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Discours

Discours-programme:Notre legs aux générations futures - les océans, et la croissance durable

Arthur J. Carty

Océan Innovation 2004 Victoria (Colombie-Britannique)

Le 25 octobre 2004

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Introduction

Bonjour à tous et merci beaucoup de m’avoir invité à vous parler ce matin. C’est un honneur et un plaisir de vous adresser la parole ici dans le cadre d’Océan Innovation 2004. Je tiens à remercier les organisateurs de m’avoir invité à cette deuxième conférence sur ce qui deviendra sûrement un événement permanent.

Après avoir examiné le programme, j’ai été ravi de constater qu’un groupe aussi diversifié de chercheurs, de dirigeants d’entreprise et de représentants de l’État se réunissent pour réaliser l’objectif commun d’accroître la sensibilisation à l’importance des océans au Canada. Je tiens à rendre hommage aux organisateurs de la conférence pour la vision dont ils ont fait preuve en tenant cet événement. 

À titre de conseiller national des sciences, j’aimerais souligné que l’établissement d’un équilibre entre l’exploitation des océans, d’une part, et la santé de l’environnement, d’autre part, est essentiel à l’avenir de notre pays. Bien entendu, les sciences et la technologie ont un rôle essentiel à jouer pour nous aider à atteindre cet équilibre. 

Le Canada est un pays maritime. Huit de nos provinces et nos trois territoires donnent sur une étendue d’eau salée. Quelque sept millions de Canadiens vivent dans des collectivités côtières. Et notre zone économique exclusive (ZEE) compte parmi les plus étendues du monde.

Ce qui touche nos océans nous touche tous – cela a un impact sur notre environnement, notre économie, nos collectivités, notre santé et notre qualité de vie. 

Les océans du monde sont le cœur qui bat au centre de l’écosystème de la Terre – ils établissent constamment une relation symbiotique délicate, mais complexe, avec l’atmosphère terrestre et les réseaux biologiques terrestres.

Toutefois, une grande partie de ce qui se passe au fond des mers – et même le long du littoral – demeure un mystère pour nous. 

Récemment, j’ai lu un extrait de l’explorateur et spécialiste de la conservation marine Joseph MacInnis qui traduit ce sentiment de l’inconnu. Il y décrit sa rencontre avec une baleine boréale de 50 tonnes : 

« … C’est à ce moment que j’ai pris conscience de l’âge de l’océan et des créatures qui y vivent. Et du fait que nous, humains, malgré toutes les technologies dont nous faisons l’éloge, ne sommes que des intrus. Nous sommes éphémères, nous appartenons à la terre. » 

L’immensité des océans, par rapport à leur fragilité, nous rappelle généralement nos limites. Et pourtant, notre survie même sur notre planète dépend de plus en plus de notre capacité de comprendre mieux, beaucoup mieux, ces immenses étendues d’eau – et leurs mécanismes internes.

À mon avis, les océans sont la prochaine frontière scientifique importante. 

Nous devrons accomplir beaucoup plus de progrès dans le domaine des sciences fondamentales et du développement technologique avant de commencer même à comprendre la complexité des nombreux écosystèmes des océans et leurs interactions. 

Ces connaissances constituent également une condition préalable à respecter avant de pouvoir exploiter les ressources des océans d’une manière responsable et durable.

C’est ce sentiment d’urgence – et de volonté nationale – qui est à la base de mon allocution de ce matin. 

Priorités gouvernementales en matière de S-T 

Avant de poursuivre, toutefois, j’aimerais dire quelques mots au sujet des priorités gouvernementales dans le domaine des sciences et de la technologie.

À titre de conseiller national des sciences, j’ai été très encouragé par l’engagement soutenu qu’a pris le gouvernement dans le discours du Trône d’accroître le rendement économique du Canada et d’améliorer la qualité de vie au moyen des sciences et de l’innovation.

Le discours comprenait plusieurs initiatives visant à atteindre cet objectif. En premier lieu, il a fait état de la nécessité de s’appuyer sur l’investissement fédéral massif de 13 milliards de dollars dans les S-T au cours des six dernières années, qui a permis de créer une base de recherche solide. Le discours a également insisté sur le fait que la commercialisation – transformer des idées, des inventions et des découvertes en entreprises dynamiques et en produits destinés au marché mondial – est primordiale. Et le renforcement des capacités du Canada dans les technologies habilitantes clés, comme les biotechnologies, les TIC et les matériaux nouveaux, constitue également un objectif. Enfin, le discours a réitéré l’engagement du gouvernement à l’égard du développement durable et, ce qui intéresse au plus haut point les personnes ici présentes, il a indiqué que le gouvernement irait de l’avant avec son Plan d’action pour les océans . Ce plan intégré à l’échelle de l’administration fédérale renforcerait l’administration par le Canada de ses régions maritimes et côtières en maximisant l’utilisation et la conception de technologies océanologiques, en établissant un réseau de zones de protection marine, en mettant en œuvre des plans de gestion intégrés et en améliorant l’application des règles régissant les océans et les pêches, y compris les stocks chevauchants.

De plus, je suis très heureux de l’annonce du Premier ministre selon laquelle le gouvernement cherchera à lancer les académies canadiennes des sciences – une alliance nationale des principales académies des sciences et du génie du pays qui fonctionneront sans lien de dépendance par rapport au gouvernement. 

Les nouvelles académies des sciences – qui recevront des fonds de fonctionnement de 35 millions de dollars au cours des 10 prochaines années – permettront de procéder à des évaluations spécialisées de l’état des connaissances scientifiques, lorsque celles-ci s’appliquent aux choix actuels et futurs en matière de politique. Elles permettront également à notre pays de parler d’une seule voix dans les forums scientifiques internationaux. Je suis certain qu’il faudra amener les ACS à évaluer les fondements scientifiques des questions importantes pour nos océans.

Mes priorités initiales à titre de CNS

À titre de conseiller national des sciences, mon rôle consiste à prodiguer des conseils judicieux, impartiaux et non partisans sur les sciences et la technologie au Premier ministre. Naturellement, j’ai défini certaines priorités initiales.

La première de ces priorités est la commercialisation des résultats de la recherche. On m’a demandé de collaborer avec le ministre de l’Industrie pour élaborer un plan d’action complet et intégré qui permettra au Canada de devenir l’un des chefs de file mondiaux dans la transformation d’idées en richesse pour le pays.

Une deuxième priorité est le développement international et la façon dont nous pouvons mobiliser l’expertise technologique canadienne pour aider à faire face aux défis des pays en développement, y compris la montée des puissances économiques comme la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud.

Une troisième priorité consiste à collaborer avec le gouvernement pour que ses investissements en sciences et en technologie soient – selon le libellé du discours du Trône – « … stratégiques, ciblés et fructueux ». 

J’examinerai également des façons de revitaliser les laboratoires gouvernementaux, d’en faire disparaître le cloisonnement et d’assurer une intégration plus poussée des activités scientifiques et technologiques internes du gouvernement.

Pourquoi mettre l’accent sur les océans?

Permettez-moi maintenant de revenir aux océans du Canada et au rôle essentiel que jouent les sciences et l’innovation pour nous aider à comprendre la nouvelle frontière que sont les océans. 

Pourquoi mettre l’accent sur l’océanologie? Et pourquoi maintenant? J’ai déjà parlé du rôle intégral des océans dans l’écosystème mondial. Mais les océans constituent également la base d’une économie maritime établie de longue date, de plus en plus évoluée et axée sur la haute technologie – dont la valeur à l’échelle mondiale, en 2000, était estimée à 1,1 billion de dollars canadiens. La plus grande partie de cette économie est constituée de l'exploitation pétrolière et gazière en mer, du transport de marchandises et de l'activité navale2

Au Canada, les industries maritimes et océaniques apportent au moins 20 milliards de dollars chaque année à l’économie et, selon les estimations, 350 000 emplois directs, indirects et à temps partiel en sont tributaires, dont la plupart sont situés dans les collectivités côtières3 .

Et avec l’accroissement de la libéralisation du commerce –ainsi que la croissance du transport maritime mondial, des activités nautiques de récréation et de loisir, de l’exploitation pétrolière et gazière en mer et de l’émergence de nouvelles technologies océanologiques – ces chiffres augmentent rapidement. 

Cette croissance exerce de nouvelles pressions sur nos océans : voies navigables congestionnées, sécurité portuaire et conflits concernant l’utilisation, entre autres.

Par ailleurs, les océans du monde, et les industries maritimes qui en dépendent, sont de plus en plus menacés par une foule de problèmes environnementaux complexes. 

Changement climatique. Surpêche. Pollution. Il semble qu’à tout instant, nous entendons parler d’un autre problème des écosystèmes des océans, qu’il s’agisse du déclin des populations de poissons, de la perte de la biodiversité, de l’invasion d’espèces exotiques, de la détérioration des habitats côtiers essentiels aux poissons et à la faune et du blanchiment des récifs de coraux dans les océans du monde. 

Le message environnemental est très clair : ensemble, les pays du monde ne peuvent pas continuer d’exploiter la richesse des océans avec impunité ou nous perdrons leurs ressources d’une valeur inestimable essentielles au maintien de la vie.

Il est temps d’établir un nouvel équilibre entre le développement et la santé environnementale de nos océans – d’adopter une nouvelle façon d’envisager nos relations avec ces grandes étendues d’eau et de vie.

Mais comment réussirons-nous à établir ce nouvel équilibre? Je ne prétends pas être un expert en gestion des océans, mais de toute évidence un nouvel engagement à l’égard d’une approche intégrée de la gestion des écosystèmes devra constituer un membre essentiel de l’équation. 

Il faudra aussi établir une coopération internationale plus efficace. Les pays du monde devront conjuguer leurs efforts plus efficacement pour appliquer les lois et les règlements internationaux, coordonner l’utilisation commerciale et récréative et acquérir et échanger les connaissances scientifiques et les technologies dont nous avons besoin pour assurer l’avenir des océans.

En fait, à mon avis, notre capacité d’accroître notre compréhension des océans au moyen de découvertes scientifiques impartiales et crédibles constitue le troisième membre de l’équation.

L’océanologie – La nouvelle frontière

J’ai dit au début que je considère l’océanologie comme la prochaine frontière scientifique importante. Je le crois sincèrement.

La gestion et le développement durables de nos océans exigeront un niveau d’exploration scientifique des forces physiques, biologiques, économiques, sociales et culturelles à l’œuvre dans nos océans qui va bien au-delà de l’état actuel de nos connaissances et de notre capacité technique. 

Pourtant, la possibilité de faire une découverte importante – ainsi que les avantages éventuels des retombées scientifiques et techniques – est énorme.

L’océanologie et l’innovation peuvent apporter une contribution considérable à la qualité de vie de toute l’humanité et nous aider à protéger la biodiversité marine, à trouver de nouvelles sources d’énergie, à répondre à nos besoins croissants en matière d’aliments, à créer les produits pharmaceutiques et les suppléments alimentaires dont nous avons grand besoin et à assurer la sécurité du transport maritime.

Il n’est donc pas très surprenant que de plus en plus de pays jettent un regard neuf sur l’importance stratégique de l’océanologie et le développement de leurs industries des technologies océanologiques et de la mer.

Le rapport récent de la Presidential Commission on Ocean Policy des États-Unis, par exemple, invoque de solides arguments en faveur du renouvellement de l’engagement envers les sciences et les technologies océanologiques .

D’autres pays – comme la Grande-Bretagne et l’Australie ainsi que le Canada – ont entrepris des activités de prévision et d’établissement de cartes routières pour déterminer les besoins et les marchés futurs en matière de sciences et de technologies océanologiques.

Certains d’entre vous connaissent sans doute la Carte routière technologique de l’industrie maritime et océanique –ou y ont participé. Il s’agit d’un exercice dirigé par l’industrie qui a permis d’amorcer des échanges très utiles au sujet des industries océanologiques et qui a mené à une plus grande synergie entre les intervenants dans le secteur des océans.

Les points forts du Canada en S-T maritimes et océanologiques

Où se situe le Canada en S-T maritimes et océanologiques?

Même s’il n’est pas une puissance tous azimuts, le Canada est un chef de file dans plusieurs créneaux clés des sciences et du développement des technologies océanologiques comme le montre cette diapositive.

Les laboratoires fédéraux et provinciaux, les universités et l’industrie du Canada ont acquis une expertise reconnue à l’échelle internationale dans des domaines aussi divers que la cartographie et la télédétection océaniques, la technogénie en eaux froides et les véhicules sous-marins autonomes.

Bon nombre de ces capacités peuvent s’appliquer à diverses activités maritimes et océanologiques. Il s’agit d’un avantage dont le Canada peut tirer parti.

Le Canada collabore également à un nombre croissant de projets internationaux de pointe dans le domaine de l’océanologie et de la recherche.

Le projet NEPTUNE est probablement le premier qui nous vient à l’esprit aujourd’hui.

Je sais que Chris Barnes nous fera l’historique de cet important projet de collaboration de 300 millions de dollars entre le Canada et les États-Unis. En bref, ce projet passionnant devrait révolutionner notre compréhension des processus complexes qui se déroulent à la surface, juste au-dessus et en dessous du plancher océanique, comme le télescope Hubble l’a fait dans l’espace.

Le projet NEPTUNE permettra de créer un observatoire océanologique au large des côtes de la Colombie-Britannique, de l’État de Washington et de l’Orégon en installant un réseau de 3 000 km de câbles à fibres optiques sur le plancher océanique de la plaque tectonique Juan de Fuca. Cet observatoire offrira un accès sans précédent aux grands fonds marins et permettra à des chercheurs internationaux de faire face à tous les genres de possibilités et de défis mondiaux, de la création de réseaux d’alerte rapide concernant les tremblements de terre et les éruptions volcaniques dans les océans à la prévision des changements climatiques, et d’examiner les nouveaux écosystèmes et les formes de vie dans les profondeurs des océans.

Un grand nombre d’intervenants des gouvernements, d’universités et d’industries du Canada et des États-Unis participent au projet NEPTUNE, sous la direction de l’Université de Victoria et de l’Université de Washington. Plusieurs autres partenaires internationaux s’intéressent également au projet, dont le Japon, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Un autre atout du Canada en matière de S-T océanologiques est la réputation internationale de son industrie des technologies maritimes et océaniques, qui est de petite taille, mais en croissance.

De plus en plus d’entreprises canadiennes – dont bon nombre sont de petites et moyennes entreprises (PME) – s’imposent sur les marchés à créneaux mondiaux. Les entreprises canadiennes soutiennent la concurrence avec succès dans une foule de domaines spécialisés allant des appareils de forage modulaires, aux navires intégrés et aux systèmes d’information à terre.

Clearwater Fine Foods constitue un exemple type. De concert avec la Commission géologique du Canada et le Service hydrographique du Canada, l’entreprise a mis au point une technologie pour visualiser le plancher marin afin de repérer les habitats riches en palourdes et les concentrations de palourdes. La technologie – qui combine les cartes et images bathymétriques produites par sonar multi-faisceaux, les GPS et les ordinateurs à bord servant à l’enregistrement des données sur les prises – facilite une pêche plus sélective basée sur des critères de gestion des stocks et de demande du marché.

Le Canada compte aussi trois autres pôles croissants ou émergents en technologies océanologiques.

Le pôle de St. John’s (Terre-Neuve) – connu sous le nom d’Oceans Advance – connaît une croissance constante et se positionne activement comme centre international de choix pour les technologies océanologiques. Comptant 35 entreprises, le pôle a maintenant créé des emplois pour près de 1 000 personnes.

À Rimouski (Québec), Technopole maritime du Québec s’emploie à relier et à promouvoir les entreprises de technologies maritimes et océanologiques le long du Saint-Laurent. Le réseau TMQ compte quelque 13 centres de recherche, de développement et de transfert technologique, six chantiers maritimes et plus de 100 sociétés en activité dans les secteurs des technologies maritimes, de la biotechnologie, de l’aquaculture et de la transformation bioalimentaire.

Et ici à Victoria, on déploie des efforts semblables pour soutenir et relier les entreprises et les centres de recherche de la région dans le domaine des technologies océanologiques.

Une vision pour le Canada

J’aimerais maintenant présenter le défi qui se pose aux industries océaniques et maritimes du Canada.

Le Canada a une fière tradition maritime. La dynamique de l’économie maritime évolue rapidement – la technologie devenant de plus en plus essentielle dans tous les secteurs.

Pourquoi ne relèverions-nous pas le défi – nous du secteur public, du secteur privé et du milieu universitaire – de faire du Canada un chef de file mondial en matière de gestion des océans, d’océanologie et de technologies océanologiques?

La réalisation de cette vision aiderait à atteindre dans une grande mesure les objectifs socioéconomiques du Canada – créer la richesse et des emplois et améliorer notre qualité de vie, en particulier dans les collectivités côtières.

Notre stratégie peut être très simple au départ, notamment miser sur nos points forts actuels et déterminer les possibilités supplémentaires dans les domaines connexes.

Il y a déjà une foule de possibilités à l’horizon. 

Prenons l’exemple du pétrole et du gaz. L’expertise du Canada en technogénie en eaux froides, en surveillance des glaces de mer et en modélisation environnementale peut nous procurer un avantage concurrentiel à mesure que la recherche et la production d’énergie se déplacent dans les eaux plus profondes et les zones écologiquement fragiles de l’Arctique.

En fait, le Canada est déjà reconnu comme un chef de file international en matière de recherche sur les hydrates de méthane. Les hydrates de méthane – ou de gaz – font partie des clathrates – substances dans lesquelles le méthane ou d’autres hydrocarbures sont emprisonnés dans la glace. Situés sous une grande partie des plateaux continentaux arctiques et marins du monde, ils pourraient produire plus d’énergie que toutes les autres formes d’hydrocarbure – pétrole, gaz et charbon – réunies.

En 2002, le Canada a dirigé un projet de recherche international dans le delta du Mackenzie dans l’Arctique canadien, qui a révélé pour la première fois qu’il est possible sur le plan technique de produire du gaz à partir des hydrates de gaz. Le savoir-faire acquis dans le cadre de ces travaux – et d’autres travaux de recherche sur les hydrates extracôtiers au Canada – devrait être en demande pour d’autres projets de recherche concertés dans le monde. Le Canada collabore déjà avec des pays comme le Japon, l’Inde et les États-Unis à des projets de R-D sur les hydrates de gaz.

La construction navale et la fabrication d’installations spécialisées constituent un autre domaine connexe où nous pourrions être à l’avant-garde. L’expérience du Canada dans la construction de navires de recherche et de traversiers rouliers pourrait être un avantage, car la croissance du transport maritime et de l’énergie extracôtière augmente la demande de navires spécialisés et de plates-formes de forage.

Une troisième possibilité tient au vif intérêt à l’égard de l’acquisition d’une meilleure connaissance des formes de vie uniques et des systèmes énergétiques associés aux crevasses des grands fonds et à l’activité volcanique à des profondeurs extrêmes. Il s’agit d’un domaine qui se prête à une exploration scientifique où l’on peut faire des découvertes ayant des retombées éventuelles à long terme.

Ce qui m’amène aux technologies et aux services océanologiques. Ici encore, le Canada peut mettre à profit son avance en matière de cartographie océanique, de modélisation environnementale et de gestion des données pour en tirer des avantages concurrentiels.

De plus, il y a des possibilités semblables à exploiter dans les opérations maritimes et portuaires, la gestion de l’environnement, l’aquaculture et la capture de poissons sauvages.

Il s’agira essentiellement d’établir une vision claire de l’objectif que nous voulons atteindre et de concevoir les réseaux de recherche et d’affaires capables d’alimenter le pipeline d’innovation et de commercialiser les succès du Canada. L’impulsion produite par la Carte routière technologique de l’industrie maritime et océanique constitue un bon point de départ.

Principaux défis

Bien entendu, il y aura probablement des écueils. Il existe des barrières à franchir, et nous devrons trouver des solutions pratiques pour y parvenir.

En bref, ce sont :

  • la complexité et la sensibilité des écosystèmes des océans; 
  • la connaissance limitée chez les décideurs et la population de la capacité des technologies maritimes et océanologiques de contribuer à la croissance économique durable et à la qualité de vie des Canadiens;
  • la complexité du système d’innovation du Canada dans le domaine des océans. Étant donné la diversité des intervenants, il faut déployer des efforts importants pour coordonner et échanger des connaissances et des renseignements;
  • les nombreux obstacles types à la commercialisation que rencontrent les PME, notamment les compétences et la capacité de gestion, la disponibilité du capital de risque, l’accès aux marchés internationaux et la prévisibilité du milieu de la réglementation. 

À mon avis, l’industrie et l’État doivent se mettre au défi de régler ces questions – par exemple, lorsqu’il s’agit de la commercialisation, il incombe à l’industrie de mettre de nouveaux produits et procédés sur le marché. Le rôle de l’État consiste surtout à créer le climat fiscal et le milieu de la réglementation appropriés et à agir comme catalyseur.

Toutefois, l’État peut recourir à d’autres moyens importants pour apporter son aide.

Les marchés publics constituent un moyen clé. L’État peut prêter son concours en adoptant rapidement les nouvelles technologies. Plusieurs parcs de navires gouvernementaux – la Garde côtière, la Marine et, à l’échelle provinciale, les traversiers océaniques – devront bientôt être remplacés. Le gouvernement peut profiter de l’occasion pour commander des « navires de l’avenir » fabriqués au Canada, munis de systèmes de propulsion écologiques, de mécanismes d’autochargement et d’autres caractéristiques « intelligentes ».

L’histoire de Ballard Power Systems nous donne un bon exemple des avantages que cela peut apporter. Cette société a bénéficié de l’impulsion dont elle avait besoin en 1983, année où elle a obtenu un petit contrat pour mettre au point une source d’énergie silencieuse pour les militaires canadiens.

Le gouvernement a aussi un rôle essentiel à jouer sur la scène internationale – collaborer avec d’autres gouvernements pour protéger l’intégrité environnementale des océans, mettre à jour la réglementation internationale sur la sécurité maritime et promouvoir la coopération scientifique internationale dans le domaine de la recherche sur les océans.

Naturellement, bon nombre d’entre nous seraient heureux de voir le gouvernement octroyer plus de fonds pour la R D ou certaines initiatives de commercialisation. Mais il y a d’autres façons dont le gouvernement peut faire avancer les choses à titre de partenaire de l’industrie – particulièrement en tirant parti de la capacité de réunir des partenaires clés, de favoriser l’échange de renseignements et d’être le catalyseur de nouvelles initiatives comme les efforts de création de pôles dont j’ai fait état il y a quelques instants.

Perspectives d’avenir

J’entrevois plusieurs possibilités de promouvoir cette vision de la croissance.

Une possibilité particulièrement intéressante est l’Année polaire internationale (API), qui doit avoir lieu en 2007-2008.

Première Année polaire internationale en 50 ans, l’API 2007-2008 comprendra une vaste campagne internationale de recherche qui devrait constituer un jalon dans l’histoire des sciences polaires et permettre de jeter les bases de la recherche polaire dans les prochaines décennies. Au total, le budget de recherche prévu de l’API devrait dépasser 1 milliard de dollars, et environ 100 pays devraient y participer.

La recherche portera sur les deux régions polaires et reconnaîtra les liens étroits qui existent entre ces régions et le reste de la planète, en particulier leur rôle dans le changement climatique. Les programmes de recherche recouperont de nombreuses disciplines, y compris des études culturelles, sociales, sur la santé, géophysiques et biologiques.

Du point de vue des océans, il s’agit d’une possibilité à ne pas manquer.

De toute évidence, il y aura de nombreux liens avec l’océanologie – tant sur le plan du programme de recherche que sur le plan de l’élaboration d’une politique publique.

Le Canada commence à peine à organiser sa participation à l’API. Je vous recommande à tous d’envisager comment vous pourriez profiter de cette occasion de mettre en évidence les sciences et les technologies océanologiques au Canada.

Une deuxième possibilité importante réside dans l’engagement du gouvernement de promouvoir le Plan d’action pour les océans. L’océanologie, l’innovation et la commercialisation des technologies maritimes et océanologiques constituent explicitement l’un des quatre piliers du plan.

Les responsables de l’océanologie seront en mesure de formuler des idées utiles au fur et à mesure du déroulement du plan et ils devraient s’employer à appuyer sans réserve les initiatives qui peuvent renforcer les capacités du Canada en matière de recherche ou la capacité de commercialiser les technologies canadiennes.

Par exemple, divers partenaires de l’État, du milieu universitaire et du secteur privé appuient actuellement une proposition visant à élaborer quatre projets de démonstration sur les technologies océanologiques.

La proposition comprend :

  • un projet de démonstration sur la gestion du trafic, la sécurité et la défense dans le Bas-Saint-Laurent (connu sous le nom de Mise en valeur du Saint-Laurent); o un projet sur la sécurité du trafic maritime dans la baie de Plaisance à Terre-Neuve;
  • un projet de gestion du mouvement et de la gestion des glaces dans l’archipel Arctique qui ferait appel aux sciences du changement climatique et du Nord; 
  • un projet sur la prospection pétrolière et gazière et l’utilisation des espaces marins – qui aurait probablement des liens avec le projet NEPTUNE – sur la côte Ouest.

La clé ici, comme toujours, c’est de penser de manière créatrice à la façon de transmettre le message – à l’échelle nationale et internationale – selon lequel l’océanologie et les technologies océanologiques du Canada peuvent contribuer dans une grande mesure à la gestion durable des ressources océaniques et des activités maritimes du monde.

De plus, il faut absolument utiliser les possibilités d’établir des partenariats et des réseaux qui puissent avoir un effet multiplicateur sur le soutien et les ressources.

Pour ma part, vous pouvez compter sur moi pour défendre farouchement l’océanologie canadienne et la croissance d’une industrie maritime et océanologique concurrentielle à l’échelle internationale.

En ce qui concerne les champions, j’aimerais prendre quelques instants pour rendre hommage au leadership de M. Peter Harrison, chargé principal d’études, océans, au Conseil national de recherches. Grâce à sa vision et à ses aptitudes remarquables en matière de réseautage, Peter a contribué à promouvoir le Plan d’action pour les océans et à faire mieux connaître l’océanologie et l’innovation dans les sphères décisionnelles au Canada.

Conclusion

En conclusion, j’aimerais souligner de nouveau que l’océanologie est une nouvelle frontière scientifique. Enfin, je ferai état de cinq autres points :

  • Il faut gérer les zones océaniques du Canada et du monde de manière à établir un équilibre entre l’exploitation des océans et la santé de l’environnement.
  • Le Canada a la chance de compter des responsables de l’océanologie dans les secteurs public et privé qui sont reconnus à l’échelle internationale dans un certain nombre de créneaux importants.
  • Le Canada a la possibilité de mettre à profit cet atout et d’être un chef de file mondial dans plusieurs domaines clés de l’océanologie et de l’innovation – en particulier ceux qui ont trait aux activités dans l’Arctique et dans les eaux froides.
  • Le succès d’une telle entreprise apporterait des avantages économiques, sociaux, environnementaux et sanitaires importants au Canada, en particulier dans les collectivités côtières. 
  • Les océans, les sciences et la croissance durable – il s’agit d’un legs important à laisser à nos enfants. 

Le défi que je vous lance ici est de travailler ensemble pour atteindre cet objectif.

Les réunions que vous tiendrez au cours des prochains jours constituent un pas en avant important. Je vous souhaite une conférence fructueuse.

 

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Mise à jour: 2004-10-25  Avis importants