Let's Talk Science
Arthur J. Carty
Le texte prononcé fait foi.
Partnership Program Conference
London (Ontario)
Le 11 juin 2005
Merci, Bonnie, de cette aimable présentation. C'est un véritable plaisir
pour moi d'être aujourd'hui devant un groupe de bénévoles dévoués comme
vous pour vous entretenir de deux sujets qui me sont chers : l'enseignement des
sciences et la culture scientifique. Comme vous le savez maintenant, j'ai
accédé au poste de conseiller national des sciences auprès du Premier
ministre il y a un peu plus d'un an. À ce titre, je dispense des conseils
judicieux, indépendants et impartiaux au Premier ministre et au gouvernement
canadien sur des questions, des orientations et des priorités de nature
scientifique. Toutefois, je souhaite aujourd'hui m'adresser à vous en tant que
chercheur et enseignant, des activités que je mène depuis plus de 40 ans,
plutôt que comme conseiller, et vous parler de l'importance des communications.
Les communications sont au cœur de la quête scientifique, que ce soit au
sein des équipes de recherche, de la collectivité scientifique ou de la
population et des étudiants. Je suis persuadé que vous connaissez tous très
bien les difficultés et les gratifications associées à la communication des
sciences à différents publics. Donc, j'aimerais d'abord commencer par une
petite blague qui illustre bien les difficultés auxquelles nous sommes
confrontés en tant qu'éducateurs et communicateurs dans le domaine des
sciences.
Un politicien et un journaliste participant à une réunion profitent de la
pause pour se promener dans un parc. Soudainement, une grenouille se retrouve
devant eux et se met à parler : " Je suis un scientifique à qui on a
jeté un mauvais sort. Si vous me prenez dans vos mains et me donnez un baiser,
je serai à votre service pour l'éternité! "
Le journaliste dit au politicien : " Quelle chance pour vous! Un expert
serait constamment disponible pour vous fournir des conseils scientifiques!
" Mais le politicien lui répondit : " Ah! non! Ce n'est pas une bonne
idée! Tout le monde sait que les scientifiques parlent trop, qu'ils sont plus
connaissants que quiconque sur tout, et qu'ils veulent toujours être le centre
d'attention. Ce serait plutôt une chance pour vous! Les équipes de rédaction
ne comptent pas souvent de spécialistes en sciences, et ces rares spécimens ne
sont pas toujours bien renseignés. Vous en bénéficieriez plus que moi, alors
saisissez votre chance! Prenez la grenouille et embrassez-la! " Le
journaliste ramassa la grenouille, l'examina brièvement et la mit dans sa
poche. Surpris, le politicien lui demanda pourquoi il faisait cela au lieu de
l'embrasser. Et le journaliste répliqua : " C'est parce qu'une grenouille
parlante est cent fois plus intéressante pour les médias que le meilleur des
scientifiques! "
Les sciences ont joué un rôle historique important dans l'évolution de
nombreuses cultures, pensons aux Grecs et aux mathématiques, aux Romains et à
leurs aqueducs et voies maritimes, des chefs-d'œuvre d'ingénierie! Mais,
l'incidence actuelle des sciences, à tous les niveaux de la société, de même
que celle de la technologie dans tous les aspects de notre vie, est sans
précédent. Les emplois de demain exigeront de bonnes connaissances
scientifiques et technologiques et, déjà, ces connaissances font partie
intégrante du bagage de tout citoyen informé. Toute décision gouvernementale
comporte un aspect scientifique. Des domaines problématiques comme les
changements climatiques, la sécurité et la santé ont une nature scientifique
complexe à laquelle la population est quotidiennement confrontée. De plus, les
progrès réalisés en génomique, en thérapie génique axée sur des
organismes génétiquement modifiés, en clonage et en recherche sur les
cellules souches soulèvent un nombre croissant de dilemmes sociaux, éthiques,
environnementaux, économiques et juridiques. L'équipe coréenne qui a réussi
à développer les premières lignées de cellules souches identiques à l'ADN
d'un malade grâce au clonage thérapeutique est un exemple récent. Des
spécialistes des questions juridiques et éthiques, tant au Canada qu'à
l'étranger, ont commenté la question en long et en large. Il y a eu et il
continue d'y avoir des débats sur la science dans la majorité des forums
publics, y compris en campagne électorale.
Maintenant, laissez-moi juste glisser quelques mots sur la situation des
sciences et de la technologie au Canada, surtout dans le nouveau contexte qui
prévaut en recherche. Je vis au Canada depuis 40 ans et je peux vous garantir
que l'on traverse la période la plus emballante des 50 dernières années pour
un scientifique! Nous vivons à une époque d'une richesse inégalée, les
gouvernements investissant beaucoup dans le domaine du savoir et de
l'innovation, parce qu'ils savent que c'est essentiel à la prospérité
économique dans le monde d'aujourd'hui.
L'objectif du Canada est de devenir l'un des cinq pays les plus novateurs et
axés sur la recherche d'ici 2010. Pour ce faire, nous devrons entre autres
former ou dénicher 100 000 scientifiques et ingénieurs de plus d'ici la fin de
la décennie. Nous devrons aussi doubler l'investissement du gouvernement en
recherche-développement et tripler l'investissement des entreprises. De grands
défis, certes, mais rien d'impossible si nous nous attelons à la tâche, car
nous avons établi d'excellentes bases à cet égard au cours des six dernières
années.
Je suis persuadé que, dans le cadre de votre travail au sein des
collectivités, vous investissez aussi dans notre base scientifique de façon
très concrète. À moins de tisser des liens avec les jeunes et d'être une
source d'inspiration pour eux par l'intermédiaire d'expériences
d'apprentissage stimulantes et pertinentes, nous raterons une occasion en or,
celle découlant de l'engagement marqué du gouvernement fédéral envers les
sciences. Qu'il s'agisse de donner l'exemple au prochain Frederick Banting ou de
stimuler un intérêt permanent pour les sciences, vous veillez à ce que le
Canada dispose du savoir nécessaire pour demeurer concurrentiel et continuer à
connaître du succès. Les partenariats Let's Talk Science rendent les sciences
accessibles et emballantes pour les enfants afin qu'ils puissent grossir les
rangs des étudiants en sciences, des professeurs et des post-doctorants. Peu
importe la carrière que ces enfants choisiront, le fait de leur enseigner les
sciences en leur ouvrant les sentiers de la découverte stimulera leur esprit
critique, leur sens de l'analyse, leur compréhension contextuelle et leurs
capacités à résoudre des problèmes - autant de qualités essentielles à une
population ingénieuse.
La culture scientifique que je prône comporte deux volets : elle comprend à
la fois la connaissance des principes scientifiques qui facilitent la
compréhension des sciences et de la technologie de même que la pensée
critique et la capacité d'analyse acquises par l'intermédiaire de l'étude des
sciences et qui sont applicables à tous les aspects du quotidien. C'est
pourquoi la culture scientifique est si importante : elle fait des Canadiens des
gens actifs, informés et ingénieux qui nous propulseront dans le XXIe siècle.
On constate cependant que les éducateurs ont de plus en plus de mal à
retenir l'attention des enfants. Les gens sont bombardés de renseignements par
la télévision, le multimédia et, surtout, l'Internet. Le défi d'intéresser
un enfant aux sciences croît sans cesse, tout comme son importance! C'est
pourquoi les programmes comme les partenariats Let's Talk Science sont d'autant
plus essentiels. L'apprentissage des sciences fondé sur la découverte permet
d'enseigner des compétences utiles la vie durant, soit la pensée critique, la
résolution de problème et l'utilisation des notions scientifiques pour
évaluer le monde qui nous entoure. Comme le disait Albert Einstein : "
L'art suprême de l'enseignant est d'éveiller la joie de créer et d'apprendre.
"
C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis si rassuré quand j'entends
parler de façons novatrices de promouvoir les sciences auprès des jeunes. J'ai
découvert dernièrement un programme appelé Students on Ice, offert par un
organisme canadien voué à l'organisation d'expéditions éducatives en
Antarctique et en Arctique pour les élèves du secondaire, les enseignants et
les scientifiques de partout dans le monde. Cette année, Students on Ice s'est
associé aux pays circumpolaires qui forment le Conseil de l'Arctique et à
plusieurs organismes nationaux et internationaux afin d'entreprendre l'Arctic
Youth Environmental Leadership Expedition, expérience unique pendant laquelle
80 élèves de partout dans le monde rédigeront une déclaration sur les
changements climatiques en Arctique qui sera déposée par une délégation
jeunesse à Montréal, à l'occasion d'une réunion concernant l'après-2012 de
Kyoto prévue plus tard cette année. Ce document constitue une étape
importante dans la préparation de la participation du Canada aux activités de
l'Année polaire internationale de 2007-2008.
Les efforts exceptionnels déployés par vos coordonnateurs au cours de la
dernière année pour sensibiliser les enfants et influer de façon durable sur
leur avenir m'ont beaucoup impressionné. Il est inspirant de voir les efforts
de sensibilisation de groupes des Premières nations et dans le cadre de
programmes dans les musées, de congrès, de foires scientifiques et de nombreux
autres moyens novateurs de sensibiliser les enfants très sollicités
d'aujourd'hui. L'un des organisateurs de cette manifestation a même fait
allusion à un groupe dévoué de bénévoles qui a fait une excursion
ambitieuse de 800 kilomètres en trois jours afin de visiter des écoles. Ces
bénévoles ont dû faire deux voyages en traversier, à travers le pack,
contourner un troupeau de caribous et même des ours polaires! Je suis persuadé
qu'il y a bien des histoires semblables sur les coordonnateurs et les
bénévoles qui repoussent les limites pour changer les choses. En tant que
scientifique, mais aussi en tant qu'éducateur et conseiller national des
sciences, je voudrais saluer vos efforts et vous inciter à poursuivre votre
travail afin d'insuffler la passion et la compréhension des sciences partout
dans les collectivités. Enfin, j'aimerais vous citer à nouveau Albert Einstein
: " Je n'ai pas de talent particulier; je suis seulement passionnément
curieux. " Inciter nos jeunes à cultiver leur curiosité, c'est-à-dire à
poser des questions, à penser et à réfléchir afin de comprendre… Voilà
une contribution importante et souvent sous-estimée à notre pays et à notre
société.
Je conclurai avec une histoire sur Einstein. Après tout, c'est cette année
le centième anniversaire d'une année mémorable, celle où Einstein a publié
la théorie de la relativité, la théorie spéciale de la relativité de même
que la théorie de l'effet photoélectrique.
Donc, en termes d'orientation et de leadership, Let's Talk Science est sur la
bonne voie. Continuez votre excellent travail.
Et merci encore de m'avoir donné l'occasion de parler d'un sujet qui me
tient à cœur. J'ai hâte de voir ce qu'il adviendra de Let's Talk Science dans
les années à venir.
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