir l'identité et l'appartenance à un groupe social, comme les limites entre une personne que vous considérez comme appartenant à votre groupe et une personne qui ne l'est pas et votre rôle au sein de votre groupe.

À titre d'exemple, le fait de croire qu'on peut devenir médecin ou avocat est influencé par le fait que d'autres membres de son groupe social ont déjà exercé ces professions. D'un point de vue pratique, la présentation d'une demande d'admission à l'université est plus simple si vous connaissez d'autres personnes qui l'ont déjà fait. Si vos cadres et outils sont très limités, comme c'est le cas pour de nombreuses personnes vivant dans la pauvreté, surtout dans le cas de la pauvreté intergénérationnelle, vous aurez beaucoup plus de difficulté à prendre les décisions importantes liées à votre vie. La résilience, y compris la capacité de composer avec les préjugés liés à la pauvreté, peut également varier selon le répertoire culturel. Cela permet d'expliquer pourquoi certaines personnes peuvent surmonter plus facilement et rapidement les périodes difficiles que d'autres personnes.

Structure sociétale et pauvreté

Même aussi loin qu'à l'époque d'Adam Smith, la pauvreté était considérée autant comme un problème de position sociale et de dignité humaine que comme un problème économique. L'une des raisons pour lesquelles nous ne voyons toujours pas la pauvreté parmi nous tient aux efforts des gens pour éviter les préjugés liés à la pauvreté. Les gens peuvent même aller jusqu'à sacrifier la nourriture et d'autres besoins fondamentaux (qu'ils peuvent cacher) afin d'acheter un téléphone cellulaire ou des chaussures de course griffées qui leur procurent un certain prestige en public.

[Traduction] Au bout du compte, la dépossession matérielle soutenue est le plus grand obstacle au passage des pauvres à la classe moyenne. Mais il y a des variations importantes à l'égard du comportement, de la prise de décisions et des résultats chez des personnes vivant dans des conditions qui semblent identiques sur le plan structural.

Small, Harding et Lamont (2010)38

Dans un article de 2010 intitulé Reconsidering Culture and Poverty, Small, Harding et Lamont se livrent à une réflexion sur de nouvelles recherches qui ont vu le jour au cours des 30 dernières années. Une approche interdisciplinaire commence à prendre forme, y compris chez les économistes, qui s'appuient sur des concepts culturels pour mieux comprendre comment les gens prennent des décisions économiques. Ce sont de bonnes nouvelles pour ceux et celles qui veulent éradiquer la pauvreté. Les auteurs mettent en lumière, entre autres, ce qui suit :

  • Les stratégies de la classe moyenne pour composer avec l'usure de la vie quotidienne ne fonctionnent pas nécessairement de la même façon pour les gens vivant dans la pauvreté.
  • Une étude menée aux États-Unis qui vise à déterminer si les mères seules à faible revenu dévalorisaient le mariage a révélé le contraire — un grand nombre de mères accordaient beaucoup de valeur au mariage, mais elles avaient peu d'espoir que leur conjoint devienne « un bon parti », et elles risquaient fort de ne jamais devenir mères si elles attendaient plus longtemps. 
  • Parfois, les outils permettant de composer avec la pauvreté et ceux permettant d'échapper à la pauvreté entrent en conflit. À titre d'exemple, des personnes gagnant un faible revenu adoptent des comportements qui correspondent davantage à ceux de la classe moyenne, changeant leur façon de parler et de s'habiller et leurs fréquentations dans l'espoir que cela les aidera à sortir de la pauvreté. Toutefois, le fait de s'identifier à un groupe à revenu plus élevé peut donner l'impression qu'on rejette sa propre collectivité. On peut essuyer des critiques et perdre le soutien de sa famille et de ses réseaux sociaux, et il peut devenir plus difficile et stressant de composer avec la vie quotidienne.
  • Toutefois, les gens qui réussissent à se fondre dans les cultures, c'est-à-dire qu'ils s'adaptent bien à divers contextes sociaux, connaissent souvent du succès.

De telles recherches sur les structures sociétales, le bien-être et la pauvreté peuvent se révéler très importantes et faire ressortir de nouvelles façons d'éradiquer la pauvreté que nous devons explorer. Les recherches donnent à penser que les politiques gouvernementales sont plus susceptibles de connaître du succès en réduisant les préjugés, en favorisant l'autonomie, en valorisant les objectifs, les compétences et les connaissances que les gens possèdent déjà et en renforçant les capacités des gens de surmonter les difficultés réelles auxquelles ils font face.

Ce bref aperçu du bien-être sociétal démontre que les aspects sociaux de notre vie comptent autant que les aspects économiques. Il met également en lumière le fait que des investissements visant à appuyer des structures et des relations sociales positives peuvent avoir une incidence importante sur la réduction de coûts indirects et sociétaux liés à la pauvreté qui sont causés par le stress social. Le chapitre suivant porte sur les efforts pour réintégrer les sphères sociales et économiques et sur les difficultés à ce chapitre dans un contexte d'inégalité, d'insécurité et de pauvreté au Canada.         


Chapitre 4 - Relations sociales et économiques

L'une des difficultés liées à la mesure du coût de la pauvreté, à la compréhension de ses effets indirects et au passage à une approche qui permet d'obtenir un meilleur rendement du capital investi tient au fait que les politiques économiques et sociales ont toujours été élaborées selon des visées distinctes. De plus, les visées sociales sont considérées comme moins importantes, avec l'inégalité, l'insécurité et la pauvreté comme conséquences. Maintenant, la situation évolue et offre la possibilité de trouver de meilleures solutions pour vaincre la pauvreté.

Interdépendance sociale/économique

Un nombre croissant d'organismes et d'économistes influents élargissent leur cadre de référence au-delà de l'économie traditionnelle fondée sur le marché pour intégrer un éventail d'interdépendances sociales et économiques. Les progrès réalisés au chapitre de la mesure du bien-être contribuent à une meilleure compréhension de ces relations.

[...] la relation entre les politiques économiques et sociales ne peut en être une où la croissance a priorité sur la répartition et où les politiques sociales en viennent à être considérées simplement comme une mesure corrective à l'égard des conséquences indésirables des processus de croissance.

Nations Unies (2010)39

Une étude sur les interactions économiques et sociales provient de la Direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances de la Commission européenne et a été préparée par Didier Fouarge. Ce dernier se penche sur les coûts économiques liés à l'absence de politiques sociales et réévalue la méthode classique de conciliation de l'équité et de l'efficience.

Les économistes ont souvent avancé qu'une meilleure équité — par l'intermédiaire, disons, d'un gouvernement qui met davantage l'accent sur la redistribution — met l'efficience du marché en jeu. On s'attend à ce qu'un rendement optimal du marché mène à une meilleure équité future. Selon ce point de vue, on ne peut avoir les deux, il faut plutôt les opposer et accepter le sacrifice que cela suppose. Fouarge tire une conclusion différente selon laquelle de bonnes politiques gouvernementales permettent d'obtenir une meilleure équité et une meilleure efficience.

Il est possible de concilier l'équité et l'efficience

Fouarge explique que les politiques qui mettent uniquement l'accent sur l'efficience laissent la redistribution du revenu aux forces du marché; or, l'histoire et la recherche révèlent que c'est un moyen inadéquat d'obtenir l'équité. Selon l'analyse de Fouarge, [Traduction] « les politiques sociales fondées sur des investissements dans le capital humain et social donnent lieu à une efficience économique plus élevée, car elles améliorent la productivité et la qualité de la main-d'œuvre. Les politiques sociales sont donc un facteur de productivité, même si leurs coûts sont généralement visibles à court terme, alors que leurs avantages ne sont souvent apparents qu'à long terme »40

L'étude reconnaît que l'un des coûts évidents des politiques non sociales est la pauvreté. Fouarge est optimiste et estime que [Traduction] « les rendements économique et social sont interreliés, de sorte que la possibilité de situations où l'on gagne sur tous les tableaux est élevée »41

Costs of Non-Social Policy: Towards an Economic Framework Of Quality Social Policies – And The Costs Of Not Having Them
(2003), Fouarge

Les recherches menées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) donnent lieu à des conclusions semblables, de même que des études, comme celle de Furceri intitulée Stabilization Effects of Social Spending: Empirical Evidence from a Panel of OECD Countries (2009) et celle d'Adema et Ladaique intitulée How Expensive is the Welfare State? Gross and Net Indicators in the OECD Social Expenditure Database (SOCX) (2009).

Parmi les rapports canadiens sur l'interdépendance des politiques sociales et économiques, mentionnons les suivants : Prosperity, inequality, and poverty, document de travail daté de 2007 de l'Institute for Competitiveness & Prosperity; Linkages Between Economic Growth and Inequality (2003), par Andrew Sharpe, du Center for the Study of Living Standards; et Social Policy and Productivity Growth: What are the Linkages (2002), par Richard G. Harris.

Le contexte canadien

La réalité actuelle au Canada en est une où subsiste un fossé entre les politiques sociales et économiques qui se reflète dans l'inégalité et l'insécurité qui touchent la classe moyenne et les personnes vivant dans la pauvreté. La compréhension de ces phénomènes et tendances au Canada est importante pour trouver les politiques permettant de gagner sur tous les tableaux (moins de pauvreté, meilleure main-d'œuvre et moins de problèmes sociaux).

L'inégalité

Comme les conclusions du chapitre précédent l'ont fait ressortir, de profondes inégalités à l'égard du revenu sont fortement liées à une mauvaise santé et à d'autres conséquences sociales fâcheuses pour les gens tout au long de l'échelle des revenus. Au Canada, l'échelle est de plus en plus haute, et des études récentes reflètent une préoccupation croissante du public concernant les tendances qui se dessinent en haut de l'échelle42.

Les Canadiens et Canadiennes qui s'accrochent à la classe moyenne y arrivent en grande partie parce que les femmes consacrent plus de temps à un emploi rémunéré. Il y a 30 ou 40 ans, le nombre de couples occupant tous deux un emploi à temps plein était faible, et ces couples se trouvaient habituellement dans une position très élevée sur l'échelle des revenus. Pour les tâches qu'ils n'avaient pas le temps d'accomplir, ils avaient la capacité de recourir à des biens et services achetés, comme une voiture supplémentaire, une bonne d'enfants et des repas au restaurant. Aujourd'hui, on retrouve un plus grand nombre de familles où les deux parents travaillent à temps plein, et elles se trouvent dans le bas de l'échelle des revenus, voire au plus bas. Elles manquent de temps et d'argent43.

Des formes particulières d'inégalité au Canada soulèvent d'autres préoccupations au chapitre des aspects économiques et sociaux. À titre d'exemple, David Hulchanski s'est penché sur l'évolution sur plusieurs années de la répartition géographique de la population torontoise selon le revenu44. Cette étude montre une polarisation croissante des quartiers. Les premières cartes qu'il a établies montraient trois villes distinctes dans la ville : une ville riche, une ville de classe moyenne et une ville à faible revenu. Selon la plus récente carte, les quartiers de classe moyenne qui, jadis, dominaient Toronto ont laissé place à des quartiers plus défavorisés. Les quartiers de Toronto sont également divisés selon l'origine ethnique, le statut d'immigrant et le revenu. De nombreuses collectivités des quatre coins du pays éprouvent des problèmes semblables.

L'insécurité

L'insécurité est également un enjeu croissant au Canada et un problème croissant pour la classe moyenne. Le vieillissement de la population, le coût élevé du logement, des emplois précaires (même dans des secteurs où la rémunération est élevée), les compressions du régime d'assurance-emploi et d'autres programmes et l'endettement croissant comptent parmi les nombreuses raisons pour lesquelles la sécurité du revenu des Canadiens et Canadiennes est fragile. À titre d'exemple, le taux moyen d'endettement (crédit à la consommation et emprunts) a grimpé de 88 % entre 1990 et 2010. De plus, dans le sillage de la dernière récession, le taux de défaut lié aux cartes de crédit et le nombre de cas d'insolvabilité ont augmenté considérablement45

Les familles de classe moyenne éprouvent de plus en plus le genre d'insécurité et d'anxiété liées à la perte de l'emploi et à la hausse des prix qui sont habituellement associées aux populations à faible revenu. De plus, les risques accompagnant les postes à temps partiel précaires qui étaient auparavant associés aux femmes touchent de plus en plus les hommes, car il y a de moins en moins d'emplois payants à temps plein.

La dépendance accrue envers la rémunération de deux adultes en tant que filet de sécurité est la principale raison pour laquelle l'insécurité économique est une préoccupation croissante. Depuis des décennies, l'augmentation constante du nombre d'heures que les femmes consacrent à un emploi rémunéré a aidé les ménages à résister aux récessions, aux compressions des programmes, à la hausse des prix et à d'autres épreuves économiques. Toutefois, comme les schèmes d'emploi des femmes sont déjà très semblables à ceux des hommes, cette source de sécurité supplémentaire ne peut guère augmenter davantage. De plus, cela n'influe aucunement sur l'insécurité éprouvée par les gens qui ne peuvent s'appuyer que sur leur propre salaire.

La pauvreté

Le fait de vivre dans la pauvreté diffère qualitativement du fait de ne pas vivre dans la pauvreté, et cela nécessite une attention particulière. Lorsqu'on parle de la pauvreté, il est question de beaucoup plus que seulement le revenu, comme le chapitre précédent l'a démontré, mais le revenu joue un grand rôle. On entend par « pauvreté » le fait d'avoir un revenu insuffisant pour subvenir à ses besoins de base et pour participer raisonnablement à la société dans laquelle on vit46

La pauvreté diffère du fait d'être au bas de l'échelle des revenus

Il y a une différence entre avoir de faibles notes en quatrième année et échouer. Dans le premier cas, vous passez en cinquième année, apprenez de nouvelles choses et pourriez même mieux réussir avec un nouvel enseignant. Si vous échouez, vous devez tout recommencer et même répéter les matières où vous aviez de bonnes notes. Une autre description du fait de vivre dans la pauvreté nous a été présentée par le Collectif pour un Québec sans pauvreté47.

L'escalier roulant de la pauvreté

Imaginez-vous au rez-de-chaussée d'un édifice où se trouve un escalier roulant qui monte et qui descend. Dès que vous mettez le pied sur l'escalier roulant qui monte, il vous est plus facile d'atteindre le niveau suivant, puis le suivant. Dans la vraie vie, le rez-de-chaussée est l'endroit où vous pouvez subvenir à vos besoins fondamentaux, économiser un peu et participer de façon modeste à la société. À partir du rez-de-chaussée, vous pourriez monter d'un niveau en accédant à du crédit qui vous permet d'acheter une voiture avec laquelle vous pouvez avoir accès à des possibilités d'emploi plus étendues; avec un meilleur emploi, vous pourriez également obtenir une protection supplémentaire en matière de santé, et votre vie s'améliore.

Si vous prenez l'escalier roulant qui descend, vous vous déplacez tout aussi vite. Si vous ne descendez que d'un niveau, vous serez peut-être en mesure de revenir rapidement sur vos pas — vous perdez peut-être votre emploi, mais vous pourriez tenir le coup grâce aux prestations d'assurance-emploi et à vos économies jusqu'à ce que vous trouviez un nouvel emploi. Toutefois, si vous perdez votre emploi et votre assurance-maladie et que vous souffrez d'une maladie qui nécessite des médicaments que vous n'avez plus les moyens de vous offrir, votre situation continue d'empirer. À ce point-ci, vous êtes tombé trop bas pour vous relever.

Le pire, c'est qu'au sous-sol, il n'y a pas d'escalier roulant qui monte. Il arrive souvent que chaque pas vers le haut ne vous mène pas plus loin. Au fur et à mesure que votre santé s'améliore, vous pourriez obtenir un emploi, mais après avoir payé les coûts liés aux services de garde et au transport, vous êtes à peine plus avancé, et votre santé est à nouveau à risque en raison du stress lié au fait de devoir composer avec les tâches ménagères, vos obligations parentales et votre emploi rémunéré. De nombreux éléments doivent jouer en votre faveur pour que vous puissiez remonter l'escalier roulant qui descend du rez-de-chaussée.

Bien souvent, les gens vivant dans une pauvreté extrême doivent simplement conserver leur énergie pour survivre.

Le Canada affiche des résultats variables à l'égard de la pauvreté

Le Canada n'a pas de seuil de pauvreté officiel, mais plusieurs mesures sont utilisées par les organismes à des fins diverses. Le graphique 4.1 illustre une tendance particulière au fil du temps. Il montre clairement que le Canada a beaucoup mieux réussi à réduire la pauvreté chez les aînés que dans le reste de la population.

Graphique 4.1 : Le taux de pauvreté chez les aînés baisse de façon soutenue; le taux de pauvreté des autres groupes d'âge fluctue

Le taux de pauvreté chez les aînés baisse de façon soutenue; le taux de pauvreté des autres groupes d'âge fluctue

* SFR après impôt utilisés.
Source : Statistique Canada, Le revenu au Canada 2009, Tableau 2020-802

Le chapitre 8 fournit de plus amples détails sur le succès relatif à l'égard des aînés. Depuis la fin des années 1990, la pauvreté chez les enfants a commencé à suivre plus étroitement celle des adultes en âge de travailler au lieu d'être considérablement supérieure, autre aspect lié aux politiques qui sera abordé au le chapitre 8. Le présent chapitre met l'accent sur les adultes en âge de travailler.

Les principaux risques liés à la pauvreté chez les adultes en âge de travailler au Canada sont liés à la structure de l'économie, à la monoparentalité, au fait d'être une femme, à l'appartenance à un groupe racialisé, au statut d'immigrant, au statut d'Autochtone, à un problème physique ou mental grave, ainsi qu'aux faibles niveau d'alphabétisme, de scolarité et de compétence. Il faut souligner que les gens appartenant à ces groupes exposés à des risques plus élevés que la moyenne sont justement les populations sur lesquelles la population active canadienne comptera de plus en plus. En conséquence, il est d'autant plus crucial d'éradiquer la pauvreté chez les adultes en âge de travailler.

On notera toutefois qu'une majorité assez importante de gens appartenant à des groupes exposés à des risques plus élevés que la moyenne ne vivent pas, de fait, dans la pauvreté, et que nombre d'entre eux s'en sortent bien. Cela donne à penser que nous devons nous garder d'établir des programmes trop ciblés qui pourraient se révéler inappropriés et inefficaces.

Pauvreté et adultes en âge de travailler

La majorité des adultes vivant dans la pauvreté occupent un emploi. Le fait d'avoir un emploi n'est pas une solution à la pauvreté si les emplois sont précaires et offrent une faible rémunération et peu d'avantages48. Pour les prestataires de l'aide sociale, il y a un grand nombre de personnes qui veulent travailler davantage, mais qui ne seront pas plus avancées si l'aide sociale récupère une bonne part de leurs prestations ou si d'autres avantages liés au bien-être social, comme le logement ou les soins de santé et dentaires, sont perdus.

Il semble toujours y avoir une perception du public selon laquelle les gens n'accepteront pas un emploi si les prestations de soutien du revenu sont trop « généreuses », c'est-à-dire si elles atteignent ou excèdent le seuil de pauvreté, mais cela n'est pas fondé. Les éléments probants donnent à penser qu'un meilleur soutien du revenu peut, en fait, être la clé qui permet aux gens de surmonter la pauvreté et de prospérer à long terme. À la lumière des exemples suivants, nous devrions être beaucoup moins préoccupés par la possibilité qu'un meilleur soutien du revenu ne dissuade les gens de travailler; nous devrions plutôt nous intéresser à investir dans les retombées économiques et sociales dont nous profiterions tous et toutes en mettant fin à la pauvreté.

  • Les conclusions tirées du travail théorique des économistes sont partagées en ce qui concerne la question de savoir s'il faut craindre un effet de dissuasion à l'égard du travail, quelle serait l'étendue de ce problème et quelles mesures il faudrait prendre à cet égard, s'il y a lieu.
  • Dans la pratique, aux États-Unis et au Canada, pendant les années 1970, plusieurs programmes expérimentaux qui offraient un revenu annuel garanti (RAG) ont duré bon nombre d'années pour mettre à l'essai ces hypothèses. Le RAG était fourni selon un modèle d'impôt négatif sur le revenu : en partant du principe que vous payez plus d'impôt lorsque votre revenu est élevé, dans ce cas-ci, plus votre revenu est faible, plus vous recevez un RAG élevé pour que votre revenu atteigne un niveau plus adéquat. L'actuel crédit pour TPS fonctionne de cette façon, mais à plus petite échelle. Le RAG qui a été mis à l'essai n'était pas accompagné des règles, restrictions et préjugés liés au bien-être social. Dans l'ensemble, les preuves d'un tel effet dissuasif se sont révélées relativement minces dans les deux pays, et même beaucoup plus au Canada qu'aux États-Unis.
  • Une analyse récente des données canadiennes révèle qu'une partie de la réduction modeste au chapitre de l'emploi lié au RAG découlait du fait que de jeunes adultes restaient aux études après l'âge minimum obligatoire50. Comme il s'agit d'un bon paramètre de prévision d'une meilleure rémunération future, c'est un progrès. Les taux de baisse de l'emploi étaient un peu plus élevés chez les femmes que chez les hommes, peut-être parce qu'elles auraient temporairement passé plus de temps avec de jeunes enfants (il faut noter que cela précédait l'entrée en vigueur des prestations parentales).
  • Contrairement à ce que pourraient faire croire les stéréotypes selon lesquels les Canadiens et Canadiennes à faible revenu ne valorisent pas le travail ou manquent d'initiative, ces derniers consacrent beaucoup de temps et d'argent à aider les autres. En 2007, les gens dont le revenu du ménage est inférieur à 20 000 $ ont fait des dons équivalant à une moyenne de 1,6 % du revenu avant impôt à des organismes sans but lucratif, alors que ceux gagnant un revenu supérieur à 100 000 $ n'ont contribué que 0,5 %. Le groupe ayant le revenu le moins élevé affichait également un taux de bénévolat officiel de 31 % et le nombre moyen d'heures consacrées annuellement au bénévolat le plus élevé, à savoir 200 heures51. L'effort à l'égard du travail et de la responsabilité sociale semble être aussi fort chez les personnes à faible revenu que chez celles qui sont en meilleure position.

[Traduction] La théorie économique ne peut à elle seule fournir des estimations exactes des effets dissuasifs à l'égard du travail qui découleraient d'un RAG — et c'est la principale raison pour laquelle le Canada et le Manitoba ont mis à l'essai le « Mincome »  [...] La réduction de l'effort pour trouver du travail était modeste, à savoir environ un pour cent chez les hommes, trois pour cent chez les femmes mariées et cinq pour cent chez les femmes non mariées. Ce sont des effets négligeables dans l'absolu [...]

Hum et Simpson (2001)49

Une nouvelle vision de la pauvreté

Dans The Persistence of Poverty: Why the Economics of the Well-Off Can't Help the Poor (2007), le philosophe Charles Karelis démontre en quoi une théorie clé de la prise de décisions économique « rationnelle » était le produit de penseurs de la classe moyenne dont les besoins de base sont déjà comblés.

Il ajoute à la pensée économique un autre postulat selon lequel la valeur d'une chose diminue à mesure que nous en obtenons une grande quantité — le premier cornet de crème glacée dégusté au cours d'une journée de canicule est grandement satisfaisant, le deuxième l'est moins, et ainsi de suite. Cela est fondé sur l'hypothèse selon laquelle nous sommes motivés par nos préférences, par ce qui nous procure du plaisir. Or, ce n'est pas le cas pour les gens vivant dans la pauvreté. Pour les personnes dont les besoins fondamentaux ne sont pas comblés, c'est habituellement l'évitement de la douleur qui motive la prise de décisions. À titre d'exemple, lorsque vous avez sept piqûres d'abeilles, ce n'est pas la première goutte d'onguent qui est la plus précieuse, mais plutôt la septième, car seule celle-ci soulage la douleur. Pour les gens vivant dans la pauvreté, les « piqûres d'abeilles » pourraient être différents problèmes, comme un problème de santé, la perte d'un emploi, le manque de compétences à l'égard d'une nouvelle technologie, une augmentation du loyer et une voiture en panne. Plus l'aide peut avoir une incidence sur l'amélioration de tous les aspects, plus les possibilités de s'affranchir de la pauvreté sont élevées.

Cette théorie parallèle de Karelis jette une lumière nouvelle sur la question de l'emploi et de l'effort pour en trouver un, comme le montre l'exemple suivant qu'il a utilisé. C'est l'histoire de Jane qui tente de conserver son nouvel emploi.

Se rendre au travail

Jane, assistée sociale, apprend qu'une entreprise située à sept kilomètres de chez elle a des postes à pourvoir. Comme le salaire n'est pas élevé, les coûts liés au transport sont un obstacle, et Jane n'est pas en très bonne santé. Si elle se réveille très tôt et se rend au travail à pied, elle sera fatiguée et distraite et aura des ampoules et des douleurs aux pieds. Cela s'aggravera sur le chemin du retour. Elle ne gardera pas l'emploi très longtemps dans ces conditions, et elle usera rapidement ses chaussures de qualité médiocre. Elle apprend ensuite qu'un nouveau programme environnemental offre gratuitement quelques kilomètres de transport en autobus tous les jours à titre de mesure incitative relative au transport en commun. Cela pourrait aider Jane, mais ce n'est toujours pas suffisant pour compenser la douleur et l'usure liée à la marche restante. Si seulement son nouvel employeur offrait un financement complémentaire à l'égard du programme environnemental ou augmentait son salaire, ou si elle était autorisée à garder la carte d'autobus qu'elle peut obtenir à titre de prestataires de l'aide sociale, elle pourrait prendre et conserver l'emploi. Dans le cas présent, c'est l'accumulation des avantages qui élimine l'effet dissuasif à l'égard du travail et permet à Jane de conserver un emploi.

La première partie du présent document a décrit les principaux facteurs économiques et sociaux qui contribuent à la hausse des coûts liés à la pauvreté. Cette partie a également souligné dans quelle mesure la réintégration de politiques économiques et sociales et la remise en question d'idées reçues peuvent nous aider à optimiser les ressources. La deuxième partie montre à quel point les coûts sont devenus élevés et décrit toute l'ampleur des possibilités d'investissements plus avantageux.


Partie Deux - Sous

Chapitre 5 - Calculs exhaustifs des coûts/avantages

Il y a un intérêt croissant à l'échelle mondiale à l'égard de l'estimation des coûts liés à la pauvreté. Le présent chapitre cite des études relativement exhaustives proposant des calculs en dollars. Les exemples fournis proviennent d'études menées aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada, et ils donnent tous à penser qu'un rendement positif — et, dans certains cas, très élevé — peut être obtenu si on investit dans l'élimination de la pauvreté52.

Calculs en dollars

Investissements visant à éliminer la pauvreté aux États-Unis

L'étude porte sur le calcul des coûts directs et indirects liés aux soins de santé des personnes sous-assurées et non assurées, aux services sociaux, comme les coûts liés au logement d'itinérants, aux hausses de la criminalité occasionnée par la pauvreté et à la prévention de la criminalité et, enfin, aux baisses du revenu et des recettes fiscales découlant du sous-emploi et du chômage.

L'étude révèle qu'un investissement visant à éliminer la pauvreté aux États-Unis permettrait d'accroître les ressources de chaque ménage américain de plus de 18 000 $ par année en moyenne53.

On ajoute que même les subventions en espèces offertes à tous les ménages à faible revenu pour que l'ensemble des revenus des ménages puisse atteindre un niveau minimal de revenu moyen, quoique coûteuses — 397 milliards de dollars par année —, permettraient d'économiser presque quatre fois les coûts — un rapport avantages-coûts de 3,75 pour 1.

The Economics of Poverty: How Investments to Eliminate Poverty Benefit All Americans (2006).
Oppenheim et MacGregor

Le coût de la pauvreté chez les enfants aux États-Unis

Établissant l'estimation du coût de la pauvreté liée à la criminalité et à la mauvaise santé pour tous les enfants vivant dans la pauvreté, on conclut dans l'étude que la pauvreté chez les enfants aux États-Unis coûte environ 500 milliards de dollars par année, ce qui équivaut à presque 4 % du PIB.

The Economic Cost of Poverty in the United States: Subsequent Effects of Children Growing Up Poor (2007).
Holzer et coll.

Toujours à l'étranger, Hirsch et ses collègues de la Joseph Rowntree Foundation, organisme indépendant au Royaume-Uni, ont produit trois rapports qui mettaient l'accent sur les coûts économiques liés à la pauvreté chez les enfants, en particulier dans des secteurs de dépenses publiques comme les services sociaux, l'éducation et les services de police et de lutte contre la criminalité54.

Le coût de la pauvreté chez les enfants au Royaume-Uni

Les conclusions des études menées au Royaume-Uni sont semblables à celles des études menées aux États-Unis.

Utilisant des estimations prudentes pour 2010, on a estimé que les dépenses publiques liées aux effets de la pauvreté chez les enfants équivalaient à 12 milliards de livres par année (presque 20 milliards de dollars canadiens) et que le coût lié au taux d'emploi inférieur à la moyenne et au faible niveau de revenu s'élevait à 13 milliards de livres (un peu plus de 21 milliards de dollars canadiens), pour un total de 25 milliards de livres (environ 41 milliards de dollars canadiens).

Estimating the Cost of Child Poverty (2008).
Hirsch

Au Canada, il y a plusieurs études approfondies qui estiment le coût de la pauvreté du point de vue d'un gouvernement ou des contribuables. Un exemple s'attache à l'Ontario et au Canada, deux autres examinent la situation en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, et un se concentre sur la ville de Calgary. Les résultats sont conformes aux conclusions des études menées aux États-Unis selon lesquelles il serait plus rentable de résorber l'écart de la pauvreté que de maintenir le statu quo. À des fins de comparaison, l'écart de pauvreté au Canada est présenté en premier.

L'écart de pauvreté au Canada

Le CNB publie depuis plusieurs années l'écart de pauvreté total au Canada. Il s'agit du montant qu'il faudrait pour ramener au-dessus du seuil de pauvreté tout le monde vivant dans la pauvreté (SFR après impôt utilisé). En 2008, l'écart était de 13,1 milliards de dollars. 

Enquête sur la dynamique de travail et du revenu (EDTR) – tableaux personnalisés (2008).
Statistique Canada

Graphique 5.1 : Écart de pauvreté en dollars constants de 2008 (1988-2008)*

Écart de pauvreté en dollars constants de 2008 (1988-2008)

*L'écart de pauvreté change selon la taille de la population et le taux de pauvreté. Les seuils de faible revenu (SFR) après impôts sont utilisés.
Source : Données pour 1988 2007 : Statistique Canada. Tendances du revenu au Canada, 1976 à 2007, tableau 202 0805.
No de catalogue 13F0022XIE
Données pour 2008 : Statistique Canada, Enquête sur la dynamique de travail et du revenu (2008)tableaux personnalisés
Remarque : Les données pour la période de 1988 à 2007 ont été converties en dollars constants de 2008 par le Conseil national du bien être social.

Lorsqu'on examine les coûts indirects liés à la pauvreté au Canada, il importe de souligner que même les estimations très prudentes sont considérablement plus élevées que l'écart de pauvreté. Selon l'étude suivante, menée pour l'Ontario Association of Food Banks (OAFB), l'estimé du coût public le plus bas au Canada en 2007 était de 24,4 milliards de dollars. Cela représentait presque le double de l'écart de pauvreté de 12,3 milliards de dollars pour 2007. 

Autrement dit, nous aurions pu combler l'écart de pauvreté en payant les coûts directs liés à la pauvreté et réaliser d'énormes économies au chapitre des coûts directs qui se seraient poursuivis à long terme.

Le coût de la pauvreté en Ontario et au Canada

Dans l'étude de l'OAFB, on a estimé trois types de coûts liés à la pauvreté : les coûts supplémentaires imputables au traitement de symptômes de la pauvreté liés à la santé et à la criminalité; les coûts intergénérationnels liés à la pauvreté chez les enfants qui tiennent au faible niveau de scolarité, ce qui entraîne un revenu moins élevé à l'âge adulte et la perte de recettes fiscales; et les coûts de renonciation liés à la perte de productivité et de recettes fiscales parce que les gens ne sont pas en mesure de développer et d'exploiter leur potentiel. Outre les coûts publics, il y a des coûts privés que les Canadiens et Canadiennes à faible revenu doivent assumer.

  • Le total des coûts publics annuels les plus bas au Canada a été estimé à 24,4 milliards de dollars, et le total des coûts privés que les Canadiens et les Canadiennes à faible revenu doivent assumer était de 48,1 milliards de dollars.
  • Le total des coûts publics annuel en Ontario était de 10,4 milliards de dollars, et le total des coûts privés était de 21,8 milliards de dollars. Essentiellement, cela signifie que les coûts liés à la pauvreté coûtent 2 299 $ par année à chaque ménage ontarien, soit environ 5 % du PIB provincial.

The Cost of Poverty (2008). Laurie

Dans le cadre des études sur le coût de la pauvreté menées en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard par le Centre canadien de politiques alternatives, on a utilisé la méthode de l'OAFB et on est arrivé à des résultats semblables. 

En Nouvelle-Écosse, le total des coûts publics liés à la pauvreté était de 0,5 à 0,65 milliard de dollars, et le total des coûts privés et publics se situait entre 1,5 et 2,2 milliards de dollars — soit de 6 à 8 % environ du budget de 2007-2008 de la Nouvelle-Écosse55.

À l'Île-du-Prince-Édouard, le total des coûts publics liés à la pauvreté était de 0,08 à 0,28 milliard de dollars, et le total des coûts privés et publics se situait entre 0,24 et 0,32 milliard de dollars — soit de 1 720 à 2 265 dollars environ par personne vivant à l'Île-du-Prince-Édouard, pour une moyenne équivalant à environ 5 à 7 % du PIB provincial56.

Le coût de la pauvreté dans la ville de Calgary

Dans cette recherche, l'accent est mis sur les coûts « externes » liés à la pauvreté — les coûts engagés par des personnes autres que celles vivant dans la pauvreté. Les estimations prudentes pour Calgary sont de 8,25 millions de dollars. La répartition annuelle de ces coûts estimatifs et des estimations moins prudentes est la suivante :

Estimations prudentes

Évaluations conjecturales

Système de santé

3,35 M$

16,3 M$

Système d'éducation

4,9 M$

7,9 M$

Système de justice pénale

-

2 M$

Coût de transfert réduit en raison du nombre moins élevé de prestataires de soutien du revenu

-

18 M$

Soutien social/services sociaux

-

0,6 M$

The External Cost of Poverty: a Conservative Assessment (2004).
Sheill et Zhang

La question des économies réalisées au chapitre de l'administration

La recherche menée à Calgary soulève également un aspect qu'on ne trouve pas habituellement dans les études sur le coût de la pauvreté : le coût de l'administration des programmes de soutien du revenu.

Certains partisans d'un revenu garanti ou de base qui n'est pas fondé sur l'évaluation des besoins avancent qu'on pourrait réaliser d'énormes économies au chapitre de l'administration comparativement à la plupart des systèmes d'aide sociale, alors que d'autres se montrent plus prudents à cet égard57. Cette question mérite d'être étudiée de façon approfondie. Compte tenu des différents systèmes d'aide sociale des 13 provinces et territoires du Canada, chacun ayant son ensemble complexe de règles à gérer et à appliquer, les coûts d'administration pourraient effectivement être plus importants comparativement à ceux d'autres pays.

Calculs liés aux avantages fiscaux

Dans deux études importantes, on examine les avantages et la rentabilité d'importants programmes d'impôt et de transfert. L'étude menée au Québec par Bibi et Duclos met en lumière toute l'importance de la conception de politiques et de l'adoption d'une gamme de politiques visant à réduire et à éliminer la pauvreté; les auteurs font remarquer que les objectifs de certains programmes vont au-delà de la réduction de la pauvreté.

Les effets des impôts et des transferts sur la pauvreté

Une étude menée en 2009 par Bibi et Duclos présente les effets des impôts et des transferts sur la pauvreté au Québec et comprend des comparaisons avec l'Ontario. L'étude a révélé ce qui suit :

  • Les mesures fiscales les plus généreuses n'ont pas nécessairement la plus grande incidence sur la pauvreté. À titre d'exemple, même si la prestation fiscale provinciale pour enfants n'est pas le programme le plus généreux, elle a une incidence relativement grande sur la réduction de la pauvreté comparativement à d'autres programmes plus généreux.
  • L'assurance-emploi et l'aide sociale sont peut-être efficaces pour réduire la profondeur de la pauvreté, mais ce sont les mesures les moins efficaces au chapitre de l'élimination de la pauvreté. Les prestations d'assurance-emploi destinées aux travailleurs à faible revenu qui ont perdu leur emploi et l'assistance sociale destinée à la plupart des personnes et des familles offrent un revenu qui se situe bien en deçà du seuil de pauvreté.
  • En général, les programmes sociaux du Québec, comme le Régime des rentes du Québec et les prestations de maternité, contribuent davantage à réduire la pauvreté comparativement à des programmes semblables en Ontario et dans d'autres parties du Canada. Leur conception est généralement plus souple et plus généreuse.

Dans l'étude, les auteurs soulignent également que différentes formes d'imposition ont des effets différents sur la pauvreté :

  • L'impôt sur le revenu, dans la mesure où celui-ci est progressif, a le moins d'effet sur la pauvreté. Les taxes de consommation et les charges sociales ont une plus grande tendance à appauvrir — ils représentent une plus grande part du revenu des gagne-petit.  

L'effet des prélèvements fiscaux et des transferts aux particuliers sur la pauvreté au Québec et au Canada (2011).
Bibi et Duclos

Le deuxième rapport mettant en lumière les avantages, même si l'accent n'est pas mis directement sur la pauvreté, est important parce qu'il montre clairement la valeur économique des dépenses publiques pour les Canadiens et Canadiennes de tous les niveaux de revenu. Le rapport démontre que les services publics procurent une grande valeur. Sans cet investissement public, le taux de pauvreté au Canada (et les conséquences de celle-ci pour tout le monde) serait probablement beaucoup plus élevé.

[Traduction] La réforme de politiques sur les impôts et les prestations est l'outil le plus direct et le plus puissant pour accroître les effets de la redistribution. Les pertes importantes et persistantes des groupes à faible revenu qui surviennent à la suite de récessions font ressortir l'importance d'adopter des politiques du soutien du revenu qui sont bien ciblées.

Forum politique de l'OCDE : Lutter contre les inégalités (2011)58

La valeur des services publics pour les Canadiens et Canadiennes

Tout le monde au Canada dépend considérablement des services publics, comme l'éducation, les soins de santé, les services de garde, les régimes de pension publics, l'assurance-emploi et les prestations familiales, pour maintenir son niveau de vie.

Les Canadiens et Canadiennes reçoivent une moyenne par habitant de 16 952 $ en services publics financés à même nos impôts — c'est environ le montant que gagnerait un Canadien travaillant à temps plein toute l'année au salaire minimum (2006). Environ 56 % de ces avantages proviennent de paiements de transfert liés aux soins de santé et à l'éducation ainsi que de paiements de transfert versés à des particuliers.

+ Pour plus des deux tiers des ménages canadiens, les avantages obtenus sous forme de services publics représentent plus de 50 % de leur revenu total.

+ Pour les ménages à revenu médian, les avantages obtenus équivalent à 41 000 $, ou à environ 63 %, de leur revenu total.

+ Pour les ménages dans la fourchette de revenu de 80 000 $ à 90 000 $, les avantages provenant des services publics équivalent à environ 50 % de leur revenu de sources privées.

L'aubaine discrète du Canada : Les avantages tirés des services publics (2009).
Mackenzie et Shillington

Calculs liés au bien-être

Les travaux menés à l'étranger par Wilkinson et Pickett examinant pourquoi l'égalité est avantageuse pour tout le monde ont été mentionnés au chapitre 3. Une partie des conclusions clés sont présentées ci-dessous pour montrer l'éventail des avantages possibles à l'égard du bien-être.

L'importance d'accroître l'égalité

+ Le niveau de confiance est jusqu'à six fois plus élevé dans les sociétés égalitaires comparativement à celles qui le sont moins. Au fur et à mesure que l'égalité augmente, les gens s'occupent davantage les uns des autres.

+ Les notes des enfants en mathématiques et en écriture et lecture sont plus élevées dans les sociétés plus égalitaires. Aux États-Unis, les États les plus égalitaires affichent de faibles taux de décrochage. 

+ Le taux de naissance chez les adolescentes est moins élevé à l'égard de tous les niveaux de revenu dans les sociétés plus égalitaires.

+ Les taux d'homicide et d'incarcération sont moins élevés dans les sociétés plus égalitaires. Une tendance à la hausse du taux de récidive commence à se dessiner dans les sociétés où il y a plus de mesures punitives, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, comparativement à des sociétés plus égalitaires, comme le Japon et la Suède.

≈ Parmi les nombreux pays visés par cette étude, le Canada se trouve au centre en ce qui concerne la majorité des mesures.

The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone (2010).
Wilkinson et Pickett

Le début du présent chapitre mentionnait l'étude d'Oppenheim et de MacGregor selon laquelle le fait d'offrir des subventions en espèces pour permettre aux gens de sortir de la pauvreté engendrerait d'énormes coûts, mais donnerait lieu à un rendement élevé. Les politiques visant à offrir des subventions en espèces ou d'autres formes de revenu garanti sont, de fait, en croissance. À titre d'exemple, le programme Bolsa Familia au Brésil donne des résultats positifs. Le programme offre un revenu de base régulier aux familles à faible revenu, avec seulement deux conditions — les enfants doivent fréquenter un établissement scolaire et passer des examens médicaux. D'autres programmes expérimentaux ont démontré que l'établissement de conditions n'est pas nécessaire pour obtenir les résultats souhaitables et qu'elles ne font qu'ajouter aux frais administratifs.

Le Canada fournit un revenu minimum régulier, par l'intermédiaire du système fiscal, aux aînés (Supplément de revenu garanti) et aux enfants (Supplément de la prestation nationale pour enfants) issus de familles à faible revenu. De nombreux pays disposent de programmes semblables. À la lumière de ces réalisations et de la persistance de la pauvreté malgré d'autres programmes d'assistance sociale, il y a un intérêt renouvelé à l'égard des revenus minimums garantis qui ont été mis à l'essai à plusieurs endroits aux États-Unis et au Canada dans les années 197059

Le programme « Mincome », mis à l'essai à Dauphin (Manitoba), était unique en son genre. Tout le monde dans la collectivité a pris part à cette expérience de quatre ans, contrairement à d'autres études où les participants étaient sélectionnés aléatoirement. De 1974 à 1978, les adultes en âge de travailler et les aînés dont le revenu était sous un certain niveau recevaient un revenu minimum garanti. Comme celui-ci prenait la forme d'un impôt négatif sur le revenu (comme le crédit pour TPS, mais beaucoup plus élevé), il n'était associé à aucun préjugé, et personne ne savait quelles familles le recevaient. À Dauphin, il était possible de constater les effets d'un revenu minimum sur les prestataires — et sur toute la collectivité.

Chaque ménage était rassuré à l'idée que le programme Mincome était disponible au besoin. À cet égard, il ressemblait à une assurance contre la perte de revenu, et il est raisonnable de prévoir que le programme pourrait influencer les décisions familiales. À titre d'exemple, pour les familles dont le revenu (ou la participation au travail agricole) des enfants plus âgés est important pour joindre les deux bouts, les étudiants subissent une pression économique qui les pousse à abandonner leurs études secondaires avant de les avoir terminées. Toutefois, si on sait que le programme Mincome sera offert durant quatre ans, le fait de permettre à ses adolescents de rester aux études encore un ou deux ans devient moins risqué. La poursuite des études aide ensuite à améliorer leurs perspectives économiques.

Peu d'analyses ont été menées à l'époque de l'expérience, mais, selon de récentes recherches par Forget (décrites ci-dessous), il y avait bel et bien des effets positifs considérables. De plus, il n'y avait aucun élément probant faisant état de l'accroissement de l'éclatement de l'unité familiale que craignaient certains chercheurs américains.

Les avantages sociétaux d'un revenu adéquat et stable

Dans une nouvelle recherche sur le programme expérimental Mincome exécuté à Dauphin de 1974 à 1978, des dossiers médicaux détaillés et d'autres dossiers ont servi à examiner les effets du programme. Ces dossiers n'indiquent pas qui a touché un revenu garanti. Ils présentaient plutôt un portrait de la collectivité avant, durant et après l'expérience. Les dossiers révèlent une amélioration globale trop étendue pour s'appliquer uniquement aux gens qui ont bénéficié de l'aide du programme Mincome. Autrement dit, l'ensemble de la collectivité a tiré avantage du programme.

Voici les avantages clés constatés :

+ Les étudiants de Dauphin étaient plus susceptibles de poursuivre leurs études secondaires plus longtemps et d'obtenir leur diplôme comparativement à d'autres étudiants en milieu rural et urbain. Avant et après l'expérience, les étudiants de Dauphin étaient soumis aux mêmes tendances que les autres étudiants en milieu rural et ne réussissaient pas aussi bien que les étudiants en milieu urbain.

+ Les femmes donnaient naissance à leur premier enfant lorsqu'elles étaient plus âgées et avaient moins d'enfants au cours de leur vie.

+ Le nombre global d'hospitalisations, surtout en ce qui concerne les accidents, les blessures et les problèmes de santé mentale, a baissé à Dauphin par rapport au groupe témoin.

+ Le nombre de consultations de médecins pour diagnostiquer un problème de santé mentale a également baissé comparativement au groupe témoin.

The town with no poverty: A history of the North American Guaranteed Annual Income Social Experiments (2008). Forget

Les résultats de toutes les études décrites dans le présent chapitre révèlent qu'on peut réaliser d'importantes économies de coûts en éliminant la pauvreté et que des revenus qui sont plus adéquats et stables, échappent aux préjugés et qui sont mis en œuvre à grande échelle dans la société peuvent avoir des avantages qui vont au-delà des personnes et familles admissibles et, par le fait même, améliorer la qualité de vie des collectivités.


Chapitre 6 - Exemples de coûts/avantages

Le présent chapitre fournit des exemples provenant d'un éventail de politiques et de programmes. Les études sont de tailles variables et comprennent des études de petite envergure et très détaillées et d'autres qui mettent l'accent sur des groupes particuliers au sein de la population.

Logement et itinérance

Plusieurs études mettent l'accent sur les sans-abri. Au Canada, six villes et une province ont évalué le coût, ou les conséquences négatives, de l'itinérance60. La Commission de la santé mentale du Canada met actuellement en œuvre des projets pilotes de recherche sur la santé mentale et l'itinérance partout au pays61.

Le modèle « priorité au logement »

Le modèle « priorité au logement » consiste à trouver un logement approprié pour une personne ou une famille. D'autres problèmes auxquels les itinérants peuvent se heurter, comme la toxicomanie, des problèmes de santé ou de longues périodes de chômage, sont pris en compte après que leur vie est stabilisée au moyen d'un logement. Pour certains sans-abri, surtout ceux qui ont un emploi, un logement à prix modique est la seule chose dont ils ont besoin.

Ces projets et plusieurs autres études sur l'itinérance intègrent le modèle « priorité au logement ». Ce modèle s'est révélé à maintes reprises plus rentable que les approches classiques visant habituellement à offrir un repas et un lit pour la nuit dans un refuge.  

L'étude la plus complète sur le modèle « priorité au logement » a été menée aux États-Unis par Culhane, Metraux et Hadley, de 1987 à 1997, avec un grand échantillon de 4 679 itinérants aux prises avec des problèmes de santé mentale62. L'étude a démontré que le fait d'offrir des logements supervisés contribuait à une réduction importante de l'itinérance et à une réduction marquée du recours aux refuges, aux hôpitaux et aux établissements correctionnels.

Les économies de coûts réalisées, selon une estimation prudente, couvraient 95 % du coût des logements supervisés et ne comprenaient pas la valeur d'autres avantages dont ont bénéficié les participants du programme après avoir eu un logement stable. Le taux de réussite d'ensemble a amené les auteurs à conclure que le programme est un investissement judicieux de ressources publiques. Les auteurs continuent d'examiner l'efficacité du programme, par exemple dans Accountability, Cost-Effectiveness, and Program Performance: Progress Since 1998 (2010)63.

Des évaluations ont été effectuées à l'égard de villes particulières, comme Los Angeles, Toronto et Calgary. La taille des échantillons est plus modeste, mais des résultats uniformes ont confirmé la conclusion principale selon laquelle la fourniture d'un logement engendre moins de coûts et donne lieu à un meilleur taux de réussite comparativement au paiement continu de la surutilisation des services publics coûteux en raison de l'itinérance. 

Le coût de l'itinérance à Los Angeles

Dans cette étude approfondie, on a calculé le coût des services offerts à des personnes vivant en situation d'itinérance chronique deux ans avant et deux ans après l'obtention d'un logement. Les coûts moyens sont présentés de la façon suivante :

Homeless Cost Study. Los Angeles: United Way of Greater Los Angeles, 2009

*Graphique reproduit selon les données de l'auteur.
Source : United Way of Greater Los Angeles. Homeless Cost Study. Los Angeles: United Way of Greater Los Angeles, 2009.

[Traduction] « Les coûts ont augmenté à l'égard d'un aspect : la santé mentale [...] Cela est non seulement prévu, mais souhaitable, car les rencontres régulières avec des intervenants en santé mentale de la collectivité peuvent aider les gens à accéder à des services de counseling et à continuer de prendre leurs médicaments ainsi que réduire le nombre de visites inutiles à l'urgence64. »

Le coût total des services publics fournis aux itinérants durant deux ans dans la rue était de 187 288 $, alors qu'il n'a coûté que 107 032 $ pour leur offrir un logement permanent et des services de soutien durant deux ans — une économie de 80 256 $, ou presque 43 %.

Homeless Cost Study (2009). United Way of Greater Los Angeles

Le coût de l'itinérance : hospitalisations à Toronto

Cette étude de cinq ans a amassé les coûts liés aux services médicaux, chirurgicaux et psychiatriques offerts aux patients sortants, qu'ils soient sans-abri ou non. Après le rajustement en fonction des différences entre les patients (p. ex. l'âge et le sexe), l'étude a révélé que les patients itinérants coûtaient 2 559 $ de plus. Le coût élevé des services médicaux et chirurgicaux tenait à de plus longs séjours à l'hôpital des patients itinérants, mais ce facteur n'expliquait pas les 1 058 $ supplémentaires liés aux admissions aux unités psychiatriques. 

Hospital Costs and Length of Stay Among Homeless Patients Admitted to Medical, Surgical and Psychiatric Services (2011).
Hwang et coll.

Le coût de l'itinérance à Calgary

- Le gouvernement paie quotidiennement 40 $ à un refuge pour offrir un matelas sur le sol et un repas à un itinérant, pour un total de 1 200 $/mois.

+ Une personne peut vivre dans un appartement qui coûte de 600 à 800 $ par mois, en plus de l'argent économisé pour des services de soutien.

+ La construction de logements à prix abordable contribue à la création d'emplois - le secteur de la construction emploie plus d'un million de Canadiens et Canadiennes.

- Les services d'urgence sont coûteux.

- Coût annuel moyen par personne dans le cadre d'une intervention en établissement (prison, centre de détention ou hôpital psychiatrique) : de 66 000 $ à 120 000 $

- Refuges d'urgence : de 13 000 $ à 42 000 $

+ Un logement supervisé est plus rentable.

+ Coût d'un logement de transition supervisé : de 13 000 $ à 18 000 $

+ Coût d'un logement à prix abordable sans service de soutien : de 5 000 $ à 8 000 $

The Homeless Among Us (2009). Calgary Homeless Foundation

Criminalité

La relation entre la pauvreté et la criminalité a également fait l'objet d'études précises. L'étude décrite ci-dessous, qui porte sur les femmes qui se sont vues imposer une peine d'emprisonnement pour avoir commis un crime lié à la pauvreté, montre à quel point les solutions de rechange seraient plus rentables65.

Les coûts des crimes liés à la pauvreté

- Au total, 80 % des Canadiennes incarcérées ont commis un crime lié à la pauvreté, et 39 % d'entre elles avaient simplement omis de payer une amende.

- Au total, 70 % des femmes incarcérées sont des mères seules.

- Le coût lié à l'incarcération d'une femme durant la période nécessaire pour qu'une amende de 150 $ soit acquittée est de 1 400 $.

- Les coûts peuvent comprendre la perte de la garde des enfants; la perte d'un logement, d'un emploi ou de biens; et des problèmes de santé croissants chez les mères et les enfants.

+ Le rendement des investissements dans d'autres mesures est de 6 pour 1.

[Traduction] « Ces coûts pourraient sembler justifiés si les buts de l'incarcération, soit de punir et de permettre au délinquant de se réadapter, étaient atteints, mais ce n'est pas le cas. L'incarcération d'une femme pour avoir commis un crime lié à la pauvreté la punit, certes, mais on punit plutôt le fait d'être pauvre et d'avoir tenté de joindre les deux bouts en recourant à des moyens socialement inappropriés, mais aisément accessibles. En conséquence, le taux de récidive est important et coûteux66. »

Crimes of Desperation: The truth about poverty-related crime (2008).The Poverty Reduction Coalition of Calgary

Santé et bien-être

Dans le secteur de la santé, des progrès exponentiels ont été réalisés du point de vue du coût de la pauvreté. La section sur la santé du rapport Le coût de la pauvreté (2002) du Conseil national du bien-être social était grandement fondée sur l'étude pionnière de Whitehall sur les fonctionnaires britanniques (de 1967 à 1977 et depuis 1985)67. L'étude a suivi l'état de santé de plus de 10 000 fonctionnaires durant près de 20 ans et a démontré que la santé et l'espérance de vie s'amélioraient avec chaque échelon hiérarchique dans la fonction publique. D'autres études élargissent et renforcent les types de preuves obtenus dans le cadre de l'étude de Whitehall qui démontrent que l'inégalité, un faible statut et un faible contrôle expliquent le plus les grandes différences des résultats pour la santé. 

De récents travaux menés par Wilkinson et Pickett documentent également la relation entre l'inégalité, la santé et le bien-être dans un grand nombre de pays. Voici les principales conclusions concernant la santé qui sont pertinentes au contexte canadien :

  • Le taux de problèmes de santé mentale enregistré en Allemagne, en Italie, au Japon et en Espagne était de 10 %, alors que celui enregistré au Canada et au Royaume-Uni était deux fois plus élevé, soit de 20 %. Les États-Unis, qui avaient les taux d'inégalité et de pauvreté les plus élevés, affichaient également le taux le plus élevé de problèmes de santé mentale, soit de 26 %68.
  • La consommation de drogues illégales, l'obésité, la mortalité infantile et beaucoup d'autres problèmes de santé sont plus communs dans les sociétés où règne une forte inégalité.
  • Par ailleurs, il n'y a aucun lien établi entre le montant des dépenses liées aux soins de santé et l'obtention de bons résultats liés à la santé.

Au Canada, il y a énormément de renseignements supplémentaires qui font état de l'incidence de l'inégalité du revenu et du faible revenu sur les résultats liés à la santé.

  • Environ 20 % des dépenses liées aux soins de santé peuvent être attribuées aux disparités socioéconomiques, comme de grands écarts de revenu69.
  • Comparativement aux quartiers riches, les quartiers défavorisés affichent un taux de mortalité de 28 % plus élevé et un taux de suicide deux fois plus élevé. Le diabète de type 2 et les crises cardiaques sont également plus communs. Cela démontre que « les principaux facteurs ayant une incidence sur la santé de la population canadienne n'ont rien à voir avec les traitements médicaux ou avec les choix de style de vie, mais plutôt tout à voir avec les conditions de vie. » « Le revenu s'avère sans doute le plus important des déterminants sociaux de la santé71. »
  • Malgré un accès aux traitements et des résultats en matière de soins semblables, le taux de crises cardiaques dans les quartiers les plus démunis était de 37 % supérieur à celui des quartiers les plus aisés72.
  • La ville de Hamilton (Ontario) a constaté que, dans la ville, il y avait un écart de 21 ans en ce qui concerne l'espérance de vie entre les quartiers situés dans la partie supérieure de l'échelle des revenus et ceux situés dans la partie inférieure de l'échelle73.
  • Comparativement aux personnes qui se trouvent dans la partie supérieure de l'échelle des revenus, les personnes à faible revenu affichent quelques années de moins au chapitre de l'espérance de vie rajustée en fonction de la santé. Cette mesure combine des données sur la mortalité et la morbidité, y compris les incapacités et les réductions de la qualité de vie liées à la santé, en un seul indice74.

[Traduction] Le stress financier peut toucher notre santé mentale, comme le montrent les chiffres. Réconforter notre capital humain est une priorité pour notre rétablissement [...] Des données très solides établissent une corrélation entre le stress lié au chômage et aux finances personnelles et l'augmentation de problèmes de santé mentale, y compris un taux plus élevé de dépression et de suicide. À Windsor (Ontario), où le secteur de l'automobile a été durement frappé plus tôt par la récession, la demande en matière de services de santé mentale a grimpé de 50 % l'année dernière.

Kirby (2009)70

Plus de 20 études qui portent uniquement sur la santé figurent dans la bibliographie en ligne du Conseil. Elles documentent les coûts externes (p. ex. le recours au système de santé, le coût lié aux vies perdues prématurément et la qualité de vie réduite). 

La majorité des rapports sur la pauvreté et la santé utilise des indicateurs de la santé et du bien-être. Peu de rapports liés à la santé proposent des calculs précis des coûts financiers, mais une vaste et importante étude menée par Mackenbach et coll. en Europe le fait.

Le coût économique de l'inégalité en matière de santé dans l'Union européenne

Au cours d'une année :

- les pertes liées à l'inégalité en matière de santé causées par une baisse de productivité de la main-d'œuvre totalisaient 145 milliards d'euros, ou près de 232 milliards de dollars canadiens;

- l'incidence économique des inégalités socioéconomiques à l'égard de la santé en raison d'une utilité individuelle réduite (p. ex. la satisfaction ou la capacité de travailler ou de s'adonner à un loisir) était de 980 milliards d'euros, ou 1 568 milliards de dollars canadiens;

- les pertes liées à l'inégalité en matière de santé représentaient 15 % des coûts des systèmes de sécurité sociale et 20 % des coûts des systèmes de santé de l'Union européenne dans son ensemble.

Economic costs of health inequalities in the European Union (2010). Mackenbach, Meerding et Kunst75

Éducation

Les analyses des coûts-avantages sont bien avancées dans le domaine de l'éducation. Un grand nombre d'entre elles mettent l'accent sur la valeur du capital humain et les coûts liés au potentiel perdu et au décrochage. Plusieurs études canadiennes figurant dans la bibliographie ont adopté différentes approches pour mesurer les résultats. Il arrive souvent que les avantages des interventions positives soient présentés au niveau tant individuel que sociétal, comme en témoignent les exemples.

Les avantages économiques de l'éducation

L'étude estime les avantages :

+ pour les étudiants qui peuvent accéder à un niveau de scolarité plus élevé en démontrant la relation entre l'emploi, la rémunération et un niveau de scolarité plus élevé : les diplômés postsecondaires sont plus susceptibles d'obtenir un emploi et gagnent davantage que ceux qui n'ont pas poursuivi leurs études après le secondaire. En Ontario, un titulaire d'un baccalauréat gagne au total 769 720 $ de plus sur une période de 40 ans qu'une personne qui ne détient qu'un diplôme d'études secondaires;

+ pour la société en démontrant dans quelle mesure les diplômés postsecondaires contribuent à l'assiette de l'impôt au Canada. Les diplômés universitaires composent 22 % de la population, comptent pour 41 % de l'impôt sur le revenu versé et reçoivent 14 % des paiements de transferts.

The Price of Knowledge. Access and Student Finance in Canada (2009). Berger et Parkin

L'étude de l'Ontario Undergraduate Student Alliance (OUSA), intitulée Ontario's Knowledge Economy: The Economic Impact of Post-Secondary Education (2009), s'appuyait sur les résultats de Berger et Parkin et sur un rapport du Groupe Banque TD qui faisait état d'un rendement de 12 à 28 % pour l'investissement d'un étudiant dans un diplôme collégial ou universitaire. La rémunération hebdomadaire moyenne des travailleurs détenant un diplôme universitaire est plus élevée que celle de leurs homologues qui ne possèdent qu'un diplôme d'études secondaires, dans une proportion de 61 %.

[Traduction] Pour les plus désavantagés dans notre société, un niveau de scolarité plus élevé est particulièrement important. Bref, c'est une porte de sortie pour les gens qui vivent dans la pauvreté.

Ontario Undergraduate Student Alliance (2009)76

Le rapport de l'OUSA insiste également sur le fait qu'en plus de générer des recettes publiques accrues, les Ontariens détenant un diplôme d'études postsecondaires vont probablement vivre plus longtemps, être en meilleure santé, commettre moins de crimes, voter en plus grand nombre, verser des dons à des organismes caritatifs et faire du bénévolat dans leur collectivité.

Passeport pour ma réussite, programme unique en son genre, a débuté dans un quartier extrêmement pauvre à Toronto. Ce programme vise à briser le cycle de la pauvreté en réduisant le taux de décrochage au secondaire et en augmentant l'accès de jeunes issus de familles à faible revenu aux études postsecondaires. Le programme offre des services de tutorat, des séances de mentorat en groupe, l'aide de travailleurs de soutien et une aide financière immédiate, comme des billets d'autobus gratuits et des bourses d'études postsecondaires. Les résultats obtenus dans le quartier Regent Park de Toronto, où le programme a d'abord été mis en œuvre, et dans de nouveaux centres à Toronto, Ottawa, Kitchener et Montréal, sont impressionnants.

Les avantages du soutien offert aux étudiants issus de familles à faible revenu

Dans les nouveaux centres visés par le programme Passeport pour ma réussite, les résultats initiaux montraient ce qui suit :

+ une réduction de 23 à 52 % du taux d'étudiants qui risquaient de décrocher;

+ une augmentation de 74 à 165 % du nombre d'étudiants inscrits et une hausse de 65 à 91 % du nombre total d'étudiants admissibles.

Le programme mis en œuvre à Regent Park, qui en est maintenant à sa huitième année, continue d'être une réussite.

+ Le taux de décrochage a chuté, passant de 56 % à moins de 10 %.

+ Au total, 462 jeunes participants au programme Passeport pour ma réussite ont terminé leurs études secondaires, et 80 % de ces diplômés font des études postsecondaires. La grande majorité d'entre eux sont les premiers de leur famille à le faire.

+ Le taux d'abandon à l'université des étudiants participant au programme est de 1,8 % — ce qui est bien en dessous de la moyenne de 16 % — alors que le taux d'abandon au collège est de 9,3 % comparativement à un taux moyen de 25 %.

Passeport pour ma réussite (2009).

Selon les recherches menées par le Boston Consulting Group en 2011, le programme Passeport pour ma réussite procure également une bonne optimisation des ressources avec un très grand rendement social des investissements et une augmentation spectaculaire de la qualité de vie globale de la collectivité77.

Apprentissage et garde d'enfants

L'importance et la rentabilité d'un apprentissage de qualité en bas âge comptent parmi les domaines d'études les mieux documentés. Des exemples de programmes américains de services de garde remarquables qui mettaient l'accent sur les enfants à risque ont été intégrés dans le rapport Le coût de la pauvreté (2002) du Conseil; ils réalisaient des économies de sept dollars pour chaque dollar dépensé lorsque les enfants atteignaient l'âge adulte. Une autre étude estimait qu'un système universel au Canada visant les enfants âgés de deux à cinq ans permettrait d'obtenir un rendement de près de deux dollars pour chaque dollar dépensé78.

Plus récemment, nous avons été en mesure de constater l'incidence du programme de services de garde du Québec, créé en 1997, sur la pauvreté. Selon les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec, de 1997 à 2007, le taux de pauvreté chez les mères seules a baissé de 15 points de pourcentage, si on utilise les SFR après impôt à titre de mesure de la pauvreté. Si on utilise plutôt la mesure du panier de consommation, une baisse de 20 points de pourcentage a été enregistrée de 2000 à 2007, par rapport à une baisse de 12 points de pourcentage pour l'ensemble du Canada79.

Dans le cadre d'une analyse de la situation des services de garde au Québec, l'Association québécoise des centres de la petite enfance (2007) a souligné beaucoup d'autres avantages. À titre d'exemple, de 1995 à 2005, l'augmentation de la participation à la vie active des femmes en âge de procréer au Québec était deux fois plus élevée que celle pour l'ensemble du Canada. Le gouvernement provincial tire avantage d'une réduction du nombre d'assistés sociaux, d'une augmentation des impôts versés et d'une baisse du besoin de recourir aux services sociaux et au système de santé. Le secteur privé a pour sa part accès à une plus grande main-d'œuvre et crée des emplois dans le secteur des services à la petite enfance. Les femmes en tirent davantage en devenant plus indépendantes et en étant mieux en mesure de mettre fin à des relations de violence, ce qui a des effets positifs sur leur santé et sur leur prise de décisions, ainsi que sur la santé et le développement de leurs enfants. De plus, l'analyse fait état d'avantages à long terme liés à un niveau de scolarité plus élevé et à une meilleure capacité de briser le cycle de la pauvreté.

Bon nombre d'études ont également examiné les effets d'un soutien financier direct sur les familles à faible revenu ayant des enfants. Une étude présente un aperçu des effets des interactions de différents programmes qui peuvent contribuer ou entraver l'objectif de réduction de la pauvreté.

La valeur de la prestation nationale pour enfants (et du soutien offert aux parents)

Les objectifs stratégiques du Supplément de la prestation nationale pour enfants (SPNE) comprennent la réduction du taux de pauvreté chez les familles avec enfants au Canada et la réduction de la profondeur de la pauvreté pour ces familles.

Grâce à l'introduction du SPNE, le taux de pauvreté national chez les familles économiques avec enfants a baissé de 4,6 % de 1996 à 1999. La baisse de l'écart de pauvreté était encore plus marquée, à 8,7 %.

[Traduction] « Même si le Supplément de la prestation nationale pour enfants a réussi à atteindre son objectif lié à la réduction de la pauvreté infantile, l'incidence des changements apportés à d'autres programmes sociaux, comme l'aide sociale et l'assurance-emploi, n'a pas été si positive. En effet, il semble que ces changements apportés aux politiques ont plutôt neutralisé l'incidence du SPNE sur la pauvreté. Cela pourrait expliquer la baisse limitée du taux de pauvreté dans les années 1990, malgré la forte croissance économique vers la fin de la décennie80. »

The Impact of the National Child Benefit Supplement on the Low Income Status of Canadian Families with Children:
The SPSD/M Results
(2002). Centre d'étude des niveaux de vie

Emploi, entreprises et productivité

L'attention accrue portée aux solutions par des entreprises et des économistes préoccupés par les problèmes de productivité est un progrès important quant à l'examen de nos moyens de payer le coût de la pauvreté. Pierre Fortin, ancien président de l'Association canadienne d'économique, s'est penché spécifiquement sur la façon dont l'élimination de la pauvreté peut améliorer la productivité.

[Traduction] Il aurait pu parler de la reprise économique, mais le président et PDG du Groupe financier BMO avait un autre message à transmettre à l'élite du milieu des affaires de Toronto. « C'est le temps d'investir dans le capital humain. »

 Downe (2009)81

Élimination de la pauvreté et amélioration de la productivité

Fortin estime que la tâche urgente de régler le problème de la productivité au Canada nécessite qu'on favorise l'acquisition des compétences de base, qu'on réduise le taux de décrochage au secondaire et qu'on augmente la notoriété des collèges communautaires et des cégeps (établissements postsecondaires au Québec). Cela permettrait au segment peu productif de la main-d'œuvre de se rapprocher de la médiane.

« Ma défense de cette recommandation s'appuie sur trois piliers : les récentes études empiriques sur les sources du bien-être; l'incidence des compétences de base sur la croissance; et l'effet de la concurrence mondiale sur notre main-d'œuvre peu spécialisée.

[...]

L'idée que le bien-être soit lié au revenu relatif, alors que la qualité de l'environnement (et, partant, la viabilité à long terme des systèmes économiques) se dégrade avec la croissance du revenu absolu, a de lourdes conséquences pour la stratégie de croissance qu'il faut adopter. Comme le soulignait le philosophe Joseph Heath, cela signifie, en premier lieu, qu'il n'est pas tellement urgent de promouvoir la croissance maximum à tout prix dans les pays avancés. En deuxième lieu, cela veut dire que la stratégie de croissance devrait, au premier chef, s'attacher à éradiquer la pauvreté dans les pays à faible revenu et à rapprocher du revenu médian les populations pauvres des pays avancés.

[...]

[...] il est plus important pour la croissance économique des pays d'améliorer les capacités de lire et de compter des personnes qui sont au bas de l'échelle des compétences que de produire des diplômés hautement qualifiés et d'augmenter les investissements dans le capital physique. »82

De la productivité au bien-être : miser sur les compétences de base (2005). Fortin

Un nouvel ouvrage de Heymann et Barrera jette un regard important sur les conséquences de l'amélioration de la vie des personnes et des collectivités pour le secteur des affaires.

Réussite conjointe des entreprises et des employés

Heymann et Barrera se penchent sur la façon dont les entreprises, les pays et les employés qui sont au bas de l'échelle des revenus s'en tirent dans l'économie actuelle. Ils font remarquer que le secteur privé s'est retrouvé dans une position de plus en plus vulnérable en raison de sa dépendance à l'égard de la spéculation plutôt que des augmentations réelles de la valeur.

Les auteurs décrivent en détail les études menées aux quatre coins du monde, y compris au Canada, qui documentent comment les entreprises et leurs employés, même ceux qui se trouvent au bas de l'échelle, peuvent réussir ensemble. Ils proposent un plan directeur pour le changement qui insiste sur l'importance d'apprendre des choses des travailleurs qui accomplissent la majorité des tâches essentielles dans leur entreprise. Voici des exemples d'investissements qui se sont révélés efficaces :

+   Offrir des mesures incitatives aux employés qui se trouvent au bas de l'échelle. Certaines entreprises offraient des incitatifs financiers qui donnaient lieu à une productivité plus élevée, à un plus faible roulement du personnel, à des ventes annuelles accrues et à une augmentation des profits comparativement à ceux des concurrents qui offrent un faible salaire. L'acquisition des biens, l'offre de possibilités de carrière et les programmes d'intéressement ont également porté des fruits.

+   Offrir un soutien à la santé des employés qui se trouvent au bas de l'échelle. Un éventail de programmes d'amélioration de la santé offerts par les entreprises a donné lieu à des réductions de l'ordre de 3 à 16 % du taux d'absentéisme et à un rendement sur le capital investi de 2 à 6,40 $ pour chaque dollar investi par les entreprises.

+   Former les employés à tous les niveaux de l'entreprise. Des programmes offrant gratuitement des cours d'anglais langue seconde ont contribué à augmenter l'efficience des employés de la production dans différentes parties du monde, et, dans d'autres cas, à réduire considérablement le taux de roulement du personnel par rapport à la moyenne dans l'industrie.

+   S'assurer que les entreprises et les collectivités tirent des avantages ensemble. Les entreprises jouissant d'une bonne réputation ont tiré avantage de leur emplacement en offrant des salaires décents et des possibilités d'avancement, alors que d'autres entreprises qui offraient du travail précaire et mal rémunéré faisaient face à une opposition dans de nombreuses collectivités.

Les profils d'entreprises présentés dans l'ouvrage, même s'ils décrivent les mesures que les employeurs peuvent prendre, mettent également en lumière les aspects où il est plus approprié et rentable que les gouvernements prennent la responsabilité, les services de garde étant le principal exemple pour des pays comme le Canada et l'Australie, et les soins de santé, pour les États-Unis.

Profit at the Bottom of the Ladder (2010). Heymann et Barrera

Plusieurs études ont mis l'accent sur le coût des obstacles économiques auxquels font face des populations particulières, comme les immigrants, les minorités raciales, les Autochtones, les parents seuls et les personnes handicapées.

À titre d'exemple, le Toronto Board of Trade a publié un rapport sur le coût économique lié à la non-intégration des immigrants et des solutions possibles pour aller de l'avant. En 2005, les hommes nouvellement arrivés au pays ne gagnaient que 63 % du revenu des hommes nés au Canada, alors que le taux chez les femmes était encore plus faible, à 56 %, ce qui reflétait une importante tendance à la baisse depuis 1980. Il s'agit d'une tendance coûteuse, vu la grande dépendance de la croissance nette de la population active du Canada envers l'immigration.

La valeur de la promotion de la cohésion sociale et de l'inclusion économique

[Traduction] « De 3,42 à 4,97 milliards de dollars
Le coût annuel pour l'économie canadienne de ne pas reconnaître les compétences et l'expérience des immigrants [...]

13 milliards de dollars et 400 000
L'augmentation du revenu personnel des Canadiens et le nombre de personnes supplémentaires intégrées à la population active si les immigrants avaient les mêmes possibilités d'emploi avec le même revenu moyen que les personnes nées au Canada.

Les questions de cohésion sociale et d'inclusion économique sont généralement abordées du point de vue de la justice sociale plutôt que du point de vue économique. Pourtant, il y a des arguments solides appuyant la prise de mesures pour régler ces problèmes [...] L'économie de la région de Toronto affiche un faible rendement et connaît une croissance de productivité minimale qui tient en partie au fait que les professionnels formés à l'étranger et d'autres immigrants ne peuvent mettre leurs compétences à contribution. La diversité de Toronto peut devenir un avantage concurrentiel si nous tirons le maximum du potentiel des citoyens de la région.

Des investissements modestes peuvent donner lieu à des résultats économiques et sociaux [...] La collaboration du gouvernement avec le secteur privé peut aider à améliorer la situation des quartiers négligés tout en bâtissant des industries concurrentielles à l'échelle mondiale dont l'expertise peut être exportée ailleurs83. »

Lifting All Boats: Promoting Social Cohesion and Economic Inclusion in the Toronto Region (2010). The Toronto Board of Trade

Les Autochtones comptaient pour 3,7 % de la population canadienne en 2006 et représentent une proportion très importante de la population dans certaines parties du pays. La population autochtone est plus jeune et augmente à un rythme plus rapide comparativement aux non-Autochtones. Les Autochtones font des progrès au chapitre de l'éducation, mais la persistance d'un taux de pauvreté beaucoup plus élevé que la moyenne canadienne est une autre tendance coûteuse que des investissements judicieux pourraient aider à renverser84.

La valeur de l'investissement dans la population autochtone

Si, en 2026, les résultats liés à l'éducation et au marché du travail de la population autochtone du Canada atteignaient le niveau enregistré en 2001 chez les non-Autochtones :

+ Le rendement annuel serait de 36,5 milliards de dollars supérieur (en dollars de 2006) au statu quo;

+ les recettes fiscales annuelles seraient de 3,5 milliards de dollars de plus;

+ les dépenses gouvernementales diminueraient de 14,2 milliards de dollars.

The Effect of Increasing Aboriginal Educational Attainment on the Labour Force, Output and the Fiscal Balance (2009). Sharpe et coll.

Dans le cas des parents seuls, le taux de pauvreté s'améliorait avant que ne frappe la plus récente récession. Toutefois, le taux demeure élevé, ce qui donne à penser qu'il y a grandement place à l'amélioration. Comme la situation des mères seules peut avoir des effets à long terme sur les enfants, il est particulièrement important que l'accent mis sur le soutien à ces familles ne soit pas uniquement à court terme. L'exemple suivant montre comment le rendement social des investissements dans cette population peut augmenter au fil du temps. 

Un programme à court terme destiné aux mères seules qui a des effets toute la vie

Women Moving Forward est un programme de 10 mois qui offre aux mères chefs de famille monoparentale à faible revenu un soutien pour définir des objectifs de carrière (p. ex., obtenir un meilleur emploi, poursuivre ses études et devenir un meilleur modèle pour ses enfants) ainsi que des programmes de perfectionnement pour les atteindre. Depuis 2005, 110 femmes y ont participé, et :

+ 72 % ont terminé le programme avec succès;

+ 99 % ont indiqué une amélioration de la prise de décisions;

+ 83 % ont indiqué une augmentation des connaissances financières;

+ 65 % ne reçoivent plus de prestations d'aide sociale.

Il faut du temps pour que les investissements portent fruit, et, dans le cas qui nous occupe, le rendement augmente au fil du temps.

Valeur du rendement social des investissements créée. Case Study: Women Moving Forward (2011)

Source : Social Return On Investment (SROI) Case Study: Women Moving Forward 2011. Women Moving Forward

Un exemple de solution novatrice du milieu des affaires à l'égard d'un besoin lié à la pauvreté est fourni par un projet pilote lancé à Ottawa en 2007. La prémisse était que la stabilisation des finances aiderait à stabiliser les problèmes de santé mentale. Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ont décrit des obstacles, comme le sentiment de ne pas se sentir bienvenue dans les banques et le fait de ne pas avoir les pièces d'identité nécessaires pour ouvrir un compte. En conséquence, elles se tournaient vers des services d'encaissement de chèque coûteux ou portaient de l'argent sur elles. Cela les rendait susceptibles d'effectuer des achats impulsifs, de perdre leur argent et d'être victimes de vol, de sorte qu'il leur était difficile de subvenir à leurs besoins et de respecter leur plan de traitement. Le projet et les résultats sont décrits ci-dessous. 

Rendement des investissements chez les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale

Des travailleurs en santé mentale d'Ottawa et la Banque Toronto-Dominion ont travaillé en collaboration afin d'offrir un soutien aux personnes éprouvant de graves problèmes de santé mentale en mettant en place des comptes d'épargne, des cartes de débit et des dépôts directs à leur nom et en leur offrant des leçons sur la gestion financière. Un examen indépendant effectué par l'Université Carleton a révélé ce qui suit :

+ les trois quarts des nouveaux clients contrôlaient mieux leurs finances;

+ plus des deux tiers des personnes ont indiqué que leur argent dure plus longtemps;

+ les clients ont signalé une chute de 25 % à l'égard de l'emprunt d'argent à des amis et à la famille.

Au total, 10 autres succursales de la Banque TD à Ottawa adoptent maintenant une stratégie semblable.

Creating Change by Saving Change: A Participatory Evaluation of the Banking Accessibility Pilot Project. (2009). Whitmore

La présente section a fourni quelques-uns des nombreux exemples de la mesure dans laquelle la pauvreté est coûteuse ainsi que des stratégies d'investissement qui donnent lieu à un rendement positif. La section suivante met en lumière le rôle de la gouvernance et des politiques gouvernementales pour ce qui est d'obtenir le meilleur rendement à la plus grande échelle. 


Partie Trois – Le sens des sous

Chapitre 7 - Gouvernance et politiques gouvernementales

Les chapitres précédents du présent rapport insistent sur l'importance de mieux comprendre l'interdépendance des sphères sociales et économiques. Dans chaque pays, la gouvernance — c'est-à-dire les processus politiques ainsi que les institutions et politiques gouvernementales — joue un rôle essentiel au chapitre du soutien des structures économiques et sociales pour obtenir d'heureux résultats.

[Traduction] Le fait d'avoir une économie forte, une gouvernance efficace et une culture vibrante n'équivaut pas au bien-être en soi, mais ces facteurs procurent habituellement un environnement favorable où le bien-être humain s'améliorera.

Hall et coll. (2010)85

L'un des exemples les plus simples est celui des routes et des ponts, construits par les gouvernements avec les recettes publiques, qui sont utilisés par des entreprises privées pour le transport des biens qu'ils fabriquent. En plus de soutenir l'économie de marché, les routes permettent également aux familles et aux amis de rester en contact. Le système fiscal est un autre bon exemple, car celui-ci est utilisé de plus en plus comme instrument procurant aux entreprises et aux particuliers un large éventail de subventions et de mesures de soutien.

La gouvernance importe également lorsque de grands problèmes sociaux ou économiques surviennent, et, bien souvent, plus le problème est important, plus le gouvernement doit jouer un rôle. La gouvernance joue un rôle vital en aidant les gens et les familles en période de récession. Durant la crise financière mondiale survenue à la fin de 2008, les gouvernements ont également pris des mesures sans précédent pour aider les institutions financières.

La gouvernance varie selon les pays. Même si des problèmes coûteux comme l'obésité, les problèmes de santé mentale et la violence tendent à augmenter au fur et à mesure que l'inégalité augmente, les modèles adoptés par les pays ne sont pas tous semblables. Même si les variations peuvent avoir des racines historiques ou culturelles, les cadres de gouvernance et les politiques gouvernementales sont souvent à l'origine des différences relatives aux structures de la pauvreté et de l'inégalité. Des choix s'offrent aux gouvernements. Les secteurs et le moment où les gouvernements décident d'intervenir ainsi que la façon de faire sont très importants. À titre d'exemple, la Norvège et les États-Unis ont tous deux une économie de marché forte et un PIB par habitant comparable, mais leurs approches à l'égard de la pauvreté, leurs cadres de politiques et leurs résultats sociaux sont très différents. Il y a de cela plusieurs décennies, le Japon affichait une inégalité beaucoup plus marquée qu'aux États-Unis, et c'est maintenant l'inverse.   

Le changement et l'amélioration sont possibles, et, comme c'est le cas pour les personnes, les capacités et les défis des pays et des gouvernements varient. Le Canada est doté d'une grande capacité au chapitre du potentiel de vaincre la pauvreté.

Les recherches menées aux fins du présent rapport indiquent que les capacités les plus importantes du Canada sont les suivantes :

  • la richesse et, par le fait même, un plus grand nombre d'options que beaucoup d'autres pays; 
  • des indicateurs économiques et sociaux bien élaborés, des années de recherche solide, une capacité d'analyse et de conception de politiques;
  • des stratégies gouvernementales de réduction de la pauvreté qui marquent une nouvelle approche axée sur des solutions aux échelons provincial/territorial et municipal;
  • une opinion publique qui appuie largement les principaux éléments de solution à l'égard de la pauvreté;
  • une expérience et une réussite au chapitre des politiques, surtout en ce qui concerne la réduction de la pauvreté chez les aînés.

Voici les principaux défis auxquels le Canada fait face :

  • une inégalité croissante au chapitre du revenu et de l'accès à l'éducation et à d'autres ressources, comme des emplois assortis de conditions de travail et d'un salaire décents;
  • les mythes, les stéréotypes et la discrimination fondés sur la condition sociale, la race, le sexe et d'autres facteurs;
  • l'absence de l'uniformité et de la cohésion nécessaires pour permettre aux politiques de fonctionner ensemble plus efficacement;
  • un modèle d'aide sociale comme soutien du revenu de dernier recours qui est exposé à des préjugés bien ancrés.

Certains facteurs, comme la récession et d'autres catastrophes d'origine humaine ou naturelle, peuvent avoir à la fois des effets positifs et négatifs. Ils peuvent servir d'avertissement selon lequel une plus grande stabilité et une meilleure préparation sont nécessaires et, par le fait même, encourager le public et les décisionnaires à appuyer le changement. Les facteurs peuvent également dominer les débats sur les ressources actuelles et soulever des préoccupations à l'égard des dépenses futures.

L'importance des stratégies de réduction de la pauvreté et de l'opinion publique est expliquée plus en détail dans le reste du présent chapitre. Les indicateurs de bien-être ont été décrits dans les chapitres précédents. Les derniers points relatifs aux capacités et aux défis seront abordés au chapitre suivant, où les différents cadres politiques qui sous-tendent les mesures d'assistance sociale et de soutien du revenu offertes aux aînés et aux enfants seront examinés de façon plus approfondie.

Stratégies gouvernementales de réduction de la pauvreté

La majorité des Canadiens et Canadiennes vivent maintenant dans une province dotée d'une stratégie de réduction de la pauvreté. D'autres provinces et territoires s'orientent dans cette direction. Nombre des initiatives mises en œuvre mettent à l'épreuve de vieilles hypothèses et adoptent de nouvelles approches86. Cette expérience acquise à tenter de « faire les choses différemment » procure un milieu d'apprentissage et des éléments probants importants qui peuvent nous aider à faire de meilleurs investissements — des investissements plus rentables — pour régler le problème de la pauvreté. 

Les stratégies provinciales de réduction de la pauvreté commencent à mettre l'accent davantage sur des investissements à long terme pour obtenir des retombées accrues. Il y a d'importantes différences entre les stratégies au chapitre de la portée, de la cohésion, de l'engagement politique et du niveau d'investissement. En général, ces stratégies marquent un virage vers un nouveau modèle de gouvernance en matière de pauvreté qui est doté d'objectifs plus clairs et qui vise non seulement à rendre la vie des personnes vivant dans la pauvreté moins dure, mais aussi à réduire ou à éliminer la pauvreté. Certains misent sur des forces particulières, comme la capacité de favoriser une plus grande coordination entre différents secteurs de dépenses, de consulter un plus grand nombre de personnes, de tenir compte davantage de la rétroaction des gens touchés par la pauvreté, d'établir des stratégies dans la législation et de déterminer quelles mesures statistiques appuieront l'évaluation des progrès et la planification future.  

Les principes directeurs du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador illustrent le genre de cadre d'ensemble qui met l'accent sur l'investissement et la coordination aux fins d'une efficacité accrue. 

Principes directeurs de Terre-Neuve-et-Labrador

  • Adopter une approche à long terme
  • Mettre l'accent sur la prévention
  • Miser sur les partenariats
  • Trouver la bonne combinaison de politiques
  • Rendre des comptes et mesurer les progrès
  • Adopter une approche intégrée et coordonnée
  • Se pencher sur les différences entre le milieu rural et urbain
  • Tenir compte des différences liées au sexe
  • Tenir compte des problèmes propres aux Autochtones

Terre-Neuve-et-Labrador (2009)87

En 2009, dans le cadre de sa Série de rapports sur le développement social, le Conseil canadien de développement social a publié pour le Canada et pour chacune des provinces des rapports intitulés Politiques et programmes sur la réduction de la pauvreté. Ces examens offrent un bon aperçu des politiques et des programmes mis en place par les gouvernements. Ces rapports indépendants et ceux du gouvernement procurent une bonne base pour effectuer une analyse coûts-avantages plus complète. 

Les principes et la structure de base de ces stratégies sont pour la plupart conformes aux quatre pierres angulaires proposées par le Conseil national du bien-être social pour une stratégie nationale viable d'éradication de la pauvreté, lesquelles, d'ailleurs, sont fondées sur l'expérience internationale et canadienne. Cette approche s'applique également à l'échelon municipal. Toutes les stratégies supposent une expansion de l'éventail des partenaires des secteurs gouvernementaux et communautaires et des affaires.

Au Nouveau-Brunswick, durant le dernier forum tenu dans le cadre de sa consultation innovatrice, le gouvernement a rencontré des représentants des personnes à faible revenu, des chefs d'entreprise et des chefs d'autres partis politiques pour faire le point sur les objectifs et les plans de réduction de la pauvreté. Dans un esprit de collaboration comparable, les comités de la Chambre des communes et du Sénat ont mené des études approfondies sur la pauvreté intégrant de vastes consultations et ont tiré d'importantes conclusions qui ont obtenu un accord général.

Les provinces et territoires ont une responsabilité de premier ordre à l'égard de l'assistance sociale (un coût direct de la pauvreté) et des soins de santé (qui subissent des contrecoups de la pauvreté). Il importe donc de souligner que certaines d'entre elles augmentent le niveau des prestations d'assistance sociale. D'autres améliorent les services de santé, par exemple en offrant des médicaments d'ordonnance et des soins dentaires à tous les résidents à faible revenu. Cette dernière mesure compte parmi les façons d'éliminer les facteurs dissuasifs à l'égard de l'emploi. Dans certains cas, il y a peu ou pas de coûts liés aux améliorations apportées, car celles-ci sont réalisées au moyen d'une administration simplifiée ou d'une meilleure conception des politiques. 

Conformément aux recherches décrites dans le présent rapport, ces stratégies d'investissement commencent à porter des fruits88. À titre d'exemple, l'augmentation du niveau des prestations et l'adoucissement de certaines règles permettent aux gens qui n'ont besoin que d'une aide temporaire de sortir plus rapidement et plus facilement du système d'assistance sociale, d'obtenir un emploi et de libérer les ressources pour le nombre plus petit de clients ayant des besoins plus complexes89.

Au fur et à mesure que des stratégies provinciales et territoriales de réduction de la pauvreté sont mises en œuvre et qu'un plus grand nombre de résultats sont connus, de meilleures comparaisons et un plus grand nombre de possibilités de mise en commun des expériences et de collaboration seront possibles. On peut également s'attendre à des résultats plus vastes et à plus long terme découlant d'investissements initiaux. Cela pourrait d'ailleurs accélérer la réussite.

Opinion publique

Selon les sondages constants menés depuis plus de trois décennies, le point de vue des Canadiens et Canadiennes sur les principales questions d'économie, de société et de gouvernance est demeuré plutôt stable au fil du temps90. Plus particulièrement, les réponses à certaines questions indiquent un grand intérêt public et une disposition à adopter plus d'approches efficaces axées sur la pauvreté. Le sondage mené en 2010 a révélé ce qui suit :

  • 83 % des Canadiens et Canadiennes conviennent que le gouvernement devrait réduire l'écart entre les riches et les pauvres;
  • 78 % estiment que le gouvernement fédéral devrait dépenser davantage à l'égard de la pauvreté chez les enfants;
  • 90 % sont d'avis que la qualité de vie au Canada est meilleure qu'aux États-Unis;
  • Selon 70 % des Canadiens et Canadiennes, les impôts sont surtout une bonne chose, car ceux-ci contribuent à une qualité de vie positive.

Même si le Canada fait face à des défis, il a de grandes possibilités de réussite au chapitre des politiques gouvernementales, des bonnes idées et des valeurs collectives pouvant appuyer une stratégie d'investissement visant à éradiquer la pauvreté et à réduire ses coûts humains et économiques élevés.


Chapitre 8 - Les politiques canadiennes mises en pratique

Il existe trois programmes bien établis qui sont conçus pour offrir un soutien du revenu aux Canadiens et Canadiennes à faible revenu — le Supplément de revenu garanti pour les aînés, le Supplément de la prestation nationale pour enfants et l'assistance ou l'aide sociale — qui porte différents noms dans les 13 provinces et territoires. La Prestation fiscale pour le revenu gagné est un ajout plus récent destiné aux adultes à faible revenu en âge de travailler. Nous utilisons ces programmes comme exemples de différentes approches de lutte contre la pauvreté et les examinons du point de vue de l'analyse des coûts/avantages des recherches mentionnées dans le présent rapport.

Aide sociale

Les programmes d'aide sociale sont en place depuis plusieurs décennies et suivent essentiellement le même modèle. À quelques exceptions près, les 13 différents régimes d'aide sociale présentent les caractéristiques suivantes : les personnes doivent être presque complètement démunies avant d'avoir droit aux prestations, leur revenu est bien en deçà du seuil de pauvreté et les régimes sont assortis de règles et de restrictions complexes qui exigent beaucoup de temps et qui empêchent les gens d'avancer. Les programmes d'aide sociale sont également en relation avec d'autres mesures fiscales fédérales et provinciales et un éventail de services et de subventions (p. ex. les médicaments d'ordonnance, les soins dentaires, les services de garde ou le logement) qui sont tous fondés sur des règles différentes.

Les programmes d'aide sociale de dernier recours qui emploient la méthode du déficit budgétaire sont, en raison de leur nature même, compliqués, complexes, fondés sur des règles, difficiles à comprendre et à mettre en œuvre de façon équitable.

Conseil consultatif d'examen de l'aide sociale de l'Ontario (2010)91

Le Conseil national du bien-être social fait depuis des années le suivi des revenus d'aide sociale et des modifications des règles touchant le calcul de ces revenus pour les quatre types de familles suivants : un couple avec deux enfants, un parent seul avec un enfant, une personne seule considérée comme apte à travailler et une personne seule souffrant d'une incapacité. La plupart des régimes ont des règles et des programmes distincts destinés aux gens souffrant d'une incapacité, et ils peuvent avoir des liens avec les prestations d'invalidité offertes par les régimes de rentes du Canada et du Québec, divers crédits d'impôt et d'autres programmes.

D'autres renseignements sur l'incidence des règles et des taux, même s'ils étaient recueillis ou disponibles, ne sont pas aisément accessibles. L'absence de renseignements sur les coûts d'administration et d'application des règles liées à ces systèmes est une lacune criante au chapitre des coûts. Compte tenu de la complexité de ces régimes, il est raisonnable de supposer que les coûts pourraient être très élevés.

Il y a également de graves lacunes au chapitre des avantages. Peu de renseignements sont disponibles sur la contribution nette de l'aide sociale au bien-être des gens qui touchent un revenu provenant de cette source. D'une part, il y a peu de doute qu'un grand nombre de personnes recevant des prestations d'aide sociale sont en mesure de subvenir à des besoins qu'il aurait été impossible de combler sans autre source de revenu. D'autre part, les éléments probants provenant de recherches étendues sur la santé et d'autres questions sociales donnent fortement à penser qu'un revenu trop faible pour subvenir à ses besoins de base, combiné aux préjugés, au manque de contrôle et aux effets dissuasifs à l'égard du travail, peut accroître le stress, créer de nouveaux problèmes et aggraver la situation.

Il est donc probable que ce modèle de soutien du revenu nous coûte très cher en raison du manque d'efficience administrative et des coûts indirects liés à la pauvreté, comme le recours accru aux soins de santé, aux banques alimentaires et à un éventail d'autres services qu'il engendre.

Il y a des milliers de cas d'assistés sociaux qui ont tenté d'améliorer leur sort, mais qui sont tombés dans le cercle vicieux de l'aide sociale, bloqués par un système complexe de règles92. À titre d'exemple, le fait d'accepter un emploi à temps partiel pour joindre les deux bouts pourrait augmenter le revenu d'une famille au point de lui faire perdre un logement social qu'il serait presque impossible de récupérer, en raison des très longues listes d'attente, si l'emploi était perdu. Cette perte de productivité est un coût sociétal de la pauvreté.

Certains éléments des régimes d'aide sociale pourraient également être plus efficaces que d'autres, mais, encore une fois, peu d'évaluations ont été effectuées. À titre d'exemple, au début des années 1980, dans presque toutes les provinces, les parents seuls qui recevaient des prestations d'aide sociale pour subvenir aux besoins de base de la famille étaient également en mesure d'accéder à des prêts étudiants pour faire des études postsecondaires. Durant des périodes de compression de l'aide sociale, cette pratique a été abolie, et ce n'est que récemment que certaines administrations ont commencé à envisager un retour de cette pratique. Compte tenu du lien important entre l'éducation et le revenu, il serait utile de savoir comment les parents seuls qui ont bénéficié d'un accès plus aisé aux études supérieures s'en sont tirés. Si leurs enfants et eux ont fait bonne figure à long terme, comme les recherches pourraient le donner à croire, cet aspect de l'aide sociale fonctionnait davantage comme un élément d'un modèle d'investissement que comme un élément d'un modèle de dépenses constamment à court terme.

  • Dans l'ensemble, le modèle d'aide sociale qui domine au Canada génère d'énormes coûts indirects liés à la pauvreté, et il continuerait probablement de le faire avec des taux de prestations supérieurs, tant que les préjugés, l'absence de contrôle et les éléments dissuasifs persistent. Une coordination accrue avec d'autres politiques et secteurs de services pourrait améliorer l'efficience et alléger une partie du fardeau lié au temps et au revenu que portent les prestataires. Dans l'ensemble, toutefois, il ne s'agit ni d'un modèle préventif ni d'un modèle approprié pour favoriser le bien-être à long terme.

Supplément de la prestation nationale pour enfants

Les familles à faible revenu reçoivent ce supplément dans le cadre de la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE), qui est offerte à la grande majorité des familles canadiennes. Le Supplément de la prestation nationale pour enfants (SPNE) est fondé sur un impôt négatif sur le revenu : plus le revenu est faible, plus la prestation est élevée. Le supplément n'est pas accompagné de préjugés et accorde aux parents l'autonomie nécessaire pour prendre des décisions sur l'utilisation du revenu dans l'intérêt de leurs enfants. Le montant versé est relativement généreux, et les avantages offerts aux enfants augmenteront au fil du temps, à mesure qu'ils grandissent dans des conditions de vie améliorées. C'est un investissement dont le rendement s'étend au-delà de l'enfance.

La PFCE/le SPNE s'accorde bien avec d'autres programmes, comme les prestations provinciales et territoriales pour enfants, les prestations destinées aux parents seuls et bon nombre de services. Toutefois, pour demeurer au-dessus du seuil de pauvreté, la famille a toujours besoin d'un important revenu ou remplacement du revenu, comme les prestations d'assurance-emploi. C'est particulièrement difficile pour les parents seuls qui gagnent un faible salaire, pour les parents qui ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi ou qui ne reçoivent qu'une petite somme de prestations et dans les cas où une incapacité touche les parents ou les enfants et limite le temps pouvant être consacré à un emploi. 

La PFCE/le SPNE, dont l'objectif est d'appuyer la participation des parents à la population active, dépend également de la disponibilité et du coût raisonnable des services de garde de qualité, qui varient énormément d'un endroit à l'autre au Canada. Mis à part le Québec, le Canada est derrière la plupart des autres pays de l'OCDE au chapitre du soutien gouvernemental aux services de garde.

Le SPNE a effectivement l'avantage d'offrir de la stabilité et de la sécurité aux parents qui peuvent devoir recourir de temps à autre à l'aide sociale lorsque les possibilités d'emploi et les circonstances familiales changent. Par ailleurs, il a été parfois mentionné que le SPNE aide les enfants à échapper à l'aide sociale, mais cela est trompeur. Les enfants vivent dans une famille, et si les parents doivent recourir à l'aide sociale pour combler les besoins financiers de la famille, l'ensemble des règles relatives à l'aide sociale, le caractère inadéquat du revenu et les préjugés toucheront toute la famille.

  • Comparativement à l'aide sociale, la conception du SPNE destiné aux familles à faible revenu est davantage fondée sur un modèle d'investissement. Celui-ci vise davantage à prévenir la pauvreté, à contribuer au bien-être et à réduire les coûts indirects liés à la pauvreté. Toutefois, son efficacité dépend toujours des autres sources de revenu et mesures de soutien mises à la disposition des parents. Des politiques complémentaires, comme un soutien relatif aux services de garde, aux travailleurs gagnant un faible revenu, aux congés de maternité et aux périodes de chômage, sont nécessaires. 

Notre propos sur la prestation pour enfants met en lumière l'importance d'avoir des politiques qui fonctionnent ensemble et s'appuient entre elles afin d'obtenir une efficacité accrue. L'exemple des politiques qui ont été coordonnées en vue de prévenir la pauvreté et d'améliorer le bien-être des familles monoparentales en témoigne. 

À l'époque où le SPNE a été créé et où les montants ont été majorés, de nouvelles lignes directrices relatives à la pension alimentaire versée par les parents séparés et divorcés ont été adoptées partout au Canada, l'application a été améliorée, et le traitement fiscal de la pension alimentaire pour un enfant a été modifié. Auparavant, plus le revenu d'emploi du parent ayant la garde de l'enfant augmentait, plus le taux appliqué à la pension alimentaire était élevé, ce qui empêchait la famille d'améliorer son sort. Or, le montant d'impôt à payer peut faire toute la différence entre la capacité d'une personne de se hisser au-dessus du seuil de pauvreté ou de payer son loyer. Les nouvelles politiques permettent d'accroître l'équité et le soutien offert aux enfants et de récompenser l'effort au travail, et elles s'adaptent bien à la PFCE/au SPNE pour aider les parents seuls à éviter la pauvreté et le besoin de recourir à l'aide sociale. La baisse importante de la pauvreté chez les mères chefs de famille monoparentale au cours des dernières années tient grandement à ces politiques et à une forte économie.

Supplément de revenu garanti pour les aînés

Le cadre stratégique visant les aînés à faible revenu est l'exemple canadien en place depuis le plus longtemps d'une approche d'investissement, d'une coordination des politiques et d'une réussite considérable à l'égard de l'atteinte des objectifs. La notion d'« investissement » est interprétée ici dans son sens le plus large, tenant compte de la réalité selon laquelle nous investissons tous du temps, des efforts et de l'argent dans les choses que nous valorisons et les mesures qui améliorent notre bien-être. Comme il a été décrit dans les chapitres précédents, l'argent n'est pas la seule mesure du rendement du capital investi. La réduction de la pauvreté chez les aînés a donné lieu à de nombreux avantages qui, autrement, auraient été impossibles. 

Dans le cas des aînés, les programmes comptent parmi les progrès réalisés de façon constante au fil du temps. En 1952, un ancien type de prestations d'aide sociale destinées à des aînés démunis a été remplacé par le programme universel de la Sécurité de la vieillesse (SV). En 1967, le Régime de pensions du Canada, le Régime des rentes du Québec et le Supplément de revenu garanti pour les aînés dont les autres sources de revenu étaient insuffisantes pour assurer un niveau de vie raisonnable ont été mis en place. Des modifications y ont été apportées depuis ce temps, y compris des prestations supplémentaires versées aux aînés à faible revenu par la plupart des gouvernements provinciaux et territoriaux. Les recommandations relatives aux améliorations visent habituellement à miser sur la structure existante, car, dans l'ensemble, il a été prouvé qu'elle est efficace.  

En 1961, le taux de pauvreté chez les familles composées d'aînés était près de deux fois plus élevé que celui des jeunes familles, et environ 7 aînés seuls sur 10 étaient considérés comme vivant dans la pauvreté93. En 2008, le taux de pauvreté chez les familles composées d'aînés était de 1,6 %, et celui des aînés seuls était de 12 % chez les hommes et de 17 % chez les femmes94. De plus, la profondeur de la pauvreté s'est grandement améliorée depuis l'époque où un grand nombre d'aînés étaient démunis. À présent, les aînés seuls vivant dans la pauvreté affichent un revenu moyen qui se situe au-delà de 85 % du seuil de pauvreté. En revanche, le revenu moyen des personnes seules âgées de 64 ans ou moins qui reçoivent des prestations d'aide sociale se situe seulement à 40,7 % du seuil de pauvreté (2008)95.  

Même si la pauvreté n'est pas éliminée chez les aînés, le système de revenu de retraite et d'autres politiques de soutien ont réussi, sur une période d'à peine quelques générations, à réduire fortement l'incidence et la profondeur de la pauvreté. De plus, ils ont permis à de nombreux aînés qui, autrement, auraient pu demeurer très près du seuil de pauvreté, de connaître une meilleure situation et de prospérer. Les progrès continus dépendront de ce qui arrive tout au long des premières étapes du cycle de vie et des politiques visant les aînés.

Comment les programmes destinés aux aînés sont interreliés

Même si le SRG est considéré comme la principale mesure de sécurité du revenu pour les aînés à faible revenu, le système a, en fait, plusieurs caractéristiques qui fonctionnent ensemble pour prévenir et réduire le faible revenu. Cela est important si l'objectif est non seulement d'éliminer la pauvreté, mais également de permettre aux gens d'atteindre un meilleur bien-être et de prospérer.

Les prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) sont offertes à une grande majorité d'aînés. Sa principale condition porte sur le nombre d'années vécues au Canada. Le programme n'est pas complètement universel, car les prestations versées aux aînés ayant un revenu élevé sont récupérées, mais il contribue effectivement à la reconnaissance de la valeur des êtres humains peu importe le statut familial ou les antécédents professionnels96. Le programme contribue donc à la dignité et au contrôle. Pour les générations antérieures de femmes qui n'avaient pas un emploi rémunéré, la SV était souvent leur premier revenu indépendant. Les prestations sont relativement généreuses, et les démarches administratives sont simples, car les prestataires n'ont à présenter qu'une demande. Environ 39 % des prestataires de la SV ont également reçu une prestation au titre du SRG en 2006. 

Le Supplément de revenu garanti (SRG) est fondé sur le revenu et fonctionne comme un impôt négatif sur le revenu. Le revenu familial sert à déterminer le montant du SRG qu'un couple peut recevoir, et la prestation est divisée de façon à ce que chaque conjoint reçoive un chèque à son nom. Si d'autres revenus s'ajoutent, y compris le revenu d'emploi, le montant du SRG est réduit, mais pas autant que pour les prestations d'aide sociale, ce qui récompense davantage les aînés qui sont en mesure de participer à la vie active comparativement aux personnes âgées de 64 ans ou moins.

Le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec (RPC/RRQ) sont également importants. Ceux-ci sont financés par les cotisations de l'employeur et de l'employé provenant d'une rémunération antérieure. De plus, les prestations versées aux époux, aux survivants et aux orphelins reconnaissent les relations familiales. Le fait que les périodes de faible revenu ou de revenu nul durant un congé parental ne soient pas prises en compte dans le calcul de la pension, de sorte que les parents ne soient pas pénalisés en raison de leurs responsabilités en tant que fournisseurs de soins, compte parmi les caractéristiques les plus importantes.

  • Selon les recherches mentionnées dans le présent rapport, le cadre de sécurité du revenu des aînés comporte plusieurs facteurs qui contribuent au bien-être et qui correspondent à un modèle d'investissement :
    • Des prestations transférables à l'échelle du Canada qui font l'objet de rajustements réguliers en vue d'offrir une protection contre l'inflation et qui sont liées pour favoriser la sécurité et la stabilité au moyen d'une administration relativement efficace;
    • Une combinaison de caractéristiques marchandes et non marchandes;
    • Une combinaison d'éléments universels qui procurent un soutien public très vaste et d'éléments visant les personnes à faible revenu, qui ne sont pas stigmatisants ou contrôlants.

Outre ces programmes de sécurité du revenu, il y a eu d'autres changements à l'égard des politiques de soutien depuis les années 1960. Un accès accru à l'éducation, des possibilités d'emploi et une rémunération plus juste offerts aux femmes, aux minorités raciales et aux autres minorités et l'arrivée des soins de santé publics ont permis aux aînés du Canada de compter parmi les plus choyés dans le monde.

Rendement indirect et sociétal des investissements

L'amélioration du revenu des aînés n'est que la moitié de l'histoire que nous voulons raconter — l'autre moitié porte sur ce que les aînés donnent en retour et qui profite aux autres. Comme dans le cas d'autres secteurs de politique, les renseignements sur les avantages sont plus difficiles à trouver que les renseignements sur les coûts. Une analyse complète des avantages liés au bien-être des aînés pour la société va au-delà de la portée du présent rapport. La population âgée n'est pas monolithique; il y a des différences selon le groupe de revenus, même si celles-ci ne sont pas aussi importantes que chez les jeunes Canadiens et Canadiennes, et, avec l'âge, les problèmes de santé sont plus nombreux. Toutefois, dans l'ensemble, un grand nombre d'indicateurs montrent l'éventail de contributions qu'apportent les aînés à notre économie et à notre société qui auraient été impossibles en raison du taux élevé de pauvreté chez les générations antérieures97. Voici des exemples :

  • Le taux d'aînés âgés de 65 à 84 ans en bonne santé était plus élevé en 2009 qu'il y a 10 ans; il est moins probable que les aînés âgés de 65 à 74 ans soient obèses, et il est un peu plus probable que ces derniers soient plus actifs physiquement et qu'ils prennent part à une activité éducative et sociale au lieu d'un loisir passif, comme regarder la télévision.
  • Il est plus probable que les aînés âgés de 65 à 74 ans affichent un bien-être positif (confiance en soi, satisfaction à l'égard des accomplissements, sentiment de se faire apprécier, objectifs en tête) comparativement aux jeunes adultes, et la détresse psychologique chez les aînés est moins élevée.
  • Les Canadiens et Canadiennes âgés de 65 ans et plus sont les moins stressés par le manque de temps et d'argent et la situation professionnelle; les contraintes de temps ressenties par les personnes âgées de 25 à 54 ans étaient environ trois fois plus élevées que celles éprouvées par les aînés âgés de 65 à 74 ans, et le stress lié à une situation professionnelle était dix fois plus élevé chez les adultes âgés de 25 à 54 ans.
  • Plus de 450 000 aînés âgés de 65 à 74 ans ont offert des services de garde non rémunérés en 2006, et plus de 49 000 aînés y ont consacré au moins 30 heures par semaine; environ 413 000 personnes ont également fourni une aide ou des soins à des aînés, dont 55 000 ont offert au moins 20 heures par semaine; plus de deux millions d'aînés ont effectué des travaux ménagers non rémunérés, et plus d'un demi-million d'entre eux y ont consacré au moins 30 heures; le temps consacré par les femmes à un travail non rémunéré est très uniforme entre l'âge de 35 et 74 ans98.
  • Le taux de bénévolat officiel des Canadiens et Canadiennes âgés de 65 ans et plus était de 36 % en 2007, avec une contribution médiane de 100 heures; de plus, le taux d'aînés offrant une aide directe à autrui était de 70 %, 35 % d'entre eux offrent une aide au moins une fois par semaine, et 14 %, une aide quotidienne ou presque, taux semblables ou plus élevés que les groupes de 25 à 64 ans.
  • Au total, 87 % des aînés ont fait un don à des organismes caritatifs ou sans but lucratif, ce qui est très près du taux de 90 % enregistré en 2007 chez les personnes âgées de 45 à 64 ans. Le montant moyen des dons faits par les aînés était le plus élevé, soit 611 $, et le montant médian de leurs dons était également le plus élevé, soit 205 $.
  • Les taux d'aînés âgés de 65 à 74 ans qui ont voté aux élections fédérales, provinciales et municipales étaient beaucoup plus importants que ceux des jeunes99.

Les indicateurs précédents brossent un portrait d'ensemble des aînés en tant que participants en santé et actifs à la société et à l'économie, où leur bien-être contribue à celui du reste d'entre nous.

Prestation fiscale pour le revenu gagné

L'ajout le plus récent aux programmes de sécurité du revenu au Canada est la Prestation fiscale pour le revenu gagné (PFRG) fédérale introduite en 2007. Il s'agit d'un crédit d'impôt remboursable dont les deux objectifs sont les suivants : offrir un soutien financier aux travailleurs à faible revenu pour que ces derniers puissent demeurer dans la population active et réduire les effets de dissuasion auxquels les prestataires d'aide sociale font face lorsqu'ils commencent un emploi. La PFRG aide les gens à faible revenu en accordant un supplément à leur salaire. La prestation se combine positivement avec les prestations d'aide sociale, car elle n'entraîne pas une réduction de ces dernières. Toutefois, le lien diffère un peu selon l'administration, en partie parce que les provinces et territoires ont la souplesse d'adapter le programme à leur système d'aide sociale100

La PFRG est surtout importante pour les nombreux adultes en âge de travailler qui vivent seuls, dont le risque de tomber dans la pauvreté est très élevé et dont la possibilité de recevoir un soutien du revenu stable, comme les prestations versées aux familles avec des enfants ou le SRG offert aux aînés vivant seuls, est très faible. Les travailleurs doivent avoir un revenu minimal et présenter une demande pour obtenir ce crédit par l'intermédiaire d'un formulaire d'impôt, ce qui est plus compliqué que la présentation d'une demande de crédit pour TPS, comme le font habituellement les gens à faible revenu. Par ailleurs, le fait que la PFRG ne soit pas associée à la stigmatisation et ne comporte ni les règles ni les effets de dissuasion liés à l'aide sociale est un grand avantage.

La valeur de la PFRG a augmenté depuis 2007, et, en 2010, le montant maximal des prestations versées dans le cadre du modèle fédéral était de 931 $ pour une personne célibataire, et de 1 690 $ pour une famille. Pour avoir droit à la prestation, une personne doit toucher un revenu de plus de 3 000 $. Les prestations cessent d'être versées lorsque le revenu net est supérieur à 16 770 $ pour une personne célibataire et à 25 854 $ pour une famille. Le versement des prestations cesse habituellement avant même que le revenu des gens atteigne le seuil de pauvreté, et selon l'administration et les circonstances, les prestataires peuvent souvent faire face à un taux d'imposition marginal très élevé dès que leur situation commence à s'améliorer101

  • La Prestation fiscale pour revenu gagné a du potentiel, mais, compte tenu de sa conception actuelle assortie de seuils très faibles qui laissent les travailleurs sous le seuil de la pauvreté, elle continuera, comme dans le cas de l'aide sociale, d'engendrer des coûts indirects élevés liés à la pauvreté. Le fait de simplifier l'accès au processus de demande augmenterait les effets positifs possibles de la prestation. Le plus important, c'est que, si les prestations peuvent être augmentées considérablement et s'étendre de façon à ce que les prestataires puissent assurer leur participation à la population active et être en mesure de subvenir à leurs besoins, d'améliorer leur bien-être, d'accumuler de nouveau des actifs et d'affronter les difficultés financières occasionnelles, la PFRG pourrait être un investissement beaucoup plus efficace à l'égard du bien-être immédiat et à long terme de la population canadienne en âge de travailler.

Les secteurs de politique décrits dans le présent chapitre illustrent la façon dont les éléments de différentes approches axées sur la pauvreté fonctionnent et interagissent ensemble, certains de façon beaucoup plus efficace que d'autres. Nous avons connu un succès relativement fulgurant à l'égard de l'approche qui a orienté les politiques visant les aînés durant de nombreuses années. Cette réussite liée à la réduction de la pauvreté et à l'augmentation du bien-être indique à quel point la situation des Canadiens et Canadiennes serait bien mieux si nous effectuions des investissements semblables tout au long d'une vie, des années où le développement des enfants est le plus rapide à celles où les adultes affichent la plus grande énergie, créativité et productivité. 

Le présent chapitre a décrit l'expérience du Canada selon différents modèles ou cadres pour régler le problème de la pauvreté. L'aide sociale est grandement fondée sur un modèle de dépenses à court terme qui n'a pas été en mesure de réduire les taux de pauvreté, qui a donné lieu à des résultats mixtes au chapitre de l'amélioration du bien-être et qui a contribué aux coûts indirects liés à la pauvreté. Les mesures de soutien du revenu pour les enfants et les aînés ont adopté un modèle plus coordonné et fondé sur des investissements à plus long terme, et elles donnent lieu à de meilleurs résultats et à des résultats plus durables. Dans le cas des aînés en particulier, il y a des indicateurs montrant un bien-être sociétal amélioré, en plus de la réduction de la pauvreté.


Partie Quatre – Investissement judicieux

Chapitre 9 - Passer à l'action : Recommandations du conseil

Le contenu du rapport Le sens des sous pour résoudre la pauvreté fournit de nombreux exemples sur un éventail divers de recherches et d'idées qui insistent sur l'urgence de régler le problème de la pauvreté, car celui-ci est beaucoup trop coûteux pour les Canadiens et Canadiennes. Plus important encore, le rapport présente un éventail de recherches et d'idées qui contribuent énormément à la compréhension du potentiel de régler le problème de la pauvreté et à la création d'un meilleur bien-être économique et social. 

Les tendances qui ressortent du présent rapport, ainsi que les délibérations du Conseil et les discussions que nous avons eues avec des gens de nombreux horizons, montrent clairement que l'éradication de la pauvreté est sensée sur le plan économique. Le Canada peut accomplir cela, dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, en faisant ce qui suit :

1. Adopter une stratégie pancanadienne d'éradication de la pauvreté

Le Conseil est encouragé par les progrès déjà réalisés au Canada en raison du nombre accru de stratégies de réduction de la pauvreté adoptées et mises en œuvre par les gouvernements. Nous demandons avec instance que des efforts continus soient déployés aux fins d'avancement et d'amélioration fondés sur l'expérience. Nous reconnaissons également l'engagement des collectivités et des organismes dans les efforts semblables déployés par divers intervenants partout au pays. 

Nous demeurons confiants que les quatre pierres angulaires établies dans notre rapport de 2006 Résoudre la pauvreté sont la base d'une stratégie efficace — une vision, des cibles et des échéances; un plan d'action et un budget coordonnés; une structure de responsabilisation; et un ensemble d'indicateurs de la pauvreté convenus. Une telle stratégie doit être liée aux objectifs économiques et sociaux d'ensemble.  

2. Établir un plan d'investissement durable

Le Conseil demande avec instance que de telles stratégies qui visent à régler le problème de la pauvreté, surtout au chapitre de l'élaboration des plans d'action et des budgets gouvernementaux, adoptent une approche d'investissement à l'égard de la pauvreté qui renforce la capacité humaine, élimine les obstacles, crée des possibilités et démontre le potentiel du rendement positif et durable à court, moyen et long termes.   

Un plan d'investissement met l'accent sur l'obtention de bons rendements et de bons avantages au fil du temps contrairement aux dépenses, dont l'accent est principalement mis sur les coûts immédiats. Il arrive trop souvent que les dépenses soient effectuées de façon cloisonnée, où les économies réalisées dans le cadre d'un programme peuvent engendrer des coûts supplémentaires dans le cadre d'autres programmes ou pour les Canadiens et Canadiennes. 

Un plan d'investissement est plus holistique et avant-gardiste, utilisant une analyse coûts-avantages plus complète pour une plus grande efficacité. Pour maximiser les avantages, assurer une durabilité et miser sur un potentiel accru, le plan d'investissement tient compte de l'interdépendance entre les politiques et les programmes et des réalités socioéconomiques des Canadiens et Canadiennes tout au long de leur vie — allant de leur santé, niveau de scolarité et vie familiale à leur emploi et participation communautaire.

3. Élaborer un cadre de conception uniforme

Un plan d'investissement efficace nécessite évidemment un financement initial, et l'éventail d'études mentionnées dans le présent rapport montre que les investissements visant la prévention et la réduction de la pauvreté portent fruit. Toutefois, l'obtention du meilleur rendement et d'avantages accrus est également une question de conception. Dans certains cas, il pourrait être même davantage question de conception que d'argent. 

La compréhension des interdépendances est cruciale pour que les responsables des politiques et des programmes et les partenaires puissent travailler de concert pour maximiser les résultats. La présence d'un cadre de conception uniforme est surtout importante au Canada, où il y a plusieurs ordres de gouvernement, une population très diversifiée et de nombreux organismes actifs et engagés. 

Que nous nous penchions sur le revenu ou tout autre aspect — l'éducation des enfants et les soins prodigués aux aînés; l'alphabétisation, l'éducation et la formation; le bien-être physique et mental, le logement; l'emploi; les problèmes éprouvés par les nouveaux Canadiens et Canadiennes; et les solutions à l'égard des obstacles discriminatoires auxquels font souvent face les personnes ayant le moins de ressources — la conception est cruciale à la réussite. Voici les principes ou les lignes directrices qui sont les plus importants pour la conception d'un plan d'investissement visant à vaincre la pauvreté :

Équité et récompense raisonnable de l'effort de travail. Un emploi doit payer. Toutefois, pour les personnes gagnant un faible salaire ou occupant un emploi précaire ou recevant des prestations d'aide sociale, ce n'est pas le cas. D'autres formes de travail significatif doivent également être reconnues, y compris les tâches essentielles liées aux soins de personnes à charge. Les parents seuls ayant de jeunes enfants et les personnes handicapées ou affichant un faible niveau d'alphabétisation ou d'éducation comptent parmi les personnes qui pourraient ne pas être en mesure de subvenir à tous leurs besoins au moyen d'un emploi, mais elles veulent un travail rémunéré et devraient être appuyées et récompensées à cet égard. 

Soutien à l'autonomie et à l'initiative. Les personnes gagnant un faible revenu et celles recevant des prestations d'aide sociale devraient être appuyées dans leurs efforts visant à améliorer leur situation future, que cela signifie faire d'autres études ou perfectionner leurs compétences, être en mesure d'économiser et de conserver leurs actifs, accéder à du crédit ou partager le loyer et avoir d'autres façons de mettre en commun les ressources. Les règles des programmes et les liens entre ceux-ci se limitent trop souvent à l'autonomie et à l'initiative, et certains créent un préjudice en raison de la stigmatisation. Le fait d'appuyer le positif donne lieu à un meilleur rendement du capital investi.

Transférabilité, sécurité et stabilité. Les prestations pour enfants, la Prestation fiscale pour le revenu gagné et la pension gouvernementale sont des exemples de bonne transférabilité et stabilité. Elles sont offertes à grande échelle, et, même si elles sont fondées sur le revenu, le montant ne change pas considérablement lorsque la source de revenu change, par exemple si vous changez d'employeur ou perdez un emploi ou recevez des prestations d'aide sociale durant une courte période. Les soins de santé universels et les régimes d'assurance-médicaments et dentaire prolongés offerts aux résidents à faible revenu dans certaines provinces sont des exemples de transférabilité et de stabilité des services. Certaines provinces mettent également le cap vers cette direction au chapitre de la formation et des services d'emploi. Ce genre de mesures aide particulièrement à éviter le cercle vicieux de l'aide sociale.

Coordination et simplicité. Le soutien du revenu pour les aînés est cumulatif; le RPC/RRQ, la SV, le SRG et les suppléments provinciaux/territoriaux sont donc tous combinés de façon coordonnée pour réduire considérablement l'étendue et la profondeur de la pauvreté. Cette coordination réduit également les frais administratifs et permet aux gens d'accéder plus facilement à ce à quoi ils ont droit. Les prestations liées au revenu destinées aux enfants sont également très bien coordonnées. Les liens d'un service à l'autre et entre les services et le revenu nécessitent des améliorations, et le programme d'aide sociale a désespérément besoin d'une révision à l'égard de nombreux aspects. En général, plus les problèmes initiaux peuvent être réglés ou même évités de façon directe et simple, plus les coûts sont faibles et plus les avantages sont nombreux. Cela évite des problèmes attribués à l'expansion et libère des ressources pour le petit nombre de personnes qui ont des besoins complexes et multiples.  

Reddition de comptes et communication. Il faut que le secteur privé et, en particulier, les gouvernements fournissent de meilleurs renseignements sur les coûts et les avantages du bilan. Les Canadiens et Canadiennes seront beaucoup plus portés à appuyer des initiatives qui montrent que nous avons une bonne optimisation des ressources.

4. Favoriser la création d'un forum ouvert aux fins de discussion et de prise de mesures

Comme la résolution du problème de la pauvreté suppose la mobilisation de nombreux partenaires, un forum pancanadien continu, ouvert et inclusif destiné à l'échange d'idées, de questions, de recherches, d'éléments probants, de rapports d'étape et d'expériences vécues est nécessaire. Le CNB espère que le présent rapport favorise et fait avancer les discussions qui sont déjà entamées. Nous espérons également que de nouvelles discussions et idées et de nouveaux partenariats seront créés. 

Nous invitons les lecteurs et les lectrices à consulter la bibliographie complète du présent rapport qui figure sur notre site Web à l'adresse suivante : www.cnb-ncw.gc.ca. Nous serions également ravis de recevoir des courriels contenant vos commentaires, idées et surtout vos histoires sur la façon dont une politique ou un programme vous a permis de prévenir la pauvreté ou d'en sortir, à l'adresse suivante : sensdessous@cnb-ncw.gc.ca.

Même si la mobilisation de nombreux partenaires dans des discussions éclairées est essentielle, le Conseil national du bien-être social répète qu'il est d'avis que la direction, le parrainage et la volonté politique des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des administrations municipales sont primordiaux pour vaincre la pauvreté — les gouvernements responsables ont le rôle d'assurer une infrastructure sociale dans l'intérêt public. 

Le Conseil est d'avis que les Canadiens et Canadiennes de tous les horizons appuieront les mesures à prendre pour investir dans un meilleur avenir pour tous. L'équité leur tient à cœur. Nous voulons tous que notre pays continue de prospérer et nous constatons que les stratégies de réduction de la pauvreté commencent à changer les choses. Mis à part cette confiance, le présent rapport montre que nous avons non seulement les moyens de résoudre le problème de la pauvreté, mais qu'elle est également très rentable et essentielle à l'atteinte des objectifs sociaux et économiques du pays.


Notes en fin d'ouvrage

Pour consulter la bibliographie complète, visitez le site Web du CNB à l'adresse suivante : www.cnb-ncw.gc.ca.

1 Harry J. Holzer, Diane Whitmore Schanzenbach, Greg J. Duncan et Jens Ludwig, The Economic Costs of Poverty in the United States: Subsequent Effects of Children Growing Up Poor, Ann Arbor: National Poverty Center, 2007, No 07-04, page 3. Remarque : Sauf indication contraire, si les passages cités sont en gras, c'est que c'est le CNB qui tient à les mettre en évidence.

2 Il y a lieu de faire remarquer ici que, lors de réunions tenues entre le CNB et Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines à l'époque) peu de temps après que la période de prestations de maternité et de prestations parentales a été prolongée pour qu'elle dure un an, la ministre a indiqué qu'elle a reçu de nombreuses lettres de parents ayant de nouveaux-nés qui ont décrit les effets positifs de la prolongation sur leur famille. 

3 Wulong Gu et Ambrose Wong, Les estimations du capital humain au Canada : approche fondée sur le revenu de la vie entière, Ottawa, Statistique Canada, 16 juin 2010, No 11F0027MIF2010062, pages 9-10. Série de documents de recherche sur l'analyse économique.

4 Voir l'annexe dans le présent rapport qui porte sur les défis et les réalisations liés à la recherche pour en savoir davantage sur les approches et les méthodologies.

5 Contrairement à de nombreux autres pays, le Canada n'a pas établi de seuil officiel de la pauvreté. Par conséquent, les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux utilisent différents indi-cateurs pour mesurer la pauvreté. Le seuil de la pauvreté dépend de différents facteurs, dont le nombre de personnes dans une famille et l'endroit où habite la famille au Canada. Les indicateurs les plus fréquemment utilisés sont les suivants : les seuils de faible revenu (SFR), la mesure du faible revenu et la mesure de la pauvreté fondée sur un panier de consommation.

6 Marilyn Waring, If Women Counted: A New Feminist Economics, Londres, HarperCollins, novembre 1990.

7 Ministres fédérale, provinciaux et territoriaux responsables de la condition féminine, Indicateurs économiques de l'égalité entre les sexes, Ottawa, Condition féminine Canada, 1997, No SW21 17/1997F au catalogue.

8 Le Canada a recueilli de l'information dans le cadre de l'Enquête sociale générale, en 1986, en 1992, en 1998, en 2005 et en 2010.

9 Une récente étude de l'OCDE comparant le travail payé et le travail non payé révèle que les journées de travail sont plus longues au Canada que dans la plupart des autres pays membres de l'OCDE. Voir : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Panorama de la société 2011 – Les indicateurs sociaux de l'OCDE, Paris 2011.

10 Malika Hamdad, La valeur du travail non rémunéré des ménages 1992-1998 : tendances et sources des changements, Conférence économique de Statistique Canada, Ottawa, Statistique Canada, mai 2003. Pour en savoir plus sur les méthodologies ou les données antérieures, voir aussi l'ouvrage suivant de Statistique Canada : Travail non rémunéré des ménages : mesure et évaluation (1995).

11 Malika Hamdad, La valeur du travail non rémunéré des ménages 1992-1998 : tendances et sources des changements, Conférence économique de Statistique Canada, Ottawa, Statistique Canada, mai 2003. Pour en savoir plus sur les méthodologies ou les données antérieures, voir aussi l'ouvrage suivant de Statistique Canada : Travail non rémunéré des ménages : mesure et évaluation (1995).

12 Timothy M. Smeeding et Joseph T. Marchand, « Family time and public policy in the United States », Family Time: the social organisation of care, publié sous la direction de Nancy Folbre et de Michael Bittman, Londres et New York, Routledge, 2004, pages 25-47.

13 Statistique Canada, Enquête sociale générale – L'emploi du temps (ESG), Ottawa, Statistique Canada, juin 2011.

14 Pour obtenir une analyse complète du temps consacré aux soins, surtout aux soins des enfants et des personnes âgées, voir : Nancy Folbre et Michael Bittman, Family Time: the social organisation of care, Londres et New York, Routledge, 2004.

15 Pour en savoir plus sur les différents moyens de mesurer le temps que les parents consacrent aux soins des enfants, voir : Michelle J. Budig et Nancy Folbre, « Activity, proximity, or responsibility? Measuring parental childcare time », Family Time: the social organisation of care, publié sous la direction de Nancy Folbre et de Michael Bittman, Londres et New York, Routledge, 2004, pages 51-68.

16 Pour en savoir plus sur les contraintes de temps, le manque de temps et le manque de temps pour les loisirs, voir : Michael Bittman, « Parenting and employment, what timeuse surveys show », Family Time: the social organisation of care, publié sous la direction de Nancy Folbre et de Michael Bittman, Londres et New York, Routledge, 2004, pages 152-170. L'auteur utilise une formule semblable à celle utilisée pour calculer le seuil de la pauvreté (50 % du revenu médian). Une personne dont le temps dont elle dispose pour les loisirs est inférieur à 50 % est considérée comme une personne qui manque de temps. Michael Bittman et Judy Wajcman se penchent aussi sur cette question du temps dans l'article « The rush hour: the quality of leisure time and gender equity », paru dans Family Time: the social organisation of care (2004).

17 Pour en savoir plus sur l'incidence des biens et des gains sur les différents régimes d'aide sociale au pays, voir : Canada, Conseil national du bien-être social, Revenus de bien-être social 2009, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le 13 décembre 2010.

18 En Ontario, il faut appliquer environ 800 règles et règlements pour déterminer l'admissibilité d'une personne à l'aide sociale. Un des premiers ministres de la province a dit que le programme « écrase les gens ». Pour en savoir davantage, voir :John Stapleton, Why is it so hard to get ahead? How our tangled social programs pathologize the transition to selfreliance, Toronto, Metcalf Foundation, novembre 2007.

19 Canada, Statistique. Enquête sociale générale – 2010 Aperçu sur l'emploi du temps des Canadiens. Ottawa : Statistique Canada, juillet 2011. Nº au catalogue 89-647-X.

20 Warren Clark, Indicateurs économiques de l'égalité entre les sexes 2000, Ottawa, Programme des services de dépôt, 2000.

21 May Luong, « Les répercussions financières des prêts étudiants », L'emploi et le revenu en perspective, Ottawa, Statistique Canada, janvier 2010, No 75-001-X au catalogue.

22 Pour en savoir plus sur la valeur du travail des femmes, l'équité salariale et d'autres sujets connexes, voir les ouvrages suivants : Morley Gunderson, Leon Muszynski et Jennifer Keck, Les femmes, le travail et la pauvreté, Ottawa, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, 1990; Nan Weiner et Morley Gunderson, Pay Equity: Issues, Options and Experiences, Toronto, Butterworths, 1990; ainsi que Morley Gunderson, Comparable Worth: International Aspects, Genève, Bureau international du Travail, 1994.

23 Un exemple constitue les prestations de maternité offertes aux nouvelles mères presque partout au Canada, qui sont moins généreuses que celles offertes aux nouvelles mères au Québec ou dans d'autres pays et qui font en sorte que ces mères ont moins de souplesse et doivent retourner au travail plus tôt pour assurer la santé de leur famille.

24 Timothy M. Smeeding et Joseph T. Marchand, « Family time and public policy in the United States », Family Time: the social organisation of care, publié sous la direction de Nancy Folbre et de Michael Bittman, Londres et New York, Routledge, 2004, page 34.

25 Joseph E. Stiglitz, Amartya Sen et JeanPaul Fitoussi, Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, Paris, Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, 2009, page 23.

26 Lars Osberg et Andrew Sharpe, De la bonne analyse des politiques publiques : le rôle de l'indice du bien être économique, Ottawa, Centre d'étude des niveaux de vie, 2004.

27 Voir les publications de l'Indice canadien du mieux-être, http://www.ciw.ca/fr/Home.aspx.

28 Voir les ouvrages suivants : Centre canadien de politiques alternatives, The Growing Gap Project, Ottawa; Armine Yalnizyan, Les riches et nous, Ottawa, Centre canadien des politiques alternatives, 2007; Linda McQuaig et Neil Brooks, The Trouble With Billionaires, Toronto, Viking Canada, septembre 2010; ainsi que David A. Green et Jonathan R. Kesselman (éditeurs), Dimensions of Inequality in Canada, Vancouver, UBC Press 2006.

29 L'Indice canadien du mieux-être, Aux prises avec des horaires surchargés et le manque de temps : l'aménagement du temps, le loisir et la culture au Canada, Ottawa, l'Indice canadien du mieux-être, le 15 juin 2010.

30 Richard Wilkinson et Kate Pickett, The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone, Penguin Books, 2010, page 19. Voir aussi les ouvrages antérieurs : Richard G. Wilkinson et Kate E. Pickett, The Spirit Level: Why More Equal Societies Almost Always Do Better, Londres, Allen Lane, 2009; ainsi que Richard G. Wilkinson, The Impact of Inequality: How to Make Sick Societies Healthier, New York, The New Press, 2005.

31 Pour en savoir plus sur les mesures de l'inégalité choisies par les auteurs, et les raisons pour lesquelles ils ont choisi ces mesures, voir : Richard Wilkinson et Kate Pickett, The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone, Penguin Books, 2010, page 15.

32 Peter Adamson, Les enfants laissés pour compte : tableau de classement des inégalités de bien-être entre les enfants des pays riches, New York, Nations Unies, décembre 2010.

33 Peter A. Hall et Rosemary CR Taylor, « Chapter 3: Health, Social Relations, and Public Policy », Successful Societies: How Institutions and Culture Affect Health, publié sous la direction de Peter A. Hall et de Michèle Lamont, Cambridge University Press, 2009, page 97.

34 Peter A. Hall et Rosemary CR Taylor, « Chapter 3: Health, Social Relations, and Public Policy », Successful Societies: How Institutions and Culture Affect Health, publié sous la direction de Peter A. Hall et de Michèle Lamont, Cambridge University Press, 2009.

35 Joseph Ledoux, Le cerveau des émotions : les mystérieux fondements de notre vie émotionnelle. Paris, Odile Jacob, 2005, page 173.

36 Joseph Ledoux, Le cerveau des émotions : les mystérieux fondements de notre vie émotionnelle. Paris, Odile Jacob, 2005, page 237.

37 Peter Evans, « Chapter 4: Population Health and Development », Successful Societies: How Institutions and Culture Affect Health, publié sous la direction de Peter A. Hall et de Michèle Lamont, Cambridge University Press, 2009.

38 Mario Luis Small, David J. Harding et Michèle Lamont, Reconsidering Culture and Poverty, Philadelphia: The ANNALs of the American Academy of Political and Social Science, mai 2010, 629, page 9.

39 Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, Rethinking Poverty. Report on the World Social Situation 2010, New York, Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, Division de la politique sociale et le développement, février 2010, page 153.

40 Didier Fouarge, Costs of NonSocial Policy: Towards an Economic Framework Of Quality Social Policies – And The Costs Of Not Having Them, Bruxelles, Commission européenne, janvier 2003, page 3. Rapport à l'intention de la Direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion de la Commission européenne.

41 Didier Fouarge, Costs of NonSocial Policy: Towards an Economic Framework Of Quality Social Policies – And The Costs Of Not Having Them, Bruxelles, Commission européenne, janvier 2003, page 10. Rapport à l'intention de la Direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion de la Commission européenne.

42 Voir les ouvrages suivants : Centre canadien de politiques alternatives, The Growing Gap Project, Ottawa; Armine Yalnizyan, Les riches et nous, Ottawa, Centre canadien des politiques alternatives, 2007; Linda McQuaig et Neil Brooks, The Trouble With Billionaires, Toronto, Viking Canada, septembre 2010; ainsi que David A. Green et Jonathan R. Kesselman (éditeurs), Dimensions of Inequality in Canada, Vancouver, UBC Press, 2006.

43 Peter Burton et Shelley Phipps, Families, Time and WellBeing in Canada, Halifax, Université Dalhousie. Exposé.

44 David Hulchanski, The Three Cities Within Toronto: Income Polarization Among Toronto's Neighbourhoods, 1970-2005, Toronto Cities Centre, Université de Toronto, décembre 2010.

45 Roger Sauvé, L'état actuel du budget de la famille canadienne : rapport 2010, Ottawa, Institut Vanier de la famille, le 17 février 2011.

46 Pour en savoir plus sur les indicateurs de la pauvreté, voir : Conseil national du bien-être social, Profil de la pauvreté 2007 : méthodologie, définitions et sources d'info, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le 2 octobre 2009.

47 Tiré d'un exposé fait par Vivian Labrie au CNB lors d'une réunion à Québec en 2006.

48 En 2007, 194 000 familles et 306 000 personnes seules vivant dans la pauvreté ont indiqué qu'elles ont travaillé pendant au moins de 49 à 52 semaines. Voir : Conseil national du bien-être social, Profil de la pauvreté 2007 : bulletin no 1 – Tendances en matière de pauvreté, 1976-2007, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le 2 octobre 2009.

49 Derek Hum et Wayne Simpson, A Guaranteed Annual Income? From Mincome to the Millennium, Options Politiques, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques, janvier-février 2001, page 80.

50 Evelyn Forget, The town with no poverty: A history of the North American Guaranteed Annual Income Social Experiments, Winnipeg, Community Health Sciences, faculté de médecine à l'Université du Manitoba, 2008.

51 Michael Hall, David Lasby, Steven Ayer et William David Gibbons, Canadiens dévoués, Canadiens engagés : points saillants de l'Enquête canadienne de 2007 sur le don, le bénévolat et la participation, Ottawa, Imagine Canada, Statistique Canada, Patrimoine canadien, Santé Canada, Ressources humaines et Développement des compétences Canada et Agence de santé publique du Canada, juin 2009, No 71-524-XIF au catalogue.

52 Voir l'annexe dans le présent rapport qui porte sur les défis et les réalisations liés à la recherche pour en savoir davantage sur les approches et les méthodologies.

53 Jerrold Oppenheim et Theo MacGregor, The Economics of Poverty: How Investments to Eliminate Poverty Benefit All Americans, Entergy, 2006, page 1.

54 Donald Hirsch, Estimating the costs of child poverty, York, Joseph Rowntree Foundation, 2008; Julia Griggs et Robert Walker, The costs of child poverty for individuals and society. A literature review, York, Joseph Rowntree Foundation, 2008; ainsi que Donald Hirsch, The cost of not ending child poverty: how we can think about it, how it might be measured, and some evidence, York, Joseph Rowntree Foundation, 2006.

55 Angella MacEwen et Christine Saulnier, The Cost of Poverty in Nova Scotia, Halifax, Centre canadien de politiques alternatives, octobre 2010.

56 Angella MacEwen, The Cost of Poverty in Prince Edward Island, Halifax, Centre canadien de politiques alternatives, janvier 2011.

57 Voir, par exemple : Jurgen de Wispelaere et Lindsay Stirton, The Many Faces of Universal Basic Income, The Political Quarterly Publishing Co. Ltd, Oxford, Blackwell Publishing Ltd., 2004, pages 266-274; Jurgen de Wispelaere et Lindsay Stirton, The Public Administration Case against Participation Income, Social Service Review, Chicago: The University of Chicago, septembre 2007, 81(3):523-549.

58 Forum politique de l'OCDE: Lutter contre les inégalités, Growing income inequality in OCDE countries: What drives it and how can policy tackle it?, Paris, OCDE, mai 2011, page 12.

59 Caroline du Nord, New Jersey, Indiana, Seattle et Denver aux États-Unis; Winnipeg et Dauphin au Canada.

60 Les six villes et la province en question sont les suivantes : Calgary, Edmonton, Halifax, Ottawa, Toronto, Vancouver et Colombie-Britannique.

61 Dans le cadre de l'étude, on fait un suivi auprès d'itinérants aux prises avec un problème de santé mentale sur une période de quatre ans à Moncton, à Montréal, à Toronto, à Vancouver et à Winnipeg.

62 Dennis Culhane, Stephen Metraux et Trevor Hadley, The Impact of Supportive Housing for Homeless People with Severe Mental Illness on the Utilization of the Public Health, Corrections, and Emergency Shelter Systems: The New York – New York Initiative, Housing Policy Debate, Philadelphia: Centre for Mental Health Policy and Services Research, University of Pennsylvania, volume 13, numéro 1, 2002, pages 107-163.

63 Dennis P. Culhane, Wayne D. Parker, Barbara Poppe, Kennen S. Gross et Ezra Sykes, Accountability, Cost-Effectiveness, and Program Performance: Progress Since 1998, Washington: National Symposium on Homelessness Research, 2008.

64 United Way of Greater Los Angeles, Homeless Cost Study, Los Angeles, United Way of Greater Los Angeles, 2009, page 2.

65 Pour obtenir une analyse plus approfondie des liens entre la pauvreté et le système de justice pénale, voir : Conseil national du bien-être social, La justice et les pauvres, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, printemps 2000.

66 Poverty Reduction Coalition, Crimes of Desperation: The truth about poverty-related crime, Calgary, United Way of Calgary and Area, mars 2008, page 3.

67 International Centre for Health & Society/Department of Epidemiology and Public Health, Work Stress and Health: the Whitehall II study, Londres, Public and Commercial Services Union, 2004.

68 Il faut tenir compte des différences au moment de comparer les problèmes de santé mentale d'un pays à l'autre. Dans leurs recherches, les auteurs ont utilisé les données de l'enquête sur la santé mentale réalisée par l'Organisation mondiale de la Santé, laquelle comprend une estimation du nombre de personnes aux prises avec un problème de santé mentale dans les différents pays. Pour en savoir plus, veuillez voir l'explication donnée dans : Richard Wilkinson et Kate Pickett, The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone, Penguin Books, 2010, page 66.

69 Groupe de travail sur les disparités en matière de santé du Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur la santé de la population et la sécurité de la santé, Réduire les disparités sur le plan de la santé – Rôles du secteur de la santé : document de travail, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, décembre 2004, No HP5-4/2005 au catalogue.

70 Citation tirée de l'article « Everybody hurts in a social recesssion », The Globe and Mail, le 26 août 2009.

71 Juha Mikkonen et Dennis Raphael, Déterminants sociaux de la santé. Les réalités canadiennes, Toronto, École de gestion et de politique de la santé de l'Université York, 2010, pages 7 et 12.

72 Institut canadien d'information sur la santé et Statistique Canada, Indicateurs de santé 2010, Ottawa, Institut canadien d'information sur la santé, 2010.

73 Steve Buist, « Code Red series begins today », The Hamilton Spectator, le 10 avril 2010.

74 Cameron N. McIntosh, Philippe Finès, Russell Wilkins et Michael C. Wolfson, Disparités selon le revenu dans l'espérance de vie ajustée sur la santé chez les adultes au Canada, 1991 à 2001, Rapports sur la santé, volume, 20, numéro 4, Statistique Canada, décembre 2009, pages 1-11, No 82-003-XPF au Catalogue. Il s'agit d'un article de recherche.

75 Voir aussi : Johan P. Mackenbach, Willem Jan Meerding et Anton E. Kunst, Economic Implications of SocioEconomic Inequalities in Health in the European Union, Rotterdam, Direction générale de la santé et des consommateurs, 2007.

76 Ontario Undergraduate Student Alliance, Ontario's Knowledge Economy: The Economic Impact of PostSecondary Education, Toronto, OUSA, 2009, page 3.

77 Boston Consulting Group, Technical Report. Pathways to Education Canada: Value Assessment, Toronto, Passeport pour ma réussite, février 2011.Voir aussi le résumé affiché sur le site Web : http://www.pathwaystoeducation.ca/french/index.html.

78 Pour obtenir de l'information sur les études antérieures, voir : Gordon Cleveland, Bénéfices et coûts des Centres de la petite enfance du Québec, Toronto, Department of Management, Toronto University, 2007.

79 Canada, Ressources humaines et Développement des compé-tences Canada, Le faible revenu au Canada de 2000 à 2007 selon la mesure du panier de consommation, Ottawa, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, août 2009, No SP-909-07-09F au catalogue.

80 Centre d'étude des niveaux de vie, The Impact of the National Child Benefit Supplement on the Low Income Status of Canadian Families with Children: The SPSD/M Results, Ottawa, Centre d'étude des niveaux de vie, 2002, page 5.

81 Citation tirée de l'ouvrage suivant : Leslie Ferenc, « Business elite urged to 'invest in people' », Toronto Star, le 14 décembre 2009.

82 Pierre Fortin, De la productivité au bien-être : miser sur les compétences de base, Ottawa, Observateur international de la productivité, automne 2005, volume 11, pages 3 et 4.

83 Toronto Board of Trade, Lifting All Boats: Promoting Social Cohesion and Economic Inclusion in the Toronto Region, Toronto, Toronto Board of Trade, juin 2010, pages 5 et 16.

84 Canada, Ressources humaines et Développement des compé-tences Canada, Canadiens en contexte – Population autochtone, Ottawa, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, s.d. et Données de recensement de 2006. Pour en savoir plus, voir : Canada, Conseil national du bien-être social, Agissons maintenant pour les enfants et les jeunes métis, inuits et des Premières Nations, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, septembre 2007.

85 Jon Hall, Enrico Giovannini, Adolfo Morrone et Giulia Ranuzzi, A framework to Measure the Progress of Societies, France, OCDE, le 5 mai 2010, page 14. Il s'agit d'un document de travail statistique.

86 Au moment où le rapport a été rédigé, l'Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest n'avaient pas adopté de stratégie de réduction de la pauvreté. Le Nunavut est en train d'en élaborer une et prévoit la mettre en œuvre à la fin de 2011.

87 Terre-Neuve-et-Labrador, ministère des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi, Empowering People, Engaging Community, Enabling Success: First Progress Report on the Government of Newfoundland and Labrador's Poverty Reduction Strategy, St John's, ministère des Ressources humaines, du Travail et de l'Emploi, Terre-Neuve-et-Labrador, décembre 2009, page 1.

88 Veuillez consulter les sites Web provinciaux et territoriaux pour obtenir les rapports et les mises à jour les plus récents.

89 Cet exemple a été fourni par un fonctionnaire provincial lors d'un atelier sur le coût de la pauvreté et la valeur des investissements organisé par le CNB qui a eu lieu le 10 mars 2010.

90 Environics Institute for Survey Research, Focus in Canada 2010: Public opinion research on the record Serving the public interest, Ottawa, Environics Institute for Survey Research, 2010.

91 Conseil consultatif d'examen de l'aide sociale de l'Ontario, Recommandations en vue de l'examen du système de sécurité du revenu de l'Ontario, Toronto, Conseil consultatif de l'examen de l'aide sociale de l'Ontario, mai 2010, page 8.

92 Le CNB a été mis au fait de ces expériences en rencontrant des gens vivant dans la pauvreté et des représentants d'organismes oeuvrant auprès de ces personnes dans différentes parties du pays. Pour obtenir un exemple précis publié, voir : John Stapleton, Zero Dollar Linda" A Meditation on Malcolm Gladwell's "Million Dollar Murray", the Linda Chamberlain Rule, and the Auditor General of Ontario, Toronto, Metcalf Foundation, novembre 2010; John Stapleton, Why is it so hard to get ahead? How our tangled social programs pathologize the transition to self-reliance, Toronto, Metcalf Foundation, novembre 2007.

93 Lars Osberg, « Poverty among Seniors Citizens: A Canadian Success Story », The State of Economics in Canada: Festschrift in Honour of David Slater, Patrick Grady et Andrew Sharpe, Ottawa, Centre d'étude des niveaux de vie, 2001, pages 151-181.

94 Veuillez noter que Statistique Canada peut maintenant ventiler les données de façon beaucoup plus précise, notamment en fonction de la taille de la famille, du sexe, du nombre d'enfants et d'autres facteurs, ce qu'il ne pouvait pas faire dans les années 1960.

95 Selon le seuil de faible revenu et le calcul du CNB pour une personne seule apte au travail au Canada. Voir l'ouvrage suivant : Canada, Conseil national du bien-être social, Revenus de bien-être social 2008 : bulletin no 1 – Personne seule considérée apte au travail, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le 5 février 2010.

96 En 2011, la récupération commence lorsque le revenu net dépasse 67 668 $. Les personnes dont les gains sont supérieurs à 100 000 $ reçoivent quand même un certain montant au titre des prestations.

97 Sauf indication contraire, les statistiques proviennent de l'ouvrage suivant : Martin Turcotte et Grant Schellenberg, Un portrait des aînés au Canada 2006, Ottawa, Statistique Canada, février 2007, No 89-519-XIF au catalogue.

98 Données de recensement recueillies la semaine précédant le jour du recensement.

99 Grant Schellenberg, Enquête sociale générale de 2003 sur l'engagement social, cycle 17 : un aperçu des résultats, Ottawa, Statistique Canada, Division de la démographie, juillet 2004, No 89-598-XIF au catalogue.

100 Pour en savoir plus sur la PFRG et l'aide sociale, voir : Canada, Conseil national du bien-être social, Revenus de bien-être social 2009, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le 13 décembre 2010, pages 7-5 à 7-9.

101 Pour en savoir plus sur la PFRG, consulter le site Web suivant : http://www.cra-arc.gc.ca/bnfts/wtb/menu-fra.html

Annexe : Notes sur la recherche

Le rapport du CNB se fonde sur une grande variété d'études pour établir des liens entre les idées et trouver des dénominateurs communs dans des domaines différents. La recherche révèle un certain nombre de défis, mais elle témoigne également de réalisations impressionnantes, notamment au chapitre de l'étude des questions sociales dans une perspective économique — une approche relativement nouvelle. Dans de nombreux cas, les auteurs des études ont dû aborder un certain nombre de problèmes d'ordre conceptuel et méthodologique; en voici un bref résumé.

Défis de la recherche

  • Disponibilité des données — Des lacunes dans les données disponibles ont obligé les auteurs de certains rapports à formuler des hypothèses concernant les coûts et à développer des méthodologies afin d'ajuster ou de compléter les données existantes. Certaines dynamiques de la pauvreté, selon l'âge, la taille de la famille, le degré ou la durée de la pauvreté, par exemple, ne sont pas toujours identifiées. Les données sur des groupes particuliers, tels que les groupes racialisés, les populations autochtones, les immigrants et les personnes handicapées, sont également limitées. De plus, l'utilisation de différentes mesures du revenu et bases de données d'une étude à l'autre limite les comparaisons qu'on peut établir.
  • Établir des liens entre la pauvreté et ses conséquences — Quand le but est de calculer les coûts et les avantages, il peut être important de voir les liens entre les dimensions de la pauvreté et de déterminer la direction de ces relations. Prenons l'exemple du lien entre la pauvreté et la santé mentale. D'une part, un problème mental peut conduire à la pauvreté; de l'autre, la pauvreté peut conduire à des problèmes de santé mentale ou aggraver des problèmes préexistants. La relation causale peut fonctionner dans les deux directions. Du point de vue des coûts, par conséquent, on ne peut pas supposer qu'éliminer la pauvreté permettrait de faire disparaître les problèmes de santé mentale (pas plus que l'analphabétisme ou tout autre facteur associé à la pauvreté), quoique cela pourrait considérablement réduire ces problèmes. Ces considérations doivent entrer en ligne de compte dans le calcul des coûts. Le défi pour les chercheurs consiste à faire des estimations raisonnables fondées sur autant d'éléments probants que possible.
  • Établir des liens entre les conséquences de la pauvreté et les secteurs de dépenses — Une fois qu'un lien est établi, il faut prendre soin de dégager les tendances. Par exemple, il est généralement accepté qu'il existe un lien entre la pauvreté et la mauvaise santé. Toutefois, un chercheur ne peut pas automatiquement supposer que les personnes vivant dans la pauvreté engendrent des coûts élevés pour le système de soins de santé. En effet, une étude a montré que les groupes de revenu supérieur ont davantage recours à certains spécialistes des soins de santé. Elle a également constaté que, bien que le quintile de revenu le plus bas utilise davantage le système de soins de santé que les trois quintiles de revenu supérieur, l'utilisation la plus élevée est le fait du deuxième quintile de revenu inférieur. Il faut se pencher longuement sur des liens comme celui-ci pour en dégager les tendances et y trouver des explications.
  • Calculer les économies potentielles, pas seulement les coûts — Pour calculer les économies potentielles, il faut d'abord identifier les résultats auxquels nous pourrions nous attendre si la pauvreté était éliminée. Par exemple, nous pourrions nous attendre à ce que la scolarité et la capacité productive des personnes qui vivaient autrefois dans la pauvreté en viennent à ressembler davantage à celles des personnes vivant actuellement au-dessus du seuil de pauvreté. De même, nous pourrions nous attendre à voir une amélioration sur le plan de la santé, puisqu'un meilleur revenu permettrait aux gens de manger des aliments plus nutritifs et d'habiter des logements de meilleure qualité. Certains effets, tels que les retombées positives tout au long de la vie active qui sont attribuables à la qualité du développement durant la petite enfance, sont bien documentés. D'autres le sont moins. Comme les estimations des économies potentielles reposent sur des hypothèses, plus il y aura de faits confirmant leur légitimité, plus fiables elles seront.

Accomplissements de la recherche

  • Des cadres clairs : La plupart des études définissent un cadre clair, qui précise les dimensions à l'étude et comment les conséquences de la pauvreté ou les solutions de rechange à l'étude seront définies et mesurées.
  • Des estimations prudentes : Compte tenu des diverses sources d'incertitude, telles que la difficulté de mesurer certains aspects, les limites des données disponibles ou la complexité des liens, la plupart des chercheurs choisissent de faire des estimations prudentes, voire de sous-estimer les économies potentielles. Les possibilités de coût-efficacité pourraient donc être encore plus grandes que ce que les études indiquent.
  • Dimensions particulières de la pauvreté ou de groupes de la population : Certaines études portent sur des populations en particulier. Certaines se concentrent sur les liens de causalité de la pauvreté, sur des questions comme le logement ou sur des domaines connexes de dépenses. Ces études peuvent aider à concevoir de meilleures politiques et à prendre de meilleures décisions.
  • Des résultats compatibles : Bien que les détails et la taille des effets varient, que les études portent sur la santé, la criminalité ou l'éducation, leurs résultats tendent à montrer un rendement positif des investissements faits dans la lutte à la pauvreté. Ceci suggère que les résultats des études pourraient être transposés à une plus grande échelle.
  • L'expérience vécue : Des rapports sur les effets réels d'une politique de réduction de la pauvreté sur la vie des gens complètent et confirment souvent les résultats d'études plus théoriques et ajoutent de la validité aux études qui cherchent à prédire les coûts.
  • Des résultats comparables : Une grande partie de la recherche internationale offre des comparaisons entre pays, et certaines études permettent des comparaisons dans le temps. Les conclusions de différentes études dans un domaine, tel que le logement, peuvent également aider à faire ressortir des points communs ou des divergences. Plus il y aura d'informations sur les résultats disponibles pour ces comparaisons, plus ceux-ci pourront éclairer les futures initiatives visant à combattre la pauvreté.
  • L'interdépendance sociale et économique : La majorité des recherches intègrent les aspects sociaux et économiques, dans une certaine mesure, ou fournissent des justifications pour l'adoption d'une perspective globale, dont la portée correspondrait mieux à l'étendue de l'expérience humaine.
  • Les mesures du bien-être : De nombreux rapports mesurent les coûts et les avantages sous l'angle du bien-être, tels que l'état de santé ou la distribution des revenus; certains utilisent à la fois ce type de mesures et des calculs financiers, comparables au produit intérieur brut (PIB). Des efforts sont également déployés pour développer des indicateurs de bien-être susceptibles d'être acceptés internationalement, comme l'est le PIB.
  • Des points de vue différents : Élargir la perspective de la recherche peut améliorer la qualité des résultats. Quelques études ont inclu une perspective environnementale dans leurs recherches, par exemple, ou pris en compte les points de vue de divers intervenants.
  • Les dépenses actuelles et les avantages qui en résultent : Quelques études examinent ce qui est actuellement consacré aux programmes de lutte contre la pauvreté et les effets généraux de ces programmes. Il serait possible de faire beaucoup plus pour démontrer et pour faire connaître les avantages découlant de ces investissements en vue de savoir si les politiques atteignent leurs objectifs.

Au sujet du conseil national du bien-être social

MANDAT

Le mandat du Conseil est de conseiller le/la ministre sur les questions en matière de développement social que le/la ministre soumet à son examen ou que le Conseil juge opportun d'aborder.

MEMBRES

John Rook (Président) – Alberta
David Pankratz (Vice-président) – Manitoba
Richard Bragdon – Nouveau-Brunswick
Mark Chamberlain – Ontario
Darryl Gray – Québec
Anita Hopfauf – Saskatchewan
Catherine Nolan-Wells – Terre-Neuve-et-Labrador
Glen Shepherd – Québec

Les anciens membres du Conseil qui ont participé aux premières étapes du présent rapport sont Judith Barry (Québec), Larry Gregan (Manitoba), Brenda Hall (Territoires du Nord-Ouest), Bob Mullan (Nouvelle-Écosse), Zulfikar Kassamali (Ontario) et Joseph Tietz (Colombie-Britannique).

MEMBRES DU PERSONNEL

Sheila Regehr,
Directrice exécutive
Joanne Butler,
Directrice adjointe
Cathy Oikawa,
Chercheuse principale et conseillère en politiques
Diane Richard,
Chercheuse et conseillère en politiques
Musarrat Rana,
Adjointe à la recherche
Carrie-Ann Breckenridge,
Agente de communications
Najwa Sarkis,
Agente des finances et des ressources humaines
Loredonna Deffett,
Agente en administration et information
Caroline Mainville,
Chercheuse (chercheuse principale pour le présent rapport, de 2009 à 2011)
Katherine Occhiuto,
Adjointe à la recherche (de mai à juillet 2010)

Pied de page

Date de modification :
2012-09-27